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Réponses du Pr Johan Pallud, neurochirurgien, à des questions de patientes

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VIVRE AVEC UN MENINGIOME

Réponses du Pr Johan Pallud, neurochirurgien, à des questions de patientes

En l’absence de signes cliniques graves, comment doit-on par précaution s’organiser pour que la présence des méningiomes soit facilement connue des secours ? (Ex: garder le CD de son IRM sur soi? Une copie papier ? S’inscrire sur une liste auprès des SAMU ? (Existe pour des pathologies cardiaques)). Je fais partie des non opérées car « asymptomatiques » soit: fatigue, vertiges (terminés depuis l’arrêt de l’Androcur et une petite diminution de taille du gros méningiome sur les 5- et surtout une diminution de l’œdème cérébral).

Pr Johan PALLUD (JP), responsable de l’Unité Fonctionnelle de Neuro-Oncologie Chirurgicale du GHU-Paris Sainte-Anne : Le risque d’avoir un événement neurologique grave et inattendu est extrêmement faible. Comme pour tout autre problème de santé, il est bien d’avoir dans son sac, à côté de sa Carte Vitale, les éléments médicaux nécessaires à la compréhension de votre problème de santé. Concernant les méningiomes, avoir une copie du dernier compte-rendu d’IRM et de la dernière consultation avec le neurochirurgien me semble suffisant.

 

Quels sont les médicaments contre-indiqués en cas de méningiomes ? Si ce n’est les progestatifs bien sûr !

JP : Avant toute prise au long cours d’un médicament, il convient de mentionner au médecin votre antécédent de méningiome(s). C’est à lui de vérifier que le traitement qu’il souhaite vous administrer est compatible avec votre état.

 

Bonjour je ne sais pas si un neurochirurgien peut répondre à cette question. Ce qui se passe dans nos cerveaux est compliqué entre chimie, méningiome, émotionnel… Ma question est ce que le Lyrica peut induire des états dépressifs et si oui peut on le remplacer par une autre molécule ? Comment peut-on savoir si c’est lié ou pas et à-t-on fait des études sur ce sujet ?

JP : Des troubles de l’humeur sont rapportés lors de la prise de Prégabaline (Lyrica). Si vous êtes gênée, il faut envisager avec votre médecin si cette gêne peut être en lien avec la prise du traitement. Le cas échéant, le médecin pourra voir s’il est possible de changer pour un autre traitement ayant la même efficacité. Il ne faut jamais changer son traitement de sa propre initiative sans accord médical au préalable.

 

Une inflammation liée à une radiochirurgie sur un méningiome englobe sur le nerf du trijumeau provoquant des douleurs neuropathiques prédominantes dans le territoire du v 1 droit peut-elle se résorber avec le temps ?

JP : Oui, il est possible d’observer une diminution des douleurs au fil du temps. Il est cependant très difficile de prédire avec précision si cela va se produire, puisque la diminution des douleurs va dépendre des dégâts sur le nerf, qui peuvent être induits par le méningiome ou par la radiochirurgie et dont le potentiel de récupération va dépendre de la nature du dégât.

 

Est-ce que l’œdème qui se développe autour du méningiome régresse en même temps que le méningiome ? Quel est l’impact de l’œdème ?

JP : Oui, l’œdème régresse une fois le méningiome traité car il est la conséquence de l’irritation du cerveau par le méningiome. L’œdème qui s’installe dans le cerveau – comme l’eau gorge une éponge – vient comprimer le cerveau. Il peut donc induire des crises d’épilepsie par irritation du cortex cérébral, induire des déficits neurologiques en faisant dysfonctionner le cerveau et induire des maux de tête par l’hyperpression qu’il engendre.

 

À l’arrêt de tout progestatif, combien de temps faut-il à un méningiome pour diminuer? À quel rythme? Il régresse à la même vitesse qu’il a grossi ?

JP : On observe habituellement une décroissance dès les premiers mois d’arrêt du traitement. La décroissance et le rythme de décroissance sont variables d’un patient à l’autre et sont même variables d’un méningiome à l’autre chez le même patient. Il n’y a donc pas de règle et, en conséquence, il convient d’adapter la surveillance à chaque cas.

 

Par ailleurs, est-ce que la progestérone que nous produisons naturellement influence l‘évolution du méningiome ?

JP : Non, pas à ma connaissance.

 

Quand on parle de méningiome on parle de tumeur qui partent des méninges si j’ai bien compris. Là où je ne comprends pas c’est comment alors se fait-il que cette tumeur puisse infiltrer ou englober un nerf trijumeau. C’est mon cas. Est-ce que ça veut dire qu’il pénètre complètement le nerf. Merci par avance.

JP : Un méningiome est une tumeur des méninges, qui sont des enveloppes autour du cerveau. Les nerfs crâniens, dont le nerf trijumeau, doivent obligatoirement « traverser » le sac de méninges qui entoure le cerveau pour aller innerver la face. Ainsi, le nerf trijumeau, son ganglion et ses branches de division sont naturellement entourés de méninges lors de la traversée de la base du crâne. Un méningiome développé à cet endroit peut donc venir comprimer le nerf trijumeau et peut même l’englober au sens propre si toute la méninge autour est atteinte. Enfin, un méningiome peut venir adhérer et infiltrer la paroi du nerf. Au final, la souffrance d’un nerf peut provenir de sa compression directe par le méningiome, de la réduction de son espace de passage par le méningiome, de son infiltration par le méningiome, d’une atteinte de sa vascularisation par le méningiome et d’un mélange de tout cela.

 

DOULEURS – CICATRICESFATIGUE

Que se passe-t-il exactement et en terme compréhensible, au niveau de la cicatrice pour qu’on ait mal plus de deux ans après encore au cuir chevelu. Je n’ai toujours pas vraiment compris les explications.

JP : Il est habituel d’avoir en post-opératoire des troubles de la sensation autour de la cicatrice cutanée. Il peut s’agir d’une perte ou d’une diminution des sensations au toucher, de sensations anormales et parfois désagréables (picotement, fourmillement, flash), de troubles de la sensation au chaud et au froid ou encore de véritables douleurs. Ceci est directement lié à l’ouverture de la peau qui a coupé des fibres nerveuses cheminant dans le cuir chevelu. Les fibres nerveuses coupées rendent compte des pertes de sensation. Les fibres nerveuses « repoussent » ensuite, c’est à dire que d’autres fibres nerveuses viennent coloniser les territoires cutanés, expliquant ainsi l’amélioration en quelques mois. La possible persistance de troubles de façon définitive est expliquée par le caractère imparfait de la repousse nerveuse, les fibres de remplacement pouvant être moins performantes que les fibres initiales.

 

Dans le cerveau, là où était la tumeur, est-ce de l’eau qui reste à la place ? Est-ce que cela entraîne un déséquilibre qui cause ces vertiges résiduels ?

JP : Une fois le méningiome retiré, le cerveau – s’il était comprimé par le méningiome – vient reprendre sa place. Il reste, la plupart du temps, un petit espace qui est comblé par le liquide cérébro-spinal. Ainsi, l’équilibre est restauré à l’intérieur du crâne. A mon sens, cela n’entraine aucun symptôme.

Pourquoi garde t’on de la fatigue durant tant d’années ?

JP : Avoir un méningiome, être opéré, la convalescence post-opératoire, les éventuelles pertes neurologiques et cognitives, l’éventuelle rééducation et les éventuels traitements médicamenteux (dont les médicaments anti-épileptiques) sont autant de facteurs qui pèsent sur le fonctionnement cérébral et expliquent le long chemin avant un retour à une vie la plus normale possible.

 

Il y a aussi des douleurs désagréables au niveau des 2 cicatrices que j’ai sur le crâne, perte de mémoire et d’équilibre.

JP : Voir mes commentaires ci-dessus.

Les douleurs neurologiques (hypersensibilité, sensation de mal de dents par exemple) finissent-elles pas s’atténuer, le cerveau arrête-t-il d’envoyer le message de douleur un jour ?

JP : Comme évoqué dans mes commentaires ci-dessus, les sensations douloureuses s’atténuent avec le temps, parfois à l’aide de traitements.

 

EVOLUTION DES SEQUELLES

Souffrant de douleurs neuropathiques suite à une paresthésie jambe gauche consécutive à l’exérèse d’un méningiome il y a deux ans et demi puis-je encore espérer une évolution favorable et voir les douleurs neuropathiques disparaître ?

JP : Il est toujours difficile de donner un avis sur un cas précis sans plus de précision. S’il persiste des douleurs neuropathiques plus de deux ans après la chirurgie, la probabilité que ces douleurs « disparaissent » par elles-mêmes est faible. Par contre, il est certainement possible de les soulager, toute ou partie, à l’aide des différents traitements de la douleur. A ce titre, votre médecin peut vous aiguiller, si nécessaire, vers un médecin spécialiste de la douleur.

 

Peut-on observer un changement de personnalité en raison d’un méningiome quelque soit son positionnement ou seulement dans certaines localisations bien précises ?
Je viens de chercher, et en effet : “Lobe frontal – Ce sont les hautes fonctions, mémoire, jugement. Les tumeurs du lobe frontal peuvent provoquer des changements dans la personnalité, des difficultés d’élocution.”

JP : On peut observer des modifications du comportement (plutôt qu’un changement de personnalité) lors de la survenue d’un méningiome pour plusieurs raisons comme la compression cérébrale, notamment du lobe frontal, les conséquences psychologiques liées à l’annonce d’un tel diagnostic ou encore la prise de médicaments anti-épileptiques.

 

MENINGIOMES ET ANDROCUR-PROGESTATIFS

Statistiquement dans le cas des méningiomes “androcur”, combien diminuent à l’arrêt du traitement, et combien continuent à grossir ?
Au bout de combien de temps, sait-on si ça diminue ou non ?

JP : A mon avis, on observe une diminution de la taille des méningiomes après l’arrêt de prise de médicaments dérivés de la progestérone dans plus de 60% des cas. Certains restent stables et ne diminuent pas, notamment les méningiomes calcifiés et les ostéoméningiomes.

On observe habituellement une diminution sur le suivi IRM à partir du 6ème mois. C’est parfois plus retardé si la décroissance est lente.

 

Risques de récidives après opérations et arrêt complet de la prise d’hormones ? Y a-t-il des statistiques ?

JP : Je n’ai pas connaissance d’une étude statistique sur le risque de récidive de méningiome après l’arrêt de prise de médicaments dérivés de la progestérone et après traitement chirurgical. En dehors du contexte de prise de médicaments dérivés de la progestérone, le risque de récidive d’un méningiome de grade 1 après exérèse chirurgicale est inférieure à 10%.

 

Remarquez-vous une évolution du nombre de cas de méningiomes au long de vos années de pratique ?

JP : Je ne suis pas un spécialiste de l’épidémiologie. L’on observe une augmentation modérée de l’incidence des méningiomes lorsqu’on compare la période actuelle par rapport aux décennies précédentes. Les principaux facteurs mis en cause sont l’augmentation de l’âge de la population (la fréquence des méningiomes augmentant avec l’âge), la réalisation plus fréquente des imageries cérébrales et les soins plus poussés aux personnes âgées.

 

Combien de cas pensez-vous avoir dans votre service ? 

JP : J’ai des informations très précises pour le Centre Hospitalier Sainte-Anne. Nous avons mis en place en novembre 2018 un moyen facile d’accès à l’IRM pour les patientes ayant besoin d’un dépistage de méningiome dans un contexte de prise de médicaments dérivés de la progestérone : http://www.ghu-paris.fr/fr/2018/10/26/neuro-sainte-anne-assure-depistage-radiologique-patients-traites-androcur/.
Avant octobre 2018, nous avons recensés 72 patientes. D’octobre 2018 à décembre 2019, j’ai reçu 55 nouvelles patientes. Cela fait donc un total de plus de 127 patientes.

 

Avez-vous des méningiomes de grade 2 ou 3 dans ceux dus à l’Androcur ? 

JP : De mémoire, j’ai au moins un méningiome de grade 2 dans un contexte de prise d’Acétate de chlormadinone et un méningiome de grade 3 dans un contexte de prise d’acétate de cyprotérone.

 

Combien opérez-vous de cas de méningiomes possiblement dus aux médicaments en pourcentage de cas répertoriés dans votre hôpital ?

JP : 37% avant 2019. Moins de 20% en 2019. Les chiffres dépendent énormément du type de méningiome qui nous est adressé. Depuis la mise en place de notre offre d’IRM de dépistage, je suis amené à voir beaucoup de « petits » méningiomes qui ne nécessitent bien évidemment pas de geste de chirurgie.

 

Que pensez-vous de l’analyse de la tumeur aux récepteurs de la progestérone ?

JP : La présence de récepteurs à la progestérone dans les cellules tumorales des méningiomes est fréquente, y compris en dehors du contexte de prise de médicaments dérivés de la progestérone. Ainsi, si leur présence est un argument pour imputer la croissance d’un méningiome à la prise de médicaments dérivés de la progestérone, ce n’est pas un argument suffisant. A mon avis, c’est la durée d’exposition aux médicaments dérivés de la progestérone et la chronologie entre l’exposition et la révélation du méningiomes qui sont les arguments les plus forts.

 

RECHERCHE A L’ETRANGER

Est ce que les recherches sur ce sujet sont uniquement en France ou d’autres pays ont-ils déjà travaillé sur ces sujets ?

JP : Les liens entre la croissance des méningiomes et les hormones est un sujet connu de longue date et étudié par de nombreuses équipes.


TRAITEMENTS

Existe-t-il une étude fiable et sérieuse concernant les effets indésirables dans leur globalité par type de traitement et prenant en compte aussi un aperçu spécifique sur le développement de nodules (y compris thyroïde) avec ce type de traitement ? Plusieurs personnes se posent la question. Pourraient ils/ elles mentionner les références de l’étude ?

JP : Je n’ai pas connaissance d’une telle étude.

Mille mercis pour ce travail que vous réalisez au quotidien pour nous accompagner dans cette étape de vie.
JP : Merci pour votre confiance.

Le site de l’hôpital Sainte-Anne a un service dédié aux méningiomes dus aux médicaments. Pour avoir un rendez-vous rapidement , soit d’IRM, soit avec un neurochirurgien (si vous avez déjà passé une IRM), vous pouvez envoyer un mail à une seule adresse mail : depistage@ghu-paris.fr

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