Les effets secondaires de la radiothérapie et les précautions à prendre, par le Dr Frédéric Dhermain, radiothérapeute

LES EFFETS SECONDAIRES DE LA RADIOTHERAPIE ET LES PRECAUTIONS A PRENDRE

(réunion en présence du Dr DHERMAIN , radiothérapeute – Gustave Roussy – 15 octobre 2024)

 

Lors de cette réunion nous sommes partis de 2 cas concrets que nous appellerons ici « Patiente Delphine » et Patiente « Adeline ». Enfin vous trouverez des questions/réponses posées lors de cette réunion.

Préambule pour mieux comprendre :

Des éléments figurent déjà dans l’article sur la radiothérapie que nous vous conseillons de consulter avant de lire celui-ci.
https://amavea.org/la-radiotherapie-questions-de-patients-et-reponses-du-dr-frederic-dhermain-radiotherapeute/

 

INFORMATION DOSAGE EN RADIOTHÉRAPIE :

Lors d’une radiothérapie de 15 séances, il est délivré à la patiente 2 grays/ séances. Donc environ 30 grays au total.

Classiquement il faut 2 semaines ½ pour délivrer 2 grays/séances. On arrive ainsi à 26 grays au total.

Lors d’une radiothérapie de 5 séances, il sera délivré à la patiente 6 grays /séances. Donc toujours 30 grays au total.

Lors d’une radiothérapie avec 1 séance unique, il peut être délivré 20 grays en 1 séance.

En fonction du mode de radiothérapie, c’est la dose par séance qui est différente et qui peut être 4-5-6 voire 10 fois plus importante : soit 6-8-10 voire 20 grays au lieu de 2.

Patiente Delphine

Etat des lieux : nous sommes sur un méningiome du sinus caverneux droit (5 cm environ), découverte sur symptomatologie à type de paresthésies de l’hémiface droite (fourmillements et picotements sur une moitié du visage). Le méningiome continuant à progresser malgré l’arrêt du progestatif, il a été décidé de faire de la radiothérapie en décembre 2021. A savoir 5 séances de cyberknife.

Réflexion menée

– Il est assez exceptionnel de faire une radiothérapie par hypofractionnement pour les tumeurs mesurant plus de 3-4 cm

– Pourquoi ce choix : souvent parce que la patiente habite loin, qu’elle est âgée et a des difficultés à se déplacer

– Souvent, il existe une possibilité de faire 5 séances au lieu de 25 ou 30. Voire 1 radiothérapie en 1 séance unique.

A retenir :  Information qu’il est utile de donner à la patiente :

– Bien lui expliquer que le fait qu’il y ait moins de séances implique des séances avec plus de radiations. Donc avec une toxicité plus forte et des effets secondaires importants probables, voire réguliers. Il est donc important de connaître les délais (semaines ? 1 mois ? 3 mois ? 6 mois ? 1 an …) Ainsi que répertorier les effets secondaires auxquels on doit s’attendre par rapport à une radiothérapie dite classique.

Comment se passent les suites immédiates :

– L’augmentation de la dose par séance peut entraîner une certaine toxicité qui peut arriver le 1er, le 2nd ou même le 3° jour.

– Mais ces effets secondaires peuvent également survenir quelques semaines ou mois (entre 1 et 3 mois) après la radiothérapie dans environ 15 à 20 pourcent des cas.

Ces signes principaux sont les nausées, les vomissements, les vertiges, l’asthénie, de violents maux de tête.

Cela peut demander de suspendre le traitement, le temps que la patiente soit rétablie.

Comment échanger avec son radiothérapeute :

– Lui demander de bien décrire le traitement et les effets secondaires à court, moyen, long terme

– Demander un second avis

– Demander s’il y a plusieurs options de radiothérapie. Quels sont les critères qui permettent d’en choisir une plutôt qu’une autre ainsi que les effets secondaires attendus (à court, moyen et long terme)

 

COMPLICATION de type ‘RADIONECROSE ‘:

– La radionécrose est une complication tardive de la radiothérapie

– Le tissu se nécrose : réaction tardive du tissu cérébral

– Celle-ci peut survenir jusqu’à 9 -12 mois après la radiothérapie et même plus tard de façon exceptionnelle

– Symptômes : formes variées : symptômes néants, ou allant des légers maux de tête à des signes identiques à un AVC mais en différé.

– Dans la moitié des cas, la radionécrose n’est que radiologique et il n’y a pas de symptomatologie. Et lors des contrôles suivants, elle diminue.

– La radionécrose, si elle est sévère, peut être plus volumineuse que la taille du méningiome

Traitement : corticoïdes

Dans de rares cas, une toxicité à long terme peut s’installer. Ceci entraîne une aggravation de la symptomatologie de départ (c’est-à-dire lors de la découverte du méningiome). On le retrouve dans le cas « Delphine » où les paresthésies de la face se sont transformées en névralgies post radiques

Patiente Adeline

Question posée ici :

La radiothérapie est-elle indiquée pour éviter une repousse d’un résidu de méningiome ?

Réflexion menée :

Il existe différents grades et différentes localisations de méningiomes. Il arrive que ces méningiomes collent à une veine, un sinus veineux ou à des nerfs et que le chirurgien soit obligé de ne pas aller plus loin. Il laisse donc, ce que l’on appelle un résidu qui peut être tout petit (invisible ou de qques mm/cm). Parfois le résidu étant minime il est intéressant de faire une IRM 2-3 mois après la chirurgie pour y voir plus clair. S’il y a un doute, une autre IRM peut être programmée 2 mois après.

Dans le cas d’un méningiome de grade 1, le résidu a peu de chances de grossir (moins de 20%) dans les mois ou années qui suivent. La radiothérapie sera discutée si le résidu augmente de 1 mm sur 2 axes (1 axe et sa perpendiculaire). Dans tous les cas, on ne sera pas dans l’urgence d’une radiothérapie, et la patiente aura du temps pour y réfléchir. Dans le cas d’une repousse de résidu, le chirurgien peut éventuellement réintervenir une seconde fois mais la radiothérapie sera nécessaire après cette seconde intervention.

La question se pose davantage lorsqu’il s’agit d’un méningiome de grade 2, voire 3.

Il est bien de faire une IRM en post chirurgie immédiate afin d’avoir un référentiel. Mais, selon les centres hospitaliers, ce n’est pas toujours possible.

A présent, avec les nouvelles techniques de radiothérapie, un chirurgien peut intervenir une seconde fois même si post-radique. En effet, les techniques chirurgicales ayant progressé, le suivi par IRM étant systématique, et la radiothérapie étant moins toxique pour les tissus alentours, l’accès à la chirurgie est devenu possible, même en post-radique.

Il n’y a pas plus d’infection si une intervention est pratiquée après radiothérapie. Il faut cependant s’attendre à une hospitalisation plus longue du fait d’une cicatrisation plus lente et de saignements plus importants.

Ce qui est important c’est d’avoir une décision collégiale.

Après la radiothérapie, les méningiomes continuent de grossir dans – de 10 % des cas

S’il n’y a pas de risque vital avec la radiothérapie, il y a un risque toxique qui peut aller jusqu’à nuire dans le quotidien des patientes (cf. cas Delphine).

RECOMMANDATIONS :

– Demander un second avis (mais pas plus). Afin d’être transparents, on devrait le dire au radiothérapeute 1. Dans le cas des méningiomes, la radiothérapie n’est pas une urgence.

– Ne pas accepter les discours flous. Le radiothérapeute doit être clair et précis dans ses explications et les effets secondaires probables attendus

– Ne pas hésiter à poser des questions auxquelles le radiothérapeute se doit de répondre avec tout autant de précisions. Ne pas hésiter à insister lorsque la réponse est floue.

COMMENT SE PASSE LE CHOIX CHIRURGIE/RADIOTHÉRAPIE LORSQUE LA LOCALISATION DU MÉNINGIOME EST PROBLÉMATIQUE ?

– Lorsqu’un méningiome est très mal placé pour intervenir chirurgicalement, il est tout aussi mal placé pour faire de la radiothérapie. Cependant, cela ne signifie pas que le radiothérapeute ne pourra pas le traiter.

– Il y a des méningiomes placés dans des endroits ‘à risque’ qui menacent des parties fragiles. Ce sont principalement les méningiomes du tronc cérébral, du nerf optique, du chiasma optique, de la moelle, du foramen magnum, du trou occipital, du sinus caverneux, du sinus veineux longitudinal etc… Le geste chirurgical est alors tout autant craint que le geste radiothérapeutique surtout s’il s’agit de stéréotaxie.

– Avant de prendre une décision, il faut mesurer le bénéfice/risque. Voir s’il y a des symptômes gênants, l’âge de la patiente etc. Prendre en compte que ce sont souvent les méningiomes les plus volumineux qui grossissent le moins car leur progression est lente. Si celle-ci a lieu c’est sur plusieurs années (le méningiome , s’il grossit, c’est lentement.)

Voir si ça vaut le coup de prendre le risque d’une toxicité tardive et handicapante pour le quotidien de la patiente.

– La recommandation est de faire des IRM régulières. Lorsqu’un symptôme se déclenche (comme un symptôme visuel par ex), on en rediscute. Si le chirurgien ne peut pas intervenir, le radiothérapeute prendra alors le relai.

– Le radiothérapeute décidera alors de la dose, du fractionnement, de la machine, du nombre de séance, de la dose totale, etc. C’est vraiment une décision ‘à la carte’.

– L’objectif est d’assurer un contrôle local le plus prolongé possible du méningiome. Cela signifie que le méningiome ne disparaîtra pas, mais il ne grossira plus. Le méningiome est stérilisé et non brûlé (ce qui serait dangereux car l’endroit où il se situe doit rester le plus fonctionnel possible).

– Dans 85 à 90% des cas, on obtient une stabilité sur 10 ans minimum. Si la maladie reprend, il faut tenir compte des évolutions de la médecine et de la chirurgie sur une décennie. Et prendre en compte également les avancées des techniques chirurgicales et la technicité des machines de radiothérapie également. (Bientôt le « Zap », sorte de gammaknife sans Cobalt )

PEUT ON TRAITER UNE PERSONNE JEUNE DE LA MÊME FAÇON QU UNE PERSONNE ÂGÉE (LES 2 AYANT UN MÊME MÉNINGIOME) ?

– Non car ce n’est pas la même maladie.

– Généralement, on ne développe pas de méningiome à 20 ans. Si cela survient, c’est, à priori, à cause d’un traitement par radiothérapie qu’aurait eu le patient beaucoup plus jeune, et qui serait lié à une autre tumeur au cerveau, elle-même guérie, comme un méédulloblastome.

– Lorsque l’on découvre un méningiome sur une personne de 80 ans, on peut se dire que la maladie est là depuis longtemps et qu’elle n’évoluera pas ou peu et que cela ne nuira pas à la qualité de vie de la personne sur ce qui lui reste à vivre.

Retenir que la catégorie des méningiomes dus aux progestatifs est une maladie à part.

LA TECHNOLOGIE ÉVOLUE. ELLE PERMET DE TRAITER, VOIRE DE RETRAITER LES PATIENTES. CETTE ÉVOLUTION PERMET-ELLE DE BAISSER LES TOXICITÉS DE LA RADIOTHÉRAPIE ?

La réponse n’est pas évidente.

Le méningiome est une maladie bénigne (lire ici : non cancéreuse) mais très embêtante.

Un méningiome est une maladie de la méninge. Pour ne plus avoir de risque de refaire un méningiome, il faudrait enlever cette méninge.

Une patiente qui a un méningiome, a plus de risques d’en faire d’autres.

Un méningiome traité peut réévoluer plus de 10 ans plus tard. Mais encore faut-il que la patiente soit encore en vie. Et en 10 ans la technologie évolue grandement, donc les prises en charge également. La technologie doit aller de pair avec la formation des équipes soignantes qui vont l’utiliser. Il faut être maître de ces nouvelles technologies avant de s’en servir.

Lorsque l’on possède un éventail de machines et de technologie, il devient possible d’adapter les traitements et de choisir la machine ad hoc pour la situation individuelle du patient.

Il faut également prendre en compte que les gens vivant de plus en plus longtemps, on sera amené à traiter plus souvent et même éventuellement plusieurs fois un même méningiome. Ceci augmente donc la toxicité car c’est toujours le même cerveau qui est irradié.

Quoi qu’il en soit il faut toujours peser la balance bénéfices/risques car elle est différente pour chaque cas.

L’association remercie Delphine Et Adeline, pour la retranscription des échanges et le Dr Dhermain pour son écoute et sa bienveillance..