Emilie – 40 ans -14 ans d’ANDROCUR – 2 méningiomes
ANDROCUR : le cauchemar d’une Guingampaise
En août 2019, Émilie a découvert que deux tumeurs avaient pris place dans son cerveau, dont l’une de plus de 6 cm. Sous Androcur depuis 14 ans, la Guingampaise raconte ici ses douleurs, ses peurs et sa colère.
Première alerte. « L’Androcur m’a été prescrit par ma gynécologue à partir de 2005 comme contraceptif mais surtout pour soigner une acné hormonale. À l’été 2018, la Sécurité Sociale a mis en place un numéro de téléphone pour les patientes sous Androcur. Ça m’a alertée, j’ai tout de suite appelé. Mais l’interlocuteur ne semblait pas connaître le dossier et n’a su répondre à aucune question précise. Il m’a simplement renvoyée vers mon médecin prescripteur. À l’époque, j’avais déjà régulièrement des maux de tête, de façon plus fréquente et plus prolongée que par le passé. Mais aussi des acouphènes et une baisse de la vision. Je ne faisais pas le lien avec un potentiel méningiome. Je me disais qu’à 40 ans, c’était normal ».
L’Androcur ? « Redoutable d’efficacité ». « Avec cette alerte sur la nocivité présumée d’Androcur, j’ai voulu arrêter. J’ai fait deux tentatives, dont l’une très progressive. Mais à chaque fois, je me suis retrouvée avec des douleurs terribles au ventre, des éruptions cutanées enflammées… J’ai tenu deux mois et fini par reprendre le traitement. Il faut reconnaître que ce médicament est d’une efficacité redoutable et qu’il m’a apporté un vrai confort de vie après plusieurs pilules qui ne me convenaient pas. De son côté, ma gynéco m’a dit de ne pas m’inquiéter, que le dosage que je prenais était léger et que je pouvais continuer jusqu’à 50 ans. Elle a ajouté que des tas de patientes prenaient de l’Androcur depuis bien plus longtemps sans que ça pose le moindre problème ».
Une énorme masse de 6,3 cm dans la tête. « En juin 2019, j’ai reçu un courrier de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui m’invitait à me rapprocher de mon médecin prescripteur et recommandait le passage d’une IRM. Je suis donc retournée voir ma gynécologue, dont le discours avait alors complètement changé : elle m’a prescrit une IRM et indiqué que je devrais lui signer une décharge pour continuer à prendre l’Androcur au cas où les résultats ne révéleraient pas de méningiomes. Mais elle m’a aussi dit de continuer le traitement jusqu’à l’examen. Le 13 août, lors de l’annonce des résultats de mon IRM, le radiologue m’a d’abord demandé si j’étais épileptique. Surprise, je lui ai répondu que non. Il m’a alors dit que je devrais l’être, vu ce que j’avais dans le crâne : une énorme masse protéiforme dans le lobe frontal de 6,3 cm et une plus petite, de 2,3 cm, à l’arrière du crâne. Avec l’effet de masse du plus gros méningiome, l’axe du cerveau était dévié. Ce qui expliquait les maux de tête, les acouphènes et, la tumeur frontale étant près du nerf optique, les troubles de la vision ».
Le soutien des autres malades. « Le choc de l’annonce a été terrible. J’ai même eu une période de déni : je ne pensais pas possible d’avoir dans la tête quelque chose de cette taille-là. J’ai trouvé du réconfort et de précieux conseils sur les démarches administratives (notamment la reconnaissance de l’ALD) et le choix des médecins spécialisés sur la page Facebook de l’association Amavéa. Une page formidable, où tout le monde partage ses doutes, ses angoisses mais aussi ses espoirs. De nouveaux témoignages de femmes revenant de leur IRM arrivent presque chaque jour. Certaines ont jusqu’à une dizaine de méningiomes, plus petits, dispersés dans le cerveau. Quelques autres, comme moi, ont des méningiomes de plus de 6 cm ».
Aux urgences. « Le 18 septembre, au matin, j’ai ressenti des maux de tête intenses. Impossible de me lever. La douleur me clouait au lit. J’avais l’impression que ma tête allait exploser. Durant toute la journée, je n’ai pu passer qu’un coup de fil, à mon employeur pour l’avertir de mon absence. Je n’ai pu appeler personne d’autre. Le lendemain, j’étais toujours dans le même état. J’ai fini par réussir à joindre mon père, qui m’a conduite aux urgences de l’hôpital de Guingamp. Le scanner que j’y ai passé a révélé que mes deux tumeurs avaient provoqué un œdème, qui comprimait mon cerveau dans la boîte crânienne. On m’a mis sous cortisone, qui a permis, petit à petit, de le résorber. En parallèle, l’hôpital de Guingamp a contacté celui de Lariboisière, à Paris, pour avancer mon rendez-vous prévu trois mois plus tard avec le professeur Froelich, chef du service de neurochirurgie. J’ai pu le rencontrer quinze jours après ».
Les risques de l’opération. « Ce qui est terrible avec les méningiomes, ce sont les réactions des autres. Généralement, c’est : « Ouf, ce n’est pas cancéreux, donc tout va bien ! ». Alors qu’en fait, ces méningiomes, qualifiés de tumeurs bénignes dans le langage médical, sont loin d’être inoffensives. Elles peuvent détruire une vie. On risque des AVC, des crises d’épilepsie… Et, en fonction de la taille et de l’emplacement de ces tumeurs cérébrales, les risques d’une opération sont majeurs : perte de l’usage d’un membre, de la vue d’un œil, difficultés d’élocution… Dans mon cas, si je devais subir une opération, il y aurait d’importants risques de lésion des fonctions motrices du côté droit et d’impact sur celle du langage. Je fonde donc tous mes espoirs sur la régression de la tumeur grâce à l’arrêt du traitement. Si les symptômes sont supportables, c’est possible de vivre avec. Je ne veux pas risquer d’être handicapée pour le reste de mes jours. D’ailleurs, après quatre mois d’arrêt d’Androcur, mon méningiome le plus petit a nettement rétréci. Le plus important semble se stabiliser ».
Le professeur Froelich. « Emmanuelle Mignaton, présidente de l’Amavéa, m’avait recommandé, vu la taille de l’un de mes deux méningiomes, de prendre rendez-vous avec lui. Chef de la neurochirurgie à l’hôpital Lariboisière, à Paris, il est celui qui a établi le lien entre l’Androcur et les méningiomes, en 2008. Il a mis en place dans son service des consultations réservées aux victimes de l’Androcur, une fois par mois. Il n’opère presque aucune de ses patientes, car il a constaté que les tumeurs régressaient ou se stabilisaient à l’arrêt du traitement. Il ne fait pas consensus au sein de la communauté médicale, puisque d’autres neurochirurgiens opèrent de façon systématique. Il m’a d’ailleurs indiqué que vu la taille des miens et l’œdème qu’ils avaient provoqué, dans un autre hôpital, j’aurais été opérée dès le lendemain ».
Je psychote dès que je bute sur un mot. « Avant, lorsque j’avais mal à la tête, je relativisais en me disant que c’était la fatigue ou le stress. Et puis, rares sont ceux qui n’ont jamais de migraines… Maintenant, je psychote forcément beaucoup. Dès que je bute sur un mot ou que j’ai un trou de mémoire, je pense méningiome. C’est une charge mentale quasi-permanente ».
Une action en justice contre Bayer ? « Pour l’instant, je suis concentrée sur mon parcours de soins. Mais ensuite, je n’aurai pas de scrupule. Eux n’en ont pas eu. Ils se sont contentés d’une simple mention en bas de la notice du médicament, passée totalement inaperçue aux yeux de toutes celles qui l’utilisent au long cours. Si une IRM m’avait été prescrite en 2010, alors que je prenais l’Androcur depuis cinq ans et que mes méningiomes devaient avoir la taille d’une noisette et d’un grain de café, j’aurais évidemment arrêté le traitement. Et ne risquerais pas, aujourd’hui, une opération à crâne ouvert, de l’épilepsie ou un AVC. J’estime que c’est une perte de chances de rétablissement immense ».
Emilie – 40 ans -14 ans d’ANDROCUR – 2 méningiomes
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