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Survie relative après la chirurgie des méningiomes. Une étude de cohorte nationale française basée sur la population

études androcur méningiome

Charles Champeaux-Deponda,b , Panayotis Constantinouc, Philippe Tuppinc, Matthieu Resche-Rigonb et Joconde Wellerd

aDepartment of Neurosurgery, Lariboisiere Hospital, Paris, France;

bINSERM U1153, Statistic and Epidemiologic Research Center Sorbonne Paris Cité (CRESS), ECSTRRA Team, Universite de Paris, Paris, France;

cFrench National Health Insurance (CNAM), Paris, France;

dAgence Regionale De Sante, Saint Denis, France

 

RÉSUMÉ

Contexte : La survie après la chirurgie des méningiomes est souvent rapportée sans tenir compte des autres causes de décès.

Méthodes : Nous avons traité le Système National des Données de Sante, la base de données médicale administrative française pour récupérer les cas de méningiomes traités chirurgicalement. La méthode de survie relative (RS) de Pohar Perme a été mise en œuvre.

Résultats : Un total de 28 778 patients a été identifié entre 2007 et 2017 dont 75% de femmes.

  • L’âge médian au moment de la chirurgie était de 59 ans.
  • La convexité crânienne était la localisation la plus fréquente (24,7%) et,
  • les méningiomes bénins représentaient 91,5% de tous les méningiomes.

Le suivi médian était de 3,5 ans (intervalle interquartile : 3,4-3,5).

Au moment de la collecte des données, 2 232 patients étaient décédés.

La survie à cinq ans par rapport à la survie attendue d’une population standard française appariée pour l’âge et le sexe était de 96,2% ; intervalle de confiance (IC) de 95% [95,7-96,8].

L’excès de risque absolu de décès par méningiome était de 973/100 000 personnes-années IC95% [887-1068] (p<0,001).

Le ratio standardisé de mortalité correspondant était de 1,8 IC95% [1,7-1,9] (p<0,001).

Dans le modèle ajusté,

  • le sexe masculin (hazard ratio [HR]¼1.39, 95%CI[1.27-1.54], p<.001),
  • l’âge au moment de la chirurgie (HR¼0.97, 95%CI[0.97-0.97], p<.001),
  • la neurofibromatose de type 2 (HR¼2. 95, 95%CI [1.95-4.46], p<.001),
  • comorbidités HR¼1.39, 95%CI [1.36-1.42], p<.001),
  • localisation (HR¼0.8, 95%CI [0.67-0.95], p¼.0111),
  • embolisation préopératoire, (HR¼1.3, 95%CI [1. 08-1.56], p¼.00507),
  • dérivation du liquide céphalorachidien, (HR¼2.48, 95%CI [2.04-3.01], p<.001),
  • histologie atypique (HR¼1.3, 95%CI [1.09-1.54], p¼.00307) ou maligne (HR¼1.86, 95%CI [1. 56-2,22], p<.001),
  • la reprise chirurgicale (HR¼1,19, 95%CI [1,04-1,36], p¼ .0122)
  • et la radiothérapie (HR¼1,43, 95%CI [1,26-1,62], p<.001)

ont été établis comme des prédicteurs indépendants de RS.

Conclusion : Cette étude unique met en évidence la surmortalité associée aux méningiomes. De nombreux facteurs tels que le sexe, l’âge, la localisation, le classement histopathologique, la reprise chirurgicale influencent le RS.

MOTS CLÉS

Méningiome ; survie relative ; résultat ; base de données sur les soins de santé ; prédicteurs

 

Introduction

Considérés comme provenant des cellules méningothéliales de l’arachnoïde, les méningiomes sont les tumeurs extracérébrales intracrâniennes primaires les plus fréquentes, représentant 36,8 % à 37,6 % dans le Central Brain Tumor Registry des États-Unis.1 La plupart des méningiomes sont sporadiques et leur incidence chirurgicale est d’environ 5/100 000 personnes par an en France.2,3 Les radiations ionisantes, les traitements hormonaux et certaines maladies génétiques comme la neurofibromatose de type 2 sont des facteurs de risque identifiés.4,5

La classification 2016 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des tumeurs affectant le système nerveux central (SNC) reconnaît trois grades de méningiomes.6 Les méningiomes de grade I de l’OMS, ou bénins, sont les plus courants et ont généralement une bonne évolution. 2,3,7 Les méningiomes de grade III de l’OMS ou malins sont des néoplasmes rares et agressifs dont le pronostic est mauvais.8 Le comportement et l’évolution des méningiomes atypiques de grade II de l’OMS sont intermédiaires.9

Les options de traitement comprennent une surveillance régulière, en particulier pour les méningiomes accidentels, le contrôle des symptômes, l’excision chirurgicale, l’irradiation (radiothérapie [RT]) et, occasionnellement, la chimiothérapie, mais une résection maximale adaptée reste généralement le traitement de choix. La plupart des méningiomes évoluent de manière indolente après la résection, mais certains ont un comportement agressif qui n’est pas uniquement lié à un grade histopathologique élevé. Seule une fraction des patients qui ont été opérés d’un méningiome mourront en raison de l’évolution réfractaire de leur maladie. De plus, la majorité des patients atteints de méningiomes sont des femmes âgées de plus de 50 ans qui peuvent présenter des comorbidités supplémentaires et un état de santé altéré.

La survie globale (OS) sous-estime généralement le taux de survie réel, en particulier chez les personnes âgées qui peuvent mourir d’autres causes. L’étude de la survie après la chirurgie du méningiome doit donc tenir compte de ce fait.

 

Objectif

L’objectif de cette étude était d’estimer la survie relative (RS) après chirurgie des méningiomes et, de rechercher les facteurs associés en utilisant la base de données de l’Assurance maladie française.

Méthodes

Matériel clinique

Nous avons réalisé une étude transversale nationale descriptive, observationnelle et rétrospective analytique à partir du Système National des Données de Sante (SNDS), la base de données médico-administrative nationale française. Les méningiomes incidents jamais opérés n’ont pas été considérés dans cette étude ; seules les tumeurs traitées chirurgicalement ont été prises en compte.

Nous avons utilisé un algorithme combinant deux variables pour obtenir les cas appropriés :

  • le type de procédure chirurgicale réalisée identifié par la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) française et,
  • le diagnostic primaire selon la Classification Internationale des Maladies (CIM-10) comme décrit précédemment.2,4,10,11

Les 40 codes CCAM décrivant la résection de tumeurs intracrâniennes extracérébrales ont été classés en huit localisations anatomiques selon leur insertion dans la base durale. Les méningiomes bénins ont été considérés comme correspondant aux codes CIM- 10 D32, atypiques à D42 et, malins à C70. Nous avons défini la première date enregistrée de chirurgie du méningiome comme la date index. Les patients de moins de 18 ans ont été exclus (n¼118). La progression était définie comme tout nouveau traitement pour une récidive de méningiome, par exemple une nouvelle chirurgie, une RT ou une radiochirurgie stéréotaxique. L’indice de morbidité liée à la mortalité (MRMI) prédictif de la mortalité toutes causes confondues a été utilisé pour évaluer la gravité de l’état de santé global12.

Méthodes statistiques

Pour la description de la cohorte, les variables continues sont présentées sous forme de médianes et d’intervalles interquartiles (IQR) ; les variables catégorielles sont présentées sous forme de fréquences et de proportions. La survie a été mesurée à partir de la première date de chirurgie du méningiome jusqu’à la date du décès ou de la censure au dernier suivi.13 Essentiellement, il n’y a pas de patient perdu de vue dans le SNDS puisque ceux qui sont décédés sont automatiquement enregistrés comme tels dans la base de données. De plus, en raison de la structure et du fonctionnement du SNDS, il n’y a pas de données manquantes dans aucune des variables évaluées dans cette étude. Pour tenir compte de l’absence de survie spécifique à une cause, nous avons effectué une analyse de la survie des patients atteints de méningiomes par rapport à la survie attendue dans la population générale française appariée selon l’âge et le sexe. La RS est donc calculée comme la SG observée dans la cohorte des méningiomes par rapport à celle attendue dans la population générale française. Nous avons utilisé la méthode de Pohar Perme, un nouvel estimateur non paramétrique et sans biais de la survie nette, même en présence d’une censure informative.14-16 Tous les tests étaient bilatéraux et la signification statistique a été définie avec un niveau alpha de 0,05 (p < 0,05). Les analyses ont été effectuées à l’aide du SAS Enterprise Guide (version 7.15 HF8, SAS Institute Inc., Cary, NC, USA) et du langage de programmation et de l’environnement logiciel R pour le calcul statistique et les graphiques (R version 4.1.2 (2021-11-01))17.

Respect des normes éthiques

Cette étude a été menée selon les directives éthiques pour la recherche épidémiologique conformément aux normes éthiques de la Déclaration d’Helsinki (2008), auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), un comité d’éthique national indépendant, numéro d’autorisation : 2008538 ; selon les directives RECORD pour les études menées à partir de données de santé collectées en routine et, selon les directives SAMPL.18,19 Le consentement éclairé n’était pas requis en raison de la nature rétrospective de l’étude et, de l’utilisation de données anonymisées, conformément au Règlement général européen sur la protection des données (RGPD UE 2016/679).

 

Tableau 1. Caractéristiques des 28 778 patients.

Caractéristiques                                                                              n ou médiane                    % ou IQRa

Sexe féminin                                                                                    21 593                                  75 %

Âge médian au moment de l’opération                                      59 ans                                  IQR [49-68]

Âge au moment de l’opération

-<50 ans                                                                                             8397                                     29,2%

->50 ans -< 59 ans                                                                           7252                                     25,2%

->60 ans -< 69 ans                                                                          7327                                     25,5%

->70 ans                                                                                            5802                                     20.2%

Neurofibromatose (NF2)                                                     165                                        0,6 %

Acétate de cyprotérone                                                        1240                                     4,3 %

Indice de morbidité liée à la mortalité (MRMI)b                0                              IQR [0-2]

-0 (réf.)                                                                                               12 663                                  51,2 %

-1                                                                                                          4810                                     19,5%

-2                                                                                                          2011                                     8,1%

-3                                                                                                          2974                                     12%

->4                                                                                                       2270                                     9,2%

Localisation

-Convexité crânienne                                                                       7106                                     24,7%

-Base antérieure du crâne                                                              3888                                    13,5 %

-Base moyenne du crâne                                                                6132                                     21,3%

-Base postérieure du crâne                                                            3484                                    12,1 %

-Falx cerebri ou parasagittal                                                          5157                                     17,9%

-Intraventriculaire                                                                          206                                        0,7%

-Colonne vertébrale                                                                        2805                                     9,7%

Embolisation pré-opératoire                                                       1355                                     4,7%

Invasion du sinus veineux                                                             3299                                     11,5%

Neuronavigation                                                                             10221                                   35,5%

Reconstruction de la dure-mère                                                  6299                                     21,9%

Cranioplastie                                                                                   1775                                     6,2 %.

Dérivation du LCR                                                                          556                                        1,9%

Classification de la tumeur

Bénigne                                                                                     26,319                                  91,5%

Atypique                                                                                   1726                                     6%

Maligne                                                                                    733                                        2,5%

Reprise chirurgicale pour récidive                                              2170                                     7,5 %

Radiothérapie                                                                                  2621                                     9,1%

Radiochirurgie stéréotaxique                                                       909                                      3,2 %

aIQR : intervalle interquartile.

bIndices calculés en utilisant exclusivement des pondérations liées à la condition.

 

Image 1. Représentation graphique de la survie globale (OS) et relative (RS) des méningiomes.

 

Résultats

Description de la population

Nous avons identifié 28 778 patients qui ont été opérés d’un méningiome entre 2007 et 2017. Soixante-quinze pour cent étaient des femmes et, l’âge médian lors de la première chirurgie du méningiome était de 59 ans, IQR [49-68]. Selon l’indice MRMI, les hommes présentaient significativement plus de comorbidités que les femmes (p < 0,001). La convexité crânienne était la localisation la plus fréquente (24,7%), suivie de la base du crâne moyenne (21,3%) (aile sphénoïde). Les tumeurs spinales représentaient 9,7 %. Les méningiomes bénins représentaient 91,5%, les atypiques 6% et les malins 2,5% (Tableau 1). Le suivi médian était de 3,5 ans IQR [3,4-3,5].

Tableau 2. Survie relative univariable (RS) après chirurgie du méningiome.

Invariable

Variable                                                                              RSa                         [95 %CI]b             Valeur p

Sexe

-Homme                                                                             93,5%                   92,1-94,9

-Femme                                                                               97,2%                   96,7-97,7            <.001

Âge au moment de l’opération

-<50 ans                                                                             97.6%                   97.1-98.1

->50 ans -< 59 ans                                                           97,6%                   96,9-98,2

->60 ans -< 69 ans                                                          95,0%                   94,0-96,0

->70 ans                                                                             94.1%                   92.1-96.1            <.001

Neurofibromatose (NF2)

-Absente                                                                              96,3%                   95,8-96,8

-Présente                                                                             89,0 %                  82,8-95,7            .00273

Cyprotérone

-Absente                                                                            96,2%                   95,7-96,8

-Présente                                                                            96,6 %                  94,6-98,7            .097

Indice de morbidité liée à la mortalité (MRMI)

-0 (réf)                                                                                101,2 %                100,8-101,6

-1                                                                                          98.3%                   97.2-99.5

-2                                                                                         95.6%                   93.3-98.0

-3                                                                                         87.4%                   85.1-89.7

->4                                                                                      73.8%                   70.6-77.0            <.001

-Convexité crânienne (réf)                                             96,8%                   95,8-97,8

-Base antérieure du crâne                                              95,7%                   94,3-97,0

-Base moyenne du crâne                                                96,5 %                  95,5-97,5

-Base postérieure du crâne                                           95,8%                   94,5-97,1

-Parasagittale                                                                   94,5%                   92,7-96,3

-Falx cerebri                                                                     93.6%                   91.4-95.7

-Intraventriculaire                                                          89,5%                   83,0-96,5

-Colonne vertébrale                                                       100,5%                 98,5-102,5           <.001

Embolisation préopératoire

-Absente                                                                           96,4%                   95,9-97,0

-Présente                                                                          92,7%                   90,3-95,1            .00288

Invasion du sinus veineux

-Absente                                                                            96,4%                   95,9-97,0

-Présente                                                                          95,0%                   93,4-96,6            .0126

Reconstruction de la dure-mère

-Absente                                                                           96,4 %                  95,8-97,0

-Présente                                                                          95,9%                   94,8-96,9            .466

Cranioplastie

-Absente                                                                           96,4%                   95,9-97,0

-Présente                                                                          93,8%                   91,8-95,8            .00309

Shunt LCR

-Absente                                                                            96,7%                   96,1-97,2

-Présente                                                                           76,9%                   72,0-82,1            <.001

Classification de la tumeur

-Bénigne                                                                            97,0 %                  96,5-97,6

-Atypique                                                                          93,9 %                  91,7-96,2

-Maligne                                                                            73,0%                   67,9-78,4            <.001

Reprise chirurgicale pour récidive

-Non                                                                                    97,0 %                  96,5-97,6

-Oui                                                                                     90,6%                   88,8-92,4            <.001

Radiothérapie

-Non                                                                                    97,5%                   97,0-98,1

-Oui                                                                                     87,0%                   85,1-88,9            <.001

Radiochirurgie stéréotaxique

-Non                                                                                    96,2%                   95,7-96,7

-Oui                                                                                     97,7%                   95,7-99,8            .376

Remarque : les valeurs p affichées en gras ont atteint la signification statistique.

aRapport de risque.

bIntervalle de confiance à 95 %.

 

Résultat

Au moment de la collecte des données, 2232 patients étaient décédés. L’âge médian au moment du décès était de 73,2 ans, IQR [63,9-80,9].

Au total, 179 patients (0,63 %) sont décédés dans le premier mois postopératoire, 303 (1,06 %) dans les trois mois postopératoires et 570 dans l’année (1,98 %).

La survie à cinq ans était de 90,7%, intervalle de confiance (IC) de 95% [90,2-91,1] (Image1(A)). La survie à cinq ans par rapport à la survie attendue d’une population française standard appariée pour l’âge et le sexe était de 96,2%, IC 95% [95,7-96,8], ce qui suggère que le méningiome a contribué à la mortalité globale (Image 1(B)). L’excès de risque absolu de décès lié aux méningiomes était de 973/100 000 personnes-années, IC95% [887-1068] (p < 0,001). La valeur p du test log-rank entre les courbes de survie observées (n¼2232) et attendues (n¼1239) était fortement significative (p < 0,001). Le ratio de mortalité standardisé associé était de 1,8 IC95 % [1,7-1,9] (p < 0,001).

Prédicteurs de la survie relative

La plupart des variables étudiées ont atteint la signification statistique et, ont été associées à la RS dans les analyses univariables (tableau 2). Dans le modèle ajusté, le sexe masculin (HR ¼ 1,39, 95%CI [1,27-1,54], p<.001), l’âge au moment de la chirurgie (HR ¼ 0,97, 95%CI [0,97-0,97], p<.001), la neurofibromatose de type 2 (HR ¼ 2,95, 95%CI [1,95-4. 46], p<.001), comorbidités HR ¼ 1.39, 95%CI [1.36-1.42], p<.001), localisation (HR ¼ 0.8, 95%CI [0.67-0.95], p¼.0111), embolisation préopératoire, (HR ¼ 1.3, 95%CI [1.08-1.56], p¼. 00507), dérivation du liquide céphalo-rachidien (LCR), (HR¼ 2,48, 95%CI [2,04-3,01], p<.001), histologie atypique (HR ¼ 1,3, 95%CI [1,09-1,54], p¼.00307) ou maligne (HR ¼ 1,86, 95%CI [1,56-2. 22], p<.001), la reprise chirurgicale (HR ¼ 1,19, 95%CI [1,04-1,36], p ¼ .0122) et la RT (HR ¼ 1,43, 95%CI [1,26-1,62], p<.001) ont été établis comme facteurs pronostiques indépendants du RS (Tableau 3).

Tableau 3. Modèle de régression multiplicative pour la survie relative (RS) après chirurgie du méningiome

Multivariable

Variable                                                                                             HRa        [95 %CI]b             Valeur p

Sexe (réf. : femme)

-Homme                                                                                            1,39       1,27, 1,54            < 0,001

Âge au moment de la chirurgie (continu)                                  0,97       0,97, 0,97            <,001

Neurofibromatose (NF2) (réf. : non)

-NF2                                                                                                   2,95       1,95, 4,46            <,001

Indice de morbidité liée à la mortalité (MRMI) (continu)     1,39      1,36, 1,42            <.001

Localisation (réf. : convexité crânienne)

-Base antérieure du crâne                                                            1,26       1,08, 1,47            .00409

-Base moyenne du crâne                                                               1.22       1.05, 1.4              .00853

-Base postérieure du crâne                                                           1,27       1,08, 1,5              .00457

-Falx cerebri                                                                                     1.01       0.85, 1.2              .891

-Intraventriculaire                                                                          1.76       1.11, 2.81           .0165

-Colonne vertébrale                                                                        0,8          0,67, 0,95            .0111

Embolisation préopératoire (réf. : non)

-Oui                                                                                                    1.3          1.08, 1.56           .00507

Shunt LCR (réf. : non)

-Oui                                                                                                  2,48       2,04, 3,01            < 0,001

Classification de la tumeur (réf. : bénigne)

-Atypique                                                                                          1,3          1,09, 1,54            .00307

-Maligne                                                                                          1,86       1,56, 2,22            <.001

Réopération pour récidive (réf. : non)

-Oui                                                                                                   1.19       1.04, 1.36           .0122

Radiothérapie (réf. : non)

-Oui                                                                                                   1,43       1,26, 1,62            < 0,001

Remarque : les valeurs p affichées en gras ont atteint la signification statistique.

aRatio de dangerosité.

bIntervalle de confiance à 95 %.

cCalculé selon la méthode d’Andersen et al.

 

 

Discussion

Résultats clés

Dans l’analyse de survie standard, les sujets sont censés ne connaître qu’un seul type d’événement, généralement une récidive ou un décès. En réalité, plusieurs types d’événements peuvent se produire. Dans ces cas, d’autres événements – appelés événements concurrents (EC) – peuvent empêcher la survenue de l’événement d’intérêt ou modifier le risque que le critère d’évaluation primaire se produise.

Les méthodes traditionnelles d’analyse de la survie, telles que la méthode de Kaplan-Meier et le modèle des risques proportionnels de Cox, ne sont pas conçues pour tenir compte de la nature concurrente d’événements multiples, car elles supposent l’absence de risque concurrent (RC). La survie nette décrit la probabilité de survivre à un diagnostic de tumeur en l’absence de causes concurrentes de décès. Elle est définie comme la survie qui pourrait être obtenue si tous les risques de mourir d’autres causes que la maladie en question, ici le méningiome, étaient éliminés. La survie nette est désormais un indicateur épidémiologique majeur, estimé en routine pour de nombreux néoplasmes, soit par la survie spécifique à la cause (CSS), soit par la RS. La première nécessite de connaître la cause du décès. Cependant, lorsque les causes de décès sont indisponibles ou peu fiables, la survie nette peut être évaluée par la RS, qui utilise la mortalité toutes causes du groupe étudié et la mortalité “attendue” d’un groupe sans maladie ayant les mêmes caractéristiques démographiques. 20

En tant que tel, ce travail représente une analyse unique et moderne, basée sur la population, de la mortalité des patients atteints de méningiome. Tirée d’un échantillon non sélectionné, cette étude de la RS après une chirurgie du méningiome et de ses prédicteurs à l’aide de la base de données nationale, comble une lacune jusqu’ici existante dans la littérature. L’analyse du RS présentée ici indique que le méningiome est une composante de la cause de mortalité dans la population concernée.

Limites

Les points forts du SNDS résident à la fois dans le nombre élevé de patients et dans l’exhaustivité des données disponibles dans tous les hôpitaux de France. La représentativité de la base de données est presque parfaite, puisqu’elle inclut l’ensemble de la population du pays, soit 68 millions d’habitants, ce qui constitue l’une des plus grandes BDMA au monde.21 Compilée à partir d’un certain nombre d’institutions, sa précision est limitée par des irrégularités dans la collecte et l’enregistrement des données. Malgré certaines limites, le SNDS est un outil précieux pour évaluer le devenir des méningiomes. Il offre un moyen incomparable d’explorer les associations avec d’autres pathologies, des médicaments ou des traitements chirurgicaux combinés qui n’ont pas pu être évalués auparavant. La nature rétrospective de cette étude, ainsi que le manque de clarté concernant les raisons du traitement et les stratégies de gestion non homogènes sans affectation aléatoire, doivent être pris en compte lors de l’évaluation des résultats.

Tableau 4. Revue de la littérature des études sur la survie relative (RS) des méningiomes.

Voir lien

 

Interprétation

Seule une poignée d’études ont rapporté le RS des méningiomes.

Dans une étude norvégienne de 1989, Helseth et al. ont été les premiers à décrire un taux de RS à cinq ans (RSR) de 84% pour 1438 patients de moins de 60 ans.22 Kallio et al. et Sankila et al. du pays voisin, la Finlande, ont trouvé des RS à cinq ans de 86,9%, 95%CI [84-89] et 88%, respectivement.23,24 De plus, Sankila et al. ont remarqué que le RSR des patients a augmenté de manière significative au cours de la période étudiée entre la première (1953-1968) et la seconde (1968-1978) période.24

Ceci a été confirmé par Brodbelt et al. qui ont observé que les résultats après la chirurgie du méningiome se sont améliorés au cours de la période examinée.25 Cette augmentation d’environ 10% du RSR au cours des 30 dernières années, est cohérente avec les progrès réalisés dans les techniques chirurgicales du méningiome, l’anesthésiologie, indépendamment de l’augmentation de l’espérance de vie (Tableau 3).

Sans surprise, outre une influence temporelle, Sant et al. ont également trouvé une variation spatiale du RS des méningiomes, avec un taux moyen à cinq ans de 88,7%, allant de 79,5% en Europe de l’Est à 93,4% en Europe du Nord.26 La comparaison entre les quelques études disponibles est cependant quelque peu incertaine en raison des différentes méthodes statistiques utilisées. Néanmoins, la cohorte basée sur la population que nous avons décrite ici est semblable aux études précédentes avec une proportion prédominante de femmes entre 70 et 75% et un âge moyen au moment de la chirurgie allant de 50 à 63 ans (Tableau 3). Cependant, le RSR à cinq ans de 96,2%, 95%CI [95,7-96,8] que nous présentons dans cette série moderne, est le plus élevé rapporté.

Image 2. Comparaisons des courbes de survie relative.

Facteurs pronostiques

Il a été démontré que la surmortalité liée aux méningiomes varie en fonction de plusieurs facteurs, parmi lesquels le sexe et l’âge ont été retrouvés dans la plupart des études, y compris la nôtre (tableau 4).24,25,27

Sans surprise, la RS après chirurgie des méningiomes est meilleure chez les jeunes adultes et, chez les femmes.

Au contraire, pour Sankila et al., la surmortalité à long terme était associée aux patients jeunes et de sexe masculin : dans le groupe d’âge inférieur à 45 ans, le risque relatif était 3,8 fois plus élevé pour les hommes que pour les femmes ; aucune différence de ce type n’a été trouvée dans le groupe d’âge le plus élevé.25 Pour Brodbelt et al. il y avait une réduction significative de la survie nette à cinq ans au-delà de l’âge de 69 ans, à moins de 83% chez les hommes et 87% chez les femmes.25 Chez les patients âgés de 54 ans, la RS à 10 ans était de 95 % contre 90 % chez les patients plus âgés (p<0,001) dans l’étude de Holleczek et al.27 Dans le rapport de Dolececk et al., les RSR étaient similaires pour les groupes d’âge jusqu’à environ 55 ans, lorsque la survie devenait progressivement moins favorable avec l’avancée en âge.28

De meilleurs résultats pour les femmes ont déjà été décrits pour de nombreuses tumeurs et sont attribués à moins de comorbidités et/ou à une meilleure performance clinique.29 Nos résultats confirment cette affirmation, les hommes ayant significativement plus de comorbidités que les femmes (p < 0,001). Un point de MRMI a significativement diminué les RSR. Cet effet était encore plus marqué chez les patients présentant un niveau élevé de comorbidités, avec un RSR de seulement 73,8 %, IC95 % [70,6-77,0] pour les patients présentant un MRMI de 4 ou plus (Image 2(F)).

Les patients NF2 sont prédisposés à développer des lésions du SNC, notamment des méningiomes intracrâniens et spinaux qui sont souvent multiples et se développent à un jeune âge.30 Dans notre étude, les patients NF2 présentaient une surmortalité significative avec un âge médian au décès de 40 ans, IQR [29-47]. Des constatations similaires ont été faites par Otsuka et al. qui concluent que les taux de survie à long terme des patients atteints de NF2 se sont avérés défavorables, en particulier pour ceux dont les symptômes ont commencé avant l’âge de 25 ans.4,31

Un avantage du SNDS qui utilise la classification CCAM, est sa capacité à fournir une localisation précise de l’insertion durale du méningiome. La majorité des méningiomes sont généralement situés en intracrânien (90%) et, la convexité est la localisation la plus fréquente dans un quart (24,7%). Le RSR est meilleur pour les méningiomes convexes (96,8%, 95%CI [95,8-97,8]) et plus faible pour les méningiomes intraventriculaires (89,5%, 95%CI [83,0-96,5]).

Neuf virgule sept pour cent des méningiomes ont été retirés de la colonne vertébrale, contre 4,4% pour Dolecek et al. et 7,7% pour Brodbelt et al. qui affirment que les patients avec des méningiomes spinaux s’en sortent mieux dans tous les grades, sexes et âges.25,28 Nous sommes d’accord avec cette affirmation en fondant que le méningiome spinal n’est pas une condition menaçant la vie et que son retrait n’altère pas la survie.

Le classement histopathologique a souvent été montré comme étant l’un des facteurs les plus forts de survie. Quant à Holleczek et al, les patients atteints de méningiomes bénins avaient une RS à cinq ans de 97% et donc une surmortalité mineure liée aux méningiomes. En considérant uniquement les méningiomes bénins, sur la base d’une analyse de 205 patients entre 1985 et 2003, ils ont trouvé un RSR à cinq ans de 92%, ce qui est légèrement inférieur au taux observé ici.32 Le RSR à cinq ans pour les patients atteints de méningiomes atypiques s’étendait de 80% à 96%, ce qui démontre l’augmentation significative de la surmortalité liée à la tumeur le long de la progression du grade de l’OMS.27 En ce qui concerne les méningiomes malins, les RSR s’étendaient de 30% à 73,0% dans notre étude.27 Pour Porter et al, le RS à cinq ans des méningiomes malins était de 67,3 %, IC95 % [58,674,6] et de 88,7 %, IC95 % [87,190,1] pour les méningiomes non malins.33 Les RS à cinq ans pour les méningiomes bénins, les méningiomes à la limite de la malignité et les méningiomes malins étaient de 85,6 %, 82,3 % et 66,0 %, respectivement, dans l’étude de Dolececk et al.28 Dans le dernier rapport CBTRUS, le RSR à cinq ans pour les méningiomes non malins (2004-2015) était de 88,0 %, IC95 % [87,8-88,3] et de 67,7 %, IC95 % [66,2-69,3] pour les méningiomes malins (2001-2015).1 Le classement des méningiomes a souvent été controversé, en particulier pour les grades II et III dont la définition a changé avec les mises à jour de la classification de l’OMS. Cela peut expliquer en partie les variations observées des RSR. De toute évidence, le comportement des méningiomes ne peut être expliqué par les seules caractéristiques histologiques, comme l’ont exprimé Dolececk et al. qui ont constaté que pour les cas bénins, le RS à cinq ans était significativement plus favorable pour les femmes que pour les hommes, les Noirs que les Blancs, les Hispaniques que les non-Hispaniques, les méningiomes spinaux que les autres localisations du site primaire28.

Malgré un comportement biologique généralement indolent, le résultat des patients traités pour un méningiome peut parfois être mauvais et, dans cette étude, ceux qui ont eu besoin d’une réopération ou d’une RT ont un RS réduit de 90,6%, 95%CI [88,8-92,4], 87,0% et 95%CI [85,1-88,9], respectivement.

Conclusion

Cette étude unique met en évidence la surmortalité associée aux méningiomes dont de nombreux facteurs tels que le sexe, l’âge, la localisation, le classement histopathologique, la reprise chirurgicale ou la RT nécessaire pour les tumeurs agressives, influencent le RS.

Remerciements

Marjorie Boussac et Julius Kemme du CNAM pour leur aide à l’extraction des données ; Hugo Varet, HUB Bioinformatique et Biostatistique, Département de Biologie Informatique, Institut Pasteur, Paris, France ; Jean-Philippe Jais, Université Paris Descartes – H^opital universitaire Necker – Enfants Malades, Paris, France ; Mme Segolene Van Outheusden, Londres, Angleterre, Royaume-Uni, pour sa relecture du manuscrit, sa correction de l’anglais, sa vérification de la grammaire et de l’orthographe.

Approbation éthique

Cette étude a été menée selon les directives éthiques pour la recherche épidémiologique conformément aux normes éthiques de la Déclaration d’Helsinki (2008), auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), un comité d’éthique national indépendant, numéro d’autorisation : 2008538 ; selon les directives RECORD pour les études menées à partir de données de santé collectées de façon routinière et, selon les directives SAMPL.18,19 Le consentement éclairé n’était pas requis en raison de la nature rétrospective de l’étude et de l’utilisation de données anonymisées, conformément au Règlement général européen sur la protection des données (RGPD UE 2016/679).

Déclaration de divulgation

Aucun conflit d’intérêt potentiel n’a été signalé par le ou les auteurs.

Financement

Aucun financement n’a été reçu pour cette recherche.

ORCID

Charles Champeaux-Depond http://orcid.org/0000-0002-0356-0893 6 C. CHAMPEAUX-DEPOND ET AL.

Déclaration de disponibilité des données

Restreint, les auteurs n’ont pas la permission de partager les données.

Disponibilité du code

Sur demande.

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