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Revue Prescrire janvier 2023 : Parlons d’avantage des macro-progestatifs et de leurs risques

androcur

La revue PRESCRIRE, seule revue médicale indépendante a publié dans la partie FORUM, notre lettre au CNGOF, ainsi qu’une contextualisation de la situation à la fin de l’année 2022 .
Ce courrier, envoyé en septembre 2022 , est resté sans réponse à ce jour .

Les 2 pages sont ici

Le courrier dit ce ci :

Bretteville sur Odon, le 29 aout 2022,

Madame la Présidente,

J’interviens en qualité de présidente de l’AMAVEA (Association Méningiomes dû à l’Acétate de cyprotérone, aide aux Victimes et prise en compte des Autres molécules). Un des buts de notre association, créée en janvier 2019 et agréée par le Ministère chargé de la Santé le 8 juillet 2020, est d’informer sur le risque de développer des méningiomes en lien avec la prise de médicaments progestatifs de synthèse. Ce risque est démontré à ce jour pour trois médicaments, l’acétate de cyprotérone (Androcur®), l’acétate de chlormadinone (Lutéran®) et l’acétate de nomégestrol (Lutényl®). La survenue d’un méningiome intracrânien est un effet secondaire grave et reconnu des médicaments progestatifs de synthèse et œstrogènes de synthèse.

Notre association a participé aux réunions du Comité Scientifique Spécialisé Temporaire par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament dès sa création en janvier 2019 concernant l’acétate de cyprotérone (Androcur®). Elle continue de participer réunions qui ont lieu actuellement concernant les autres médicaments susceptibles de provoquer des méningiomes. Notre association a participé à la réévaluation de ces traitements dans le cadre du suivi des bonnes pratiques sous l’égide de la Haute Autorité de Santé.

Vous savez que ces traitements sont très couramment prescrits, notamment dans le cadre de l’endométriose, mais aussi à visée de contraception. Notre association reçoit quotidiennement des messages de patientes qui reçoivent des informations erronées de la part de certains gynécologues concernant les méningiomes et leur prise en charge.

Voici les informations erronées les plus souvent rapportées par les patientes :

  • « Le dépistage d’un méningiome ne sert à rien » est une information qui nécessite une explication argumentée car les règles de dépistages ont été édictées par les autorités compétentes et sont accessibles aux patientes qui, parfois, ne comprennent pas les décisions prises les concernant.
  • « Un méningiome n’est pas une maladie grave », « un méningiome est une tumeur bénigne », « votre méningiome est de petite taille » sont autant d’éléments d’information qui peuvent minimiser la gravité potentielle d’une situation clinique car un méningiome, même bénin (de grade 1) et de petite taille peut engendrer des déficits neurologiques et neurocognitifs définitifs, un méningiome peut être une tumeur atypique (de grade 2), voire une tumeur maligne (de grade 3). Il convient de laisser aux spécialistes des méningiomes de se prononcer sur ces points qui sont d’une importance capitale pour la patiente ; ces discours faussement rassurants n’aident en rien.
  • « Le méningiome va disparaître à l’arrêt du traitement X » est une assertion absolument fausse. Un méningiome peut effectivement décroitre après l’arrêt d’un médicament progestatif de synthèse, mais pas dans tous les cas, et de façon imprévisible et dans un délai long. Dans tous les cas, il ne disparait pas. Là encore, il convient de laisser aux spécialistes des méningiomes de se prononcer sur le cours évolutif du méningiome qui vient d’être diagnostiqué.

Il en résulte des défauts de prise en charge, dont les plus souvent rencontrés sont :

  • L’absence d’adressage vers un spécialiste des méningiomes : les patientes sont le plus souvent adressées vers un neurologue et ne sont parfois adressées à aucun spécialiste du fait de la « petite taille » du méningiome. Il convient de rappeler que les spécialistes de la prise en charge des méningiomes sont les neurochirurgiens et qu’un avis est requis dans tous les cas.
  • La gestion des médicaments progestatifs : les patientes comprennent tout à fait la complexité de devoir substituer le médicament incriminé par un autre, notamment lorsque leur traitement est prescrit dans le cadre de l’AMM pour une maladie invalidante. A ce titre, elles peuvent entendre qu’il faille prendre le temps de la concertation entre médecins car elles ont connaissances que certains hôpitaux ont organisés des réunions dédiées. Par contre, il n’est pas recevable d’entendre qu’il n’y a « aucune solution » en consultation.
  • La proposition du stérilet Mirena® : ce Stérilet, qui contient des hormones progestatives est en cours d’évaluation (étude épidémiologique d’EPI-PHARE) pour savoir s’il est à risque accru de méningiome. A ce titre, toutes les réserves et précautions doivent être prises par les gynécologues dans leur prescription et dans l’information des patientes.

Il est préjudiciable pour les patientes de ne pas avoir, de la part de leurs gynécologues, des informations fiables et intelligible et une prise en charge adaptée aux connaissances actuelles. Les patientes peuvent comprendre sans difficultés que leur situation nécessite une réflexion médicale et un adressage vers un collègue spécialiste. Par contre, les discours erronés et faussement rassurants sont inacceptables et leur éventuelle efficacité est rendue caduque par l’abondance des informations disponibles sur internet.

Notre association demande que les gynécologues dispensent une information factuelle et adaptée à la lumière des connaissances sur la question et demande du tact dans le discours prodigué aux patientes. Pour y arriver, peut-être faut-il rappeler le contexte : celui d’une tumeur induite par un médicament qui se développe dans la tête de la patiente assise en face du gynécologue. Il est aisé de comprendre que ce n’est pas « bénin » que de devoir peut-être se faire « ouvrir le crâne », être « trépanée », avec un risque de séquelles neurologiques (ce qui est malheureusement possible après ce type de chirurgie). Aussi « bénin » soit le méningiome, une telle annonce est toujours une véritable violence et chaque patiente encaisse comme elle peut. Ainsi, il ne faut pas ajouter la violence des mots ni la banalisation de la situation à ce qui est vécu comme un cataclysme par les patientes.

Le Collège que vous présidez participe à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics et des agences gouvernementales dans les domaines de la Formation Initiale, de la Formation Continue et de l’organisation des soins, en lien avec les autres sociétés savantes et les syndicats de gynécologues et obstétriciens. Ainsi, votre Collège est dans la position idéale pour remédier à cette situation préjudiciable aux patientes, en mettant en œuvre tous les moyens nécessaires pour que l’information dispensée et la prise en charge soient de qualité, pour toutes les patientes et sur tout le territoire. Au passage, nous remercions les gynécologues qui ont su accompagner leurs patientes sans heurt. Pour ce faire, il semble judicieux que le Collège que vous présidez se mette en lien avec les sociétés savantes de neurochirurgie. Le comité scientifique de l’Association AMAVEA est à votre disposition pour vous y aider.

En attendant un retour de votre part et en restant à votre entière disposition pour avancer de concert, veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de nos salutations respectueuses.

Madame Emmanuelle HUET-MIGNATON

 

Pour information, le comité scientifique de l’AMAVEA

– Professeur Johan Pallud, Neurochirurgien, Chef de service de neurochirurgie au GHU Paris psychiatrie & neurosciences, Université Paris Cité, Paris

– Professeur Romuald Seizeur, Neurochirurgien, Chef de service de neurochirurgie au CHU de Brest, Université de Bretagne occidentale, Brest

– Professeur Hugues Loiseau, Neurochirurgien au CHU de Bordeaux, Université de Bordeaux, Bordeaux

– Docteur Frederic Dhermain, Radiothérapeute, Responsable du Comité de Neuro-oncologie, à l’Institut Gustave Roussy, Villejuif