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Michelle, méningiome et anosmie, opérée en 2016 à 47 ans (Androcur et Lutenyl pendant plus de 20 ans)

Je m’appelle Michelle, je suis née en mai 1969, j’ai deux enfants, un garçon né en 1994 et une fille née en 1997.

J’habite à Toulouse et travaille (jusqu’en 2018) dans une école maternelle avec le projet de devenir éducatrice de jeunes enfants.

J’ai pris DIANE 35 pendant 5 ans pour des problèmes d’acné, ANDROCUR pendant 5/6 ans pour des chutes de cheveux. Ces traitements ont été pris quand j’avais entre 20 et 30 ans.
Puis j’ai pris LUTENYL pendant 17 ans (de 2002 à 2018) pour des fibromes utérins. J’ai subi une hystérectomie en 2018.

Nous sommes en 2016 (année de mon déménagement, en février, et par conséquent de changement de médecin traitant). Je suis sujette depuis plusieurs années (environ 15 ans) à des sinusites à répétition pour lesquelles je suis traitée par corticoïdes, antibiotiques et vasoconstricteurs. Lors d’un déjeuner du mois de mai 2016, je me rends compte que ce que je mange a mauvais goût, alors
que le matin au petit déjeuner tout était normal. Cela est arrivé brutalement mais je me dis que ça va passer…
Au dîner c’est la même chose et lorsque je prépare mon repas, je sens de mauvaises odeurs (parosmie) que je n’arrive pas bien à décrire, un peu comme du brulé.

Les jours suivants c’est toujours pareil, cela m’inquiète, je prends rendez-vous chez mon nouveau médecin traitant et lui explique la situation. Elle me dit de prendre rendez-vous chez un ORL.
Je prends rendez-vous en juin 2016 dans une clinique sur Toulouse. L’ORL me parle d’anosmie, c’est la première fois que j’entends ce terme. Il fait un examen clinique et endoscopique qui ne retrouve aucune anomalie particulière hormis une légère déviation de la cloison gauche. Pas de polypes et des fentes olfactives tout à fait libres.
Voici mots pour mots sa conclusion «En l’absence de contexte traumatique et de polypes, cette anosmie est donc vraisemblablement post-virale avec un pronostic de récupération très aléatoire
comme je lui ai expliqué, aucun traitement ou examen complémentaire particulier à prévoir, et une récupération qui peut prendre jusqu’à 3 ans, c’est-à-dire le renouvellement complet du mucus olfactif.  Elle va poursuivre le RINOCLENIL pour sa rhinite chronique mais je suis obligée d’être très circonspect sur les possibilités de récupération malheureusement ».

Je ressors de ce rendez-vous seule et « déconfite » par ce diagnostic, non pas que j’attendais une solution mais plus d’explication ou la possibilité de faire des examens complémentaires. En fait une écoute et éventuellement un espoir …
Je n’ose pas en parler à mon entourage sauf à mes enfants car je pense que personne ne comprendra ce qui m’arrive, je ne comprends déjà pas moi-même, j’ai peur qu’ils me trouvent « bizarre ».
Je suis angoissée, triste, dans l’inconnue, avec beaucoup de questionnements…

Je me mets à manger des choses que je n’ai jamais mangé auparavant en me disant que peut-être j’aurais une sensation de goût comme c’est un aliment nouveau. Je m’arrête dans les pâtisseries acheter du salé ou du sucré, je m’achète des paquets de biscuits que je mange sans faim. Au total je prends 20 kg. Cela devient une obsession, j’ai ce besoin de manger, je n’arrive plus à me contrôler.

Durant l’été, je me trouve sans entrain, fatiguée, sans résistance physique, je prends la voiture pour le moindre petit trajet, alors qu’habituellement je fait tout à pieds dans la mesure du possible.
Je me lève le matin, prends mon petit-déjeuner puis me recouche, je n’ai envie de rien, ma fille qui est avec moi pour les vacances me dit qu’elle ne me « reconnait pas ».

Septembre arrive avec la rentrée scolaire. Je suis très fatiguée, beaucoup de maux de tête du matin au soir et du soir au matin, j’ai des troubles de l’humeur et je peux m’énerver facilement, mes collègues s’inquiètent car je ne suis pas comme ça habituellement, bien au contraire je suis une personne calme et posée. Cela me fait peur également car je m’en rends compte. Des vertiges et des vomissements apparaissent.
Je revois donc mon médecin traitant qui me prends rendez-vous avec une neurologue et me fait un arrêt de travail.

Je vois la neurologue en septembre 2016 qui, à l’examen clinique ne trouve aucune anomalie et me demande de passer une IRM cérébrale.
Le 5 octobre je passe l’IRM dans une clinique, puis le médecin radiologue me prend à part pour le diagnostic, il me dit que j’ai une grosseur, appelée méningiome. Là c’est le choc, toutes mes pensées se mélangent, je suis perdue. Au vu de mon état, le médecin radiologue m’accompagne voir ma neurologue qui est sur la même clinique et qui me prend entre deux patients afin de me rassurer. Elle m’explique que le méningiome est une tumeur, dans la majorité des cas, non cancéreuse, qu’il est la cause de mon anosmie car frontal et qu’il mesure 4,5 cm X 4,7 cm. Je dois consulter un neurochirurgien qu’elle m’indique au CHU de Toulouse. Elle me prends le rendez-vous pour le 8
octobre.

Le neurochirurgien me dit que c’est un méningiome du jugum sphénoïdal avec un œdème cérébral majeur dans les deux régions bi-frontales. Cela fait plusieurs années que je l’ai car ça évolue très lentement. Il m’explique également que les sautes d’humeur étaient « normales » avec la pression exercée sur le cerveau. Le méningiome a touché les bulbes olfactifs et est proche des nerfs optiques donc il faut intervenir assez rapidement.

L’intervention est programmée pour le 16 novembre 2016 avec dans l’intervalle, un traitement de corticoïdes pour diminuer l’œdème.
Je passe cette période pré-opératoire avec des angoisses et des insomnies mais je crois que je n’ai pas totalement conscience de ce qu’il m’arrive et me dit que je n’ai pas le choix de toutes façons, quoi qu’il arrive il faut que je passe par là. Je ressens de la colère envers mon médecin traitant qui m’a « soigné » des sinusites pendant une quinzaine d’années, je culpabilise même de ne pas avoir demander d’examen avant, je me dis que c’est ma faute mais en même temps je lui faisais confiance.
Je me fais aider avec des séances de kinésiologie pour évacuer le stress.

Je rentre à l’hôpital le 14 novembre l’estomac noué et me disant que peut-être je ne rentrerai plus jamais et avec beaucoup d’idées négatives
Le 15 au matin, il est prévu une artériographie cérébrale, bilan pré-opératoire et éventuelle embolisation. Il se trouve que le méningiome présente des apports par des branches issues des deux
artères ophtalmiques ainsi que par des branches de très petites taille non accessibles à l’embolisation par la carotide externe gauche. Il en résulte donc que le rapport bénéfice/risque n’est pas en faveur d’une embolisation compte tenu qu’il s’agissait d’emboliser par les artères ophtalmiques.

Je suis opérée le 16, l’exérèse est complète, l’intervention se passe sans encombre hormis un réveil tardif. Je suis en surveillance en soins intensifs.
Dans la nuit du 17 au 18 j’ai de la fièvre, une tachycardie avec hypocapnie (diminution de la concentration de gaz carbonique dans le sang). Je passe un scanner et un échodoppler et il en résulte
que j’ai une embolie pulmonaire et une phlébite. La prise d’anticoagulants est discutée car risque hémorragique puis finalement mise en place à partir du 18 sous haute surveillance. Je reste en soins intensifs pendant 5 jours.
Suite à cet incident, un bilan de thrombophilie est effectué. Il s’avère que j’ai une thrombophilie veineuse par mutation hétérozygote du facteur V de Leiden et de la prothrombine ainsi qu’un syndrome des anti phospholipides (SAPL). Cela n’a pas de rapport avec le méningiome mais au moins ça m’a permis de le savoir et d’être traitée par anticoagulation au long court, ainsi que d’en informer ma famille car il y a un facteur génétique.

Je sors de l’hôpital le 24 novembre, les résultats anatomopathologiques sont normaux et indiquent qu’il s’agit d’un méningiome de grade 2, il faudra donc un suivi régulier et éventuellement envisager une radiothérapie. Mon anosmie persiste, le neurochirurgien n’est pas en mesure de me dire comment cela va évoluer.

Le retour à mon domicile est particulièrement difficile les premiers jours, je n’arrive pas à suivre une conversation, je me sens « ailleurs », je n’ose pas le dire et me demande si mes proches s’en rendent compte. J’ai peur de rester comme ça par la suite.

Cela s’arrange au bout de quelques jours, je me sens mieux et surtout je n’ai plus de céphalées. Par contre je fait encore des insomnies avec beaucoup de cauchemars, des angoisses et suis suivie par la psychologue du service de neurochirurgie. Cela se résorbe au bout de six mois environ. En ce qui concerne mon anosmie, je l’ai par la suite dit à mon entourage. Mon alimentation, c’est très irrégulière, je n’ai pas envie de me préparer à manger et mange très peu, il s’ensuit un amaigrissement, pas envie de manger sans goût, pour moi ça ne « sert » à rien. Je ne supporte plus les repas dans lesquels on entend constamment « c’est bon, ça sent bon, est-ce que tu aimes ? », je suis incapable de répondre et de participer à ses échanges, je me sens à part et m’isole dans ces moments, le restaurant,je n’y vais plus, je ne me parfume plus. Je suis triste de cette situation mais garde un léger espoir tout de même

Je reprends mon travail à l’école début juin 2017 à mi-temps thérapeutique et avec un poste aménagé.  En juillet et août 2017 je suis un traitement par radiothérapie à l’IUCT (Institut Universitaire du Cancer de Toulouse) – machine de traitement Nova 5.

En février 2018 je consulte en hospitalisation de jour à l’Hôpital Lariboisière à Paris, une chirurgienne ORL spécialisée en olfactométrie pour un bilan concernant mon anosmie. Le diagnostic est encore une épreuve car je n’ai plus de bulbes olfactifs m’annonce t’elle, ils ont été détruits par le méningiome et ne retrouverai donc jamais le goût et l’odorat.
Plus jamais je ne sentirais la moindre odeur, les plaisirs ne seront plus les mêmes, par exemple, Noël et ses odeurs de sapin, d’oranges, de chocolats, … cette fête n’est plus vécue comme avant. Je ressens  comme le vide autour de moi, comme s’il ne se passait rien … Sans compter les dangers d’ingérer un aliment avarié, je n’achète plus de poisson frais, seulement du surgelé. La peur également de ne pas sentir une odeur suspecte. Ne plus sentir l’odeur de soi-même est également très frustrant et peut être déstabilisant.

En ce qui concerne l’alimentation et afin de garder un minimum d’entrain et de plaisirs, j’essaie de me raccrocher à d’autres sens tels que la vue, la texture, le chaud/froid, les couleurs. C’est une vigilance au quotidien pour ne pas tomber dans la banalité et la non-envie et garder le moral et être capable de s’exprimer sur ce que je ressens même si c’est différent des autres, cela peut être même enrichissant pour les personnes qui m’entourent.

Professionnellement, j’ai fait en 2018, une reconversion professionnelle car mon projet de devenir  éducatrice de jeunes enfants n’était plus envisageable au vu de mon handicap (bien que non encore reconnu comme tel…).
Je suis actuellement secrétaire médicale et cela me plaît également !

J’ai connu en ce début d’année l’association Anosmie.Org qui a mis en place un protocole de rééducation olfactive avec des huiles essentielles (citron, clou de girofle, géranium rosat et eucalyptus) afin de retrouver éventuellement quelques sensations même si ce ne sont pas les odeurs réelles. Je l’ai commencé en mars 2023 et cela se déroule sur 24 semaines. Je commence à avoir une sensation avec l’huile essentielle d’eucalyptus. C’est plutôt positif.
Le positif n’est pas toujours au rendez-vous car nous passons tous par des moments difficiles, le chemin est parfois long. Il ne faut pas se décourager, il ne faut pas avoir peur d’en parler autour de soi, quoi qu’en pense les autres, l’essentiel est de s’entourer des bonnes personnes.

Nous avons tous le droit de partager ce que nous ressentons et nous avons tous à apprendre de chacun.