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La radiothérapie : questions de patients et réponses du Dr Frédéric DHERMAIN, radiothérapeute

 

LA RADIOTHERAPIE

 

Questions de patientes et réponses

du Dr Frédéric DHERMAIN

lors de la réunion Zoom du 20 octobre 2021

 

 

PRÉSENTATION

Le Dr Frédéric Dhermain est oncologue radiothérapeute de formation, responsable et animateur du comité neuro (groupe polydisciplinaire, incluant des neurochirurgiens) à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif) depuis 2003.

Les demandes peuvent être faites par les patients, les proches des patients, les médecins, et le traitement de ces demandes se fait au plus tard dans la semaine, au pire dans les deux semaines, mais jamais plus. La prise en charge est globale : pas simplement les rayons, mais aussi la chimiothérapie, quand elle est nécessaire.

Pour les méningiomes, l’IGR reçoit 5 à 6 patients par semaine, soit 150 à 200 par an, patients qui ont des tumeurs cérébrales : gliomes, méningiomes. Les tumeurs malignes sont majoritaires. 20% sont des tumeurs bénignes, dont le méningiome est le plus grand représentant. En pratique, il y a 1 à 2 indications de radiothérapie pour méningiome par semaine.  2/3 des cas sont des patientes, puisque on sait maintenant que les méningiomes sont souvent liés aux hormones.

La localisation des méningiomes est différente selon le sexe :

  • Chez la femme : la base du crâne, autour de l’hypophyse, du sinus caverneux, donc très central dans le crâne
  • Chez l’homme : la voute du crâne, la paroi, donc plutôt périphérique

Les méningiomes sont plus souvent « bénins » (par opposition à “malins”, qui veut dire cancéreux) chez la femme que chez l’homme. Chez l’homme, les méningiomes sont plus souvent malins et moins sensibles aux traitements.

Il y a très peu de très jeunes, mais par contre les patients sont de plus en plus âgés, parce que les IRM sont de plus en plus fréquentes. Dés que quelqu’un a mal à la tête, on passe directement de l’IRM plutôt que de faire un scanner (ce qui est une très bonne chose !)  et ainsi on découvre fortuitement des méningiomes.

INDICATIONS DE LA RADIOTHÉRAPIE

Solange : Quand on a une tumeur de plus de 3 cm qui écrase le nerf optique droit qui n’est pas opérable car trop risqué, peut-on faire de la radiothérapie ?

La radiothérapie moderne, avec des photons ou des protons, est possible sur le plan technique et sans limite de taille, et même pour un méningiome qui enserre le nerf optique. Dans ce cas, il est évident que la chirurgie ne peut rien faire. La radiothérapie est possible, même si le méningiome fait 7 cm, et même si vous avez 80 ans. On peut traiter du plus petit au plus grand, en termes d’âge et de taille.

Il y a différentes manières de délivrer des rayons, de doser les rayons.

Ce qu’il faut, c’est que l’indication soit justifiée : quand la chirurgie semble impossible ou non complète, on enlève des méningiomes qui grossissent ou qui sont menaçants. Il faut qu’ils grossissent, car s’ils sont stables, on peut les garder jusqu’au dernier jour de sa vie.

La compression du nerf optique, et le fait de voir moins bien, est en soi un symptôme, donc il faut faire quelque chose, radiothérapie et/ou chirurgie, pour limiter cette compression. Pour le nerf optique, la radiochirurgie n’est pas adaptée. Il faut des doses faibles par séances mais réparties sur 30 séances et 6 semaines par exemple.

Ce n’est souvent pas la peine de partir sur une chirurgie si on ne peut pas tout enlever.

 

Sarah : La tumeur doit-elle faire moins de 3 cm pour pouvoir être traitée par radiochirurgie ?

La taille de 3 cm à ne pas dépasser vient de l’histoire de la radiochirurgie : dans les années 50, avec la création du Gamma Knife, un appareil de radiothérapie, qui émet des rayons, des rayons du cobalt, donc des photons, qui sont émis par une radioactivité naturelle, des photons gamma (d’où le nom de Gamma Knife) qui se concentrent très bien sur une cible très petite, qui peut être un méningiome, une métastase, un neurinome, etc..

La conception même de l’appareil et jusqu’à la toute dernière version, faisait qu’on ne pouvait faire qu’une seule session. La patiente arrivait la veille en neurochirurgie, hospitalisation donc, et une fois que les images étaient faites, le neurochirurgien met les trous de trépan, et la séance dure 40 à 50 min, et ne peut se faire qu’une seule fois.

Si la tumeur fait plus de 3 cm, la dose est obligée d’être diminuée, parce que la toxicité est trop importante. Au-delà de 3 cm, l’indication d’une seule séance au Gamma Knife n’est plus possible, mais il y a plein d’alternatives. .

Maintenant, avec des appareils de radiochirurgie, on peut faire 3 fractions en J1-J3-J5, sur des plus grands volumes. Pour des très grands volumes, on peut revenir aussi à la « vieille » radiothérapie avec des fractionnements classiques, qui peut être une très bonne alternative au « one shot » (une seule séance et très forte dose).

En neurochirurgie, on fait une IRM avant et après opération, et le neurochirurgien peut dire qu’il a tout enlevé et qu’on n’en parle plus. En radiothérapie, tout est différent : on fait des rayons, on chauffe la tumeur, et petit à petit elle va se dessécher, mais c’est un mécanisme très différé dans le temps, pour lequel les résultats en termes d’efficacité sont des non-progressions, on parle de ‘contrôle local’. Il n’y a pas de disparition, on n’enlève rien. Dans 15% des cas, non seulement le méningiome est stabilisé, mais il peut diminuer un peu (quelques mm en général). Et s’il comprimait le nerf optique, le nerf optique est alors libéré, au moins en partie, et la paupière qui tombait (ptosis) remonte par exemple.

 

TECHNIQUES DE RADIOTHÉRAPIE

 

Noëlle : Quelle technique privilégier et pourquoi ?

La différence est sur les particules. Il y a 3 types de particules, et il va peut-être y en avoir une quatrième. Le radiothérapeute utilise toujours des rayonnements ‘ionisants’ :

  • Les électrons, la tumeur doit être superficielle, donc jamais les méningiomes .
  • La radiothérapie conventionnelle : la photonthérapie, qui utilise des photons, 90 % des indications.
  • La protonthérapie, qui utilise des protons (3 centres uniquement en France : Orsay, Caen, Nice) : les indications deviennent de plus en plus portées et plus seulement chez l’enfant.

Ce sont les protons qui épargnent le plus le tissu cérébral traversé, donc ces centres reçoivent en priorité des enfants. Le traitement se fait sur 6 semaines et en étalement classique (petites doses par séance, 5 séances par semaine). La toxicité et l’efficacité sur la tumeur sont les mêmes qu’avec les photons puisqu’on parle de Gray ‘équivalents’ (aux Photons, biologiquement).

Là où les rayons passent, les cheveux tombent mais ils repoussent en 2 à 6 mois. C’est l’effet secondaire de la radiothérapie cérébrale qui passe par le cuir chevelu, quelle que soit la particule. Les cheveux sont très sensibles à la radiothérapie. Ils peuvent repousser, parfois de couleur un peu différente ou plus cassants, mais ils repoussent sur plusieurs mois.

 

Magalie : Mon neurochirurgien me dit que la tumeur que j’ai, à savoir méningiome sphéno-orbitaire, ne se soigne pas par radiothérapie. Est-ce vrai ? Pourquoi

Les méningiomes se présentent à l’imagerie de 3 façons :

  • Ils sont compacts, formant une sorte de masse ‘charnue’ bien pleine, et c’est de très bonnes indications aux photons, mais aussi aux protons, une cible bien limitée, de taille intermédiaire (3 à 5 cm), proche des organes à risque que sont le nerf optique, le chiasma optique, le tronc cérébral.
  • Ils grignotent/ irritent petit à petit l’os (un ostéo-méningiome) et parfois la partie osseuse est plus importante que la partie charnue : plus il y a une présentation osseuse, moins la radiothérapie marche (souvent la partie osseuse est très stable, et ne nécessite pas forcément une opération ou une irradiation, cela fait débat d’ailleurs.)

 

Edith : Est-ce qu’on peut faire de la radiothérapie avec une plaque en titane ?

Le suivi IRM est possible, et en fonction de l’indication et de la discussion entre neurochirurgien et radiothérapeute (RCP, réunion pluridisciplinaire), et la radiothérapie est possible, avec les mêmes doses et les mêmes résultats.

 

Cécile : Je vais être opérée fin octobre d’un méningiome para sagittal gauche. Il va y avoir un résidu, faut-il déjà prendre rendez-vous ?

Le neurochirurgien contacte, quand il le juge pertinent, le radiothérapeute en amont, et la patiente en est informée. Mais si le résidu ne grossit pas après opération, il n’est pas forcément nécessaire de l’irradier.

Donc à voir s’il grossit ou bien si c’est un grade 2 (atypique).

IMPORTANT : Après opération, il faut demander le compte rendu histologique de l’opération, et ne pas se contenter de ce que dit le neurochirurgien. Si c’est un grade 3 (malin), il faut enchainer dans les 6 semaines avec une radiothérapie, car on sait que ça va repousser assez vite. Si c’est un grade 2, la discussion est possible, certains sont plus agressifs que d’autres. En règle générale, les grades 2 n’évoluent pas en grade 3.

Pascale : A partir de quels symptômes est envisagé de la radiothérapie ?

Un symptôme qui devient invalidant au fil du temps, qui a un impact sur la vie quotidienne, doit être entendu et écouté. Même si le méningiome ne semble pas ‘bouger’ à l’IRM.

 

GAMMA KNIFE- CYBER KNIFE

Emmanuelle : Différences entre le Gamma Knife et le Cyber Knife. Pourquoi encore le « casque vissé » et pourquoi pas de masque thermoformé pour tout le monde  et tout type de radiothérapie ?

Le Gamma Knife  a été développé historiquement et est toujours très utilisé par les neurochirurgiens, ils ont contribué à sa création, développement et diffusion.

Le Cyber Knife est plutôt utilisé par les radiothérapeutes, peut traiter des tumeurs jusqu’à 5 cm (alors que le Gamma Knife s’arrête à maximum à 3 cm).

Les deux utilisent des photons et sont très précis (précision infra-millimétrique).

Actuellement, il y a de grands progrès dans les masques de contention. Si vous êtes traitée au CyberKnife (à la différence des protons), vous aurez un contrôle à chaque séance et en temps réel de la réalité de la dose, là où elle est délivrée.

A l’intérieur d’un masque, on peut toujours bouger, mais très peu. Il y a un compromis dans un masque à faire entre ‘tenir’ pendant 30 à 40 minutes avec un masque très serré ou bien avec un peu plus de liberté, donc plus confortable, mais là on peut bouger davantage.

Dans la plupart des indications, le 1/10 de mm ne compte pas, parce que les radiothérapeutes l’intègrent dans leur volume d’irradiation et la patiente peut bouger d’1 mm.

A contrario, dans certaines indications, si l’on délivre par exemple 80 à 90 grays dans une région extrêmement précise, ex des névralgies d’Arnold résistantes à tous les autres traitements, et dont le seul traitement efficace est de ‘brûler’ le nerf pour supprimer ces douleurs intenses voire infernales, comme ce sont des doses énormes, il est souvent préféré une fixation chirurgicale (trous de trépan) pour être assuré de ne pas bouger du tout.

Pour le reste, les masques thermoformés sont possibles (sachant qu’il y en a plusieurs sortes, qui sont plus ou moins contraignants).

Avec le Cyber Knife, le robot s’adapte en temps réel si vous faites un mouvement pendant le traitement ; donc la contention peut ne pas être trop serrée.

Pour les personnes claustrophobes : sophrologie, cohérence cardiaque, visualisions de ce qui allait se passer, travail sur la respiration, méditation.

A Gustave Roussy, séance de 3/4h avec les manipulateurs radio où il est répondu à toutes les questions. Et il est aussi proposé de l’auriculothérapie, sophrologie.

 

Françoise : Qu’en est-il de la nécrose des tissus sains après le Gamma Knife ?

En séance unique, les doses sont entre 5 et 10 fois aux doses habituelles. Les traitements ‘classiques’, c’est 2 grays par séance. Le gray, c’est 1 joule par kg, une unité d’énergie par kilo de tissu traversé.

La Gamma Knife, qui délivre des photons gammas, c’est 15 à 20 grays en 1 séance.

La dosimétrie (répartition de la dose) est dépendante de la machine utilisée.

Il y a toujours une toute petite bande de tissu qui est irradiée au-delà de la tumeur, la question est de savoir si elle est en zone fonctionnelle ou pas ? La zone dite fonctionnelle est très personne- dépendant, il n’est pas à 100% possible de l’identifier uniquement par des techniques non invasives comme l’IRM fonctionnelle.

S’il y a nécrose des tissus sains, on peut s’en occuper de différentes manières, principalement avec de la corticothérapie.

 

Pourquoi sait-on si peu de choses sur les méningiomes ?

Parce que ce n’est pas de la cancérologie, c’est moins ‘noble’ comme discipline, donc ça intéresse moins les chercheurs. C’est peut-être aussi parce que ce sont principalement les femmes qui en sont atteintes.

 

SÉQUELLES

Christelle : Quelles sont les répercussions négatives dentaire, salivaire, nasale, auditive, hypophysaire de l’irradiation fractionnée du chiasma optique et nerf optique ?

Dans la radiothérapie des méningiomes, qui se passe dans la moitié supérieure de la tête, il n’y a aucune incidence salivaire ou dentaire. Il peut y en avoir par contre d’abord pour l’audition, si le méningiome touche le nerf auditif (ce qui s’appelle un neurinome ou un schwannome). Le radiothérapeute peut garantir une non-aggravation du statut auditif, très rarement un retour au statut initial.

Quand il y a souci, c’est surtout dans les aigus, mais si les doses maximales tolérables par la cochlée sont bien respectées, les patients ne deviennent pas sourds et les appareillages sont maintenant de plus en plus performants.

Quand il y a un méningiome des sinus caverneux avec une extension dans la zone hypophysaire (le sinus caverneux ne pouvant pas être opéré et l’hypophyse étant collée au méningiome), et même aux protons, une certaine dose est diffusée sur l’hypophyse, donc il faut être absolument suivie au plan endocrinien (1 à 2 fois par an maximum) et plutôt dans un service hospitalier spécialisé.

Pour le reste, il n’y a pas à craindre de brûlure du nerf optique, ni du chiasma, quand c’est fait par un bon radiothérapeute.

DERNIERS CONSEILS :

1-   Tenez compte de l’expérience du radiothérapeute et de l’équipe. C’est un bon signe quand un spécialiste vous dit aussi ses limites

2 – Il est justifié de demander un 2eme avis. Un 3eme avis possiblement mais pas au-delà, sinon on risque d’être complétement perdu.

3- Pour les compte-rendus et analyses comparatives des IRM, les centres les plus compétents font une analyse volumétrique (en mm3 ou cm3). Donc quand on passe une IRM, il faut demander une analyse au moins en deux dimensions (axe transversal et sagittal/coronal), et si possible volumétrique (dans les 3 axes), surtout si le suivi prévisible est sur plusieurs années.

Pour en savoir plus sur le Dr Frédéric Dhermain : https://www.gustaveroussy.fr/fr/frederic-dhermain