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LA MONTAGNE- L’association AMAVEA poursuit sa mission d’information pour les femmes ayant pris des progestatifs au long cours

androcur

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Dès 2018, l’Agence nationale de santé et du médicament confirme les liens avérés entre la prise de médicaments progestatifs tels que l’Androcur et le développement de méningiomes, des tumeurs au cerveau. Depuis, une association, Amaeva, se bat pour que l’information passe tant au niveau des patientes que des professionnels de santé.

Charlotte, une Puydômoise de 50 ans, a souffert d’endométriose depuis l’adolescence. Durant plusieurs années, elle a pris des traitements progestatifs afin de soulager la douleur due à cette maladie gynécologique qui a colonisé tout son tube digestif. Aujourd’hui, après plusieurs interventions chirurgicales, elle a enfin l’impression que l’endométriose fait partie de son passé ; qu’une vie sans douleur peut enfin commencer.
Néanmoins, il y a quelques jours, elle découvre sur Internet l’existence du combat de femmes contre des méningiomes après avoir été traitées, durant de longues années, avec des médicaments progestatifs tels que l’Androcur, le Lutényl, le Lutéran et leurs génériques. Là, son sang ne fait qu’un tour… « J’ai pris de l’Androcur pendant des années et on ne m’a rien dit sur le risque de faire des méningiomes ! », s’affole-t-elle. Charlotte doit-elle s’inquiéter aujourd’hui ? Doit-elle faire des démarches ? Auprès de qui peut-elle s’informer ?

Défaut d’information

C’est notamment pour lutter contre ce manque d’information qu’Emmanuelle Huet-Mignaton a créé, en 2019, l’association Amaeva (Association méningiomes dus à l’acétate de cyprotérone, aide aux victimes et prise en compte des autres molécules). Elle a, durant quinze ans, été traitée avec de l’Androcur et du Lutéran et a développé cinq méningiomes lui causant une hémiplégie, une aphasie. Il lui faudra deux années de rééducation pour parler à nouveau correctement. Analyste financier, elle ne pourra pas reprendre son activité professionnelle.

« En créant cette association, mon objectif n’était pas de faire interdire ces traitements progestatifs qui sont efficaces, particulièrement dans l’endométriose, néanmoins, à partir du moment où l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a établi un lien entre ces médicaments pris au long cours et un risque de méningiomes, il faut que les médecins et les patientes soient informées des risques potentiels », souligne la présidente d’Amaeva.

Informer à la fois les patientes et les médecins

« Les patientes doivent être clairement informées des éventuels symptômes, signes neurologiques des méningiomes afin d’être prises en charge précocement et elles doivent bénéficier d’un suivi qui n’existe pas systématiquement : passer des IRM de contrôle. L’ANSM a notamment recommandé que la dose la moins forte possible soit prescrite. Les médecins doivent donc réfléchir davantage à leurs prescriptions », ajoute-t-elle.

Notre but n’est pas d’affoler, d’autant que les femmes qui ont pris ces traitements progestatifs mais qui les ont arrêtés il y a longtemps, peuvent rester relativement sereines, il s’agit d’informer à la fois les patientes et les médecins.

Des centaines de requêtes en justice

En mars 2024, deux requêtes ont été déposées auprès du tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) mettant en cause l’État pour défaut d’information. Le cabinet Dante, à Paris, a reçu plusieurs centaines de dossiers de plaintes à étudier.
Aujourd’hui, l’association Amaeva compte plus de mille adhérentes, dont de nombreuses femmes souffrant d’endométriose et qui ont eu des méningiomes après la prise de progestatifs.

Pour toute info : Amaeva.org. Il existe des bénévoles Amaeva dans les régions : Séverine pour Auvergne-Rhône-Alpes. Contact : AuRA@amavea.org.

Qu’est-ce que les médicaments progestatifs ?

Les progestatifs sont des médicaments utilisés dans diverses pathologies gynécologiques (endométriose, fibromes, règles particulièrement longues et/ou abondantes, troubles du cycle), dans le traitement hormonal substitutif (y compris ménopause) ; mais aussi en obstétrique (stérilité par insuffisance lutéale, avortements à répétition).

Qu’est-ce qu’un méningiome ?

Les méningiomes sont des tumeurs des membranes qui entourent le cerveau. Ces tumeurs sont parfois qualifiées de « bénignes », car elles ne sont pas susceptibles de dégénérer en cancers mortels, mais elles peuvent provoquer de graves handicaps neurologiques. Dans la population générale, on estime que 9 personnes sur 100.000 sont susceptibles de développer un méningiome chaque année. Le méningiome représente plus d’une tumeur cérébrale primaire (sans métastase) sur trois. C’est la tumeur cérébrale la plus courante à partir de 35 ans. L’âge, le genre féminin et l’exposition aux radiations ionisantes dans l’enfance (examen d’imagerie diagnostique, scanner, scintigraphie) constituent des facteurs de risque clairement identifiés.

Comment ces prescriptions sont-elle encadrées au CHU

En mai dernier, l’ANSM a de nouveau alerté les professionnels de santé à propos des risques de méningiome chez les patientes qui reçoivent des traitements progestatifs prolongés (plusieurs mois ou années). Comment sont encadrées ces prescriptions au CHU de Clermont-Ferrand ?

Lien avéré par des études dilligentées par l’ANSM

Entre 2019 et 2020, des études épidémiologiques successives ont démontré un risque de méningiome qui augmente avec la dose reçue, pour trois progestatifs (Androcur, Lutenyl, Lutéran et génériques). Suite à ces études, l’ANSM a alors mis en place des mesures visant à limiter ce risque.

Quid des prescriptions en France ?

En France, les prescriptions ont très significativement diminué depuis la première alerte fin 2017. Elles auraient reculé de près de 90 % entre janvier 2018 et décembre 2023. Fin novembre 2023, moins de 10.000 patientes étaient traitées par Androcur contre environ 90.000 fin 2017.

Changements en Auvergne

En Auvergne, au CHU Estaing de Clermont-Ferrand, dans le service de gynécologie, expert de l’endométriose, où en est-on de ces prescriptions ?
« On peut souligner que les indications et les doses utilisées ont changé. Plus aucune patiente ne reçoit ce traitement pour une endométriose dans notre service », souligne le professeur Michel Canis, gynécologue au CHU Estaing.

« Depuis plusieurs années, l’utilisation des autres médicaments pour lesquels un risque avéré a été démontré, tel que l’acétate de chlormadinone (Lutéran et générique), nomegestrol (Lutényl et générique), ne sont plus prescrits de manière prolongée. Les traitements en cours ont été arrêtés et au moindre doute clinique une IRM est demandée », poursuit-il. De même la médrogestérone (Colprone) et l’acétate de médroxyprogestérone (Depo provera) ne sont plus prescrits.

Un suivi pour les patientes traitées par le passé

Néanmoins, au CHU, de nombreuses femmes souffrant d’endométriose ont été traitées par le passé avec ces progestatifs. Parmi elles, selon le médecin, une patiente a été opérée d’un méningiome.
« Ces médicaments ont été prescrits dans le service pour traiter des patientes qui avaient des douleurs sévères, le bénéfice clinique a été très supérieur au risque. Nous sommes un des seuls pays dans lequel ces effets ont été identifiés, parce que nous avons prescrit plus de progestatifs et que nous avons un système de santé plutôt performant », commente-t-il.
« Pour les patientes qui ont pris ces traitements durant plusieurs années, et qui n’ont actuellement plus aucun traitement, si elles n’ont aucun signe clinique (voir par ailleurs), elles n’ont rien à faire. Il est probable que si elles avaient des anomalies, elles le sauraient déjà. »

Dans un communiqué, le CNGOF (Collège national des gynécologues et des obstétriciens français) rappelle qu’en cas de méningiome découvert chez des patientes utilisant des macroprogestatifs, l’arrêt de ces molécules induit dans l’immense majorité des cas, une stabilisation voire une diminution significative du volume tumoral.

Suivi des patientes actuelles

« Depuis plusieurs années déjà, nous informons les patientes qu’il faut effectuer des examens si un traitement progestatif prolongé a été utilisé. La prescription est très encadrée. De même, nous faisons des IRM pour les patientes prenant des progestatifs prescrits actuellement mais pour lesquels les risques ne sont pas encore connus, peut-être du fait d’utilisation beaucoup plus récente. Nous utilisons toujours le dosage le plus faible possible. »

Et pour les autres progestatifs ?

A propos des autres traitements progestatifs, « il faut rassurer les patientes qui prennent de la progestérone pour le traitement de leur ménopause (Utrogestan et générique), de dydrogesterone (Duphaston) ou qui sont porteuses de stérilet à la progestérone : Aucun surrisque n’a été mis en évidence pour ces traitements, les interrompre à la suite de ces alertes n’est pas nécessaire. Les stérilets comportent des doses extrêmement faibles. On n’est pas du tout dans les mêmes proportions. Aucune inquiétude particulière n’est justifiée, ces médicaments sont prescrits depuis plusieurs dizaines d’année, aucune augmentation du risque de méningiome n’a été mise en évidence », précise le professeur Canis. Et d’ajouter que « les traitements de quelques semaines n’augmentent pas non plus ce risque. »

Étude en cours. En 2023, l’ANSM a observé des cas de méningiome survenus lors de traitements par d’autres progestatifs. Elle a établi des premières recommandations afin d’encadrer ce risque pour les progestatifs médrogestone (Colprone), progestérone à 100 mg et 200 mg (Utrogestan et génériques), dydrogestérone (Duphaston) et dienogest (génériques de Visanne), dans l’attente des résultats d’études épidémiologiques en cours.

Les recommandations de l’ANSM

Parmi les recommandations, l’ANSM préconise qu’il est nécessaire, avant toute nouvelle prescription ou switch entre progestatifs, de vérifier l’ensemble des progestatifs déjà utilisés et leur durée d’utilisation. Le traitement doit être prescrit à la dose minimale efficace avec une durée d’utilisation la plus courte possible. L’intérêt à poursuivre le traitement doit être réévalué tous les ans, notamment aux alentours de la ménopause, le risque de méningiome augmentant fortement avec l’âge. Une IRM cérébrale devra être réalisée en cas de signes cliniques évocateurs d’un méningiome : maux de tête, troubles de la vision, du langage, de la mémoire et de l’audition, nausées, vertiges, convulsions, perte de l’odorat, faiblesse ou paralysie. ansm.sante.fr

Michèle Gardette
michele.gardette@centrefrance.com

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