En 2003, on découvre à Emmanuelle de l’endométriose, une maladie chronique qui touche une femme sur dix. À cette époque, elle avait 39 ans et voulait se faire retirer l’utérus et les ovaires. Son médecin a refusé disant qu’elle était trop jeune et qu’elle voudrait peut-être d’autres enfants plus tard. On lui a par la suite prescrit pendant 14 ans de l’Androcur, un médicament pour soulager ses douleurs.
Quand elle est retournée voir son médecin pour lui parler de symptômes qu’elle trouvait bizarres, comme sa jambe qui ne la tenait plus, ce dernier lui a dit de faire du sport, de se muscler. Elle s’est dit qu’il devait avoir certainement raison. C’est en août 2017, un dimanche matin, qu’Emmanuelle a remarqué que sa main droite ne se fermait plus. Elle n’avait pas mal, mais sa main restait inerte.
Elle est donc allée voir son médecin et se souvient d’une phrase en particulier qui l’a marqué : “Faites un effort, faites un effort pour refermer la main.” Elle ne pouvait pas. On lui a donc fait passer un IRM, par précaution. Elle a eu le choc de voir une tumeur grosse comme une orange, une deuxième de la taille d’une prune et trois autres petites de la taille d’une cerise dans son cerveau.
Elle a pris un rendez-vous en urgence avec un neurochirurgien parisien, qui lui a dit : “Tout ce que vous avez dans la tête est dû au traitement que vous avez pris contre l’endométriose.” C’est la douche froide pour Emmanuelle, qui lui demande à combien de pourcentage il en était sûr. Il lui a répondu “à 100 %”. Très en colère, il était inconcevable pour elle que ses tumeurs soient dues au traitement et qu’aucun médecin ne l’ait prévenue.
Emmanuelle s’est fait opérer quelques semaines plus tard, en octobre 2017. La plus grosse tumeur a été enlevée, mais le risque était trop grand pour retirer les quatre autres. Quand elle s’est réveillée, elle s’est retrouvée hémiplégique et aphasique du côté droit de son corps. Elle a mis quelques semaines à retrouver l’entièreté de ses mouvements, et près de 6 mois à retrouver la parole. Elle a dû faire de la rééducation orthophonique. Encore aujourd’hui, il est difficile pour elle de parler plus de 2, 3 heures par jour.
En janvier 2019, elle fonde l’association Amavea, destinée au soutien des victimes de méningiomes dus aux médicaments et autres progestatifs. Elle n’est pas un cas isolé. Près de 500 victimes ont été identifiées au cours de ces dernières années, un chiffre très sous-estimé selon elle. Le lien de causalité entre l’apparition des méningiomes et des traitements Androcur, Lutéran et Lutényl a été établi dans le cadre d’une procédure judiciaire.
En début d’année 2020, Emmanuelle a entamé une procédure judiciaire avec ses avocats afin d’obtenir réparation des préjudices subis. Aujourd’hui, elle vit donc avec quatre tumeurs au cerveau et se bat afin de comprendre comment des centaines de femmes peuvent être dans la même situation qu’elle.
Cliquez sur le bouton pour charger le contenu de www.dailymotion.com.
Suite à cet entretien, nous avons sollicité le laboratoire Bayer, voici sa réponse en date du 3 novembre 2020 :
“Des cas de méningiome ont été rapportés sous Androcur® (acétate de cyprotérone) chez les femmes et les hommes. Ce risque est décrit dans l’information produit comme la notice, et les professionnels de santé doivent prescrire les médicaments après une évaluation exhaustive des bénéfices et des risques pour chaque patient. Ce risque est continuellement surveillé, évalué et communiqué par Bayer aux autorités de santé.
Le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments a confirmé en février 2020 que le rapport bénéfice/risque d’Androcur est considéré comme favorable lorsqu’il est utilisé conformément aux autorisations de mise sur le marché.
Chez Bayer, nous prenons la sécurité des patients très au sérieux et nous assurons en permanence du profil de sécurité de nos médicaments afin de garantir que les informations relatives aux médicaments que nous mettons à disposition des professionnels de santé et des patients soient le reflet des preuves scientifiques les plus récentes. Cet engagement inclut une évaluation approfondie et constante des publications scientifiques se rapportant à nos médicaments. Bayer tient par ailleurs régulièrement informées les autorités réglementaires du monde entier de l’arrivée de nouvelles données concernant ses médicaments, et travaille avec celles-ci pour mettre à jour les notices d’information, le cas échéant.
Concernant les procédures judiciaires, Bayer ne commente pas les procédures en cours ou à venir.”
Par Inès Roulaud, publié le 10/11/2020