Article original ici : https://www.ouest-france.fr/sante/temoignages-marre-de-la-pilule-elles-sont-passees-a-d-autres-methodes-de-contraception
Alors que nos grands-mères ont considéré la pilule contraceptive comme une libération, les jeunes femmes d’aujourd’hui sont de plus en plus nombreuses à s’en méfier.
Un jour, elles ont dit stop à la pilule. J’ai un peu l’impression d’avoir été contrôlée par cette contraception plutôt que d’avoir pris le contrôle moi-même. Comme si ce n’était pas moi
, explique Mélody, 27 ans. Rebecca en avait assez, elle aussi, de prendre un comprimé chaque matin. Philosophiquement, ce geste devenu machinal me gênait
. Cette jeune femme de 26 ans a été influencée dans sa décision par une enquête journalistique sur les effets de la pilule et des témoignages de femme qui voulaient se libérer de ce carcan
.
Comme le note l’IFOP pour un sondage Contraception : Pourquoi les femmes délaissent la pilule ? datant de 2018, la popularité de la pilule a baissé de manière significative ces dernières années
. La proportion de femmes en âge de procréer qui l’utilisent est passée de 40,8 % en 2010 à 33,2 % en 2016, selon le Baromètre de la santé publié en 2016 par Santé Publique France (SPF).
« Il y a un désir chez les jeunes femmes de reprendre le contrôle »
Alors, la pilule, un carcan ? La génération actuelle ne voit plus en elle cette libération saluée par les femmes des générations précédentes. Le rapport au corps a changé. « Il y a un désir chez les jeunes femmes de reprendre le contrôle, qui passe par l’acquisition de connaissances scientifiques, note la sociologue Cécile Thomé qui a travaillé sur le rapport au corps et à la santé dans les choix contraceptifs des jeunes femmes en France selon le milieu social. Cela va jusqu’à la remise en cause du médecin, notamment pour les jeunes femmes appartenant à la classe supérieure. Sur les applications de leurs smartphones, elles vont noter leurs ressentis, la texture de leurs pertes etc. » Elle rajoute : « Cela apporte du pouvoir aux femmes et leur permet de répondre à l’institution médicale sur leur santé sexuelle. Et c’est positif. Elles apprennent par elles-mêmes à mieux connaître le fonctionnement de leur corps. »
« C’est un médicament »
Ce désamour générationnel vis-à-vis de la pilule, qui reste toutefois le premier moyen de contraception chez les femmes, n’est pas seulement une question de philosophie, de réappropriation de son corps.
C’est aussi une question médicale. Isabelle Yoldjian, directrice des médicaments en gynécologie à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), rappelle : Cette relative désertion pour la pilule, s’explique par la prise de conscience que c’est un médicament. Et comme tout médicament, celui-ci s’accompagne d’effets indésirables.
« Je pleurais devant des pubs Amazon »
Caroline, 26 ans, explique : Je prenais la pilule depuis mes 14 ans, et très vite j’ai eu aussi un traitement pour l’acné. Je ressentais une sorte de poids, comme si j’avais les jambes lourdes. Et j’avais toujours chaud, je transpirais au moindre effort ! À la fin du traitement, j’ai décidé d’arrêter aussi la pilule, du jour au lendemain. Et mes symptômes ont presque tous disparu
.
Mélody, 27 ans, a remarqué un gros changement, un avant et après la pilule. Quand je prenais la pilule, je n’avais pas spécialement l’impression d’avoir des effets. Maintenant que j’ai arrêté, je peux dire que j’en ai eu ! Pendant la pilule, j’étais plutôt amorphe, assez sensible pendant les périodes de mon cycle. Par exemple, je pleurais devant des pubs Amazon !
rigole-t-elle.
« Vérifier le rapport bénéfice / risque »
Les effets secondaires de la pilule peuvent être multiples : des petits saignements en dehors des règles, parfois l’arrêt des règles, des nausées ou le gonflement des seins, voire un risque de thrombose. En décembre 2012, une jeune femme, Marion Larat, a porté plainte contre Bayer après avoir fait un AVC qu’elle incombe à la prise de la pilule Méliane. Elle a été indemnisée au civil, pour préjudices subis, à hauteur de 4,5 millions d’euros ainsi qu’une rente annuelle de 25 000 €, versés par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. Au pénal, une instruction, ouverte huit ans après les faits, est toujours en cours.
En 2013, l’Agence européenne des médicaments a procédé à une réévaluation de toutes les pilules contraceptives afin de vérifier le rapport bénéfice / risque notamment. Et en effet, il y a un risque plus élevé de thromboses veineuses [la formation d’un caillot sanguin dans une veine] pour les pilules de 3e et 4e générations et qui multiplié par deux par rapport aux pilules de 1re et 2e générations
, rappelle Isabelle Yoldjian.
« Toutes les pilules peuvent engendrer des troubles de l’humeur »
Cécile Thomé, sociologue, explique que la parole sur ces effets secondaires sur la santé s’est beaucoup libérée : « Même si les jeunes femmes d’aujourd’hui ne se souviennent pas du scandale de 2012 sur la pilule, elles sont beaucoup plus attentives aux effets indésirables qu’il y a cinquante ans. Pour mon étude, je me suis entretenue avec des femmes de 90 ans qui disent : “Les effets secondaires, ça m’était égal”, parce qu’à l’époque, la commercialisation de la pilule contraceptive était vue comme une libération. Aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Phases de dépression, fatigue, baisse de la libido, sautes d’humeur… Certaines jeunes femmes se plaignent aussi des conséquences psychologiques de la prise de la pilule. Ces effets sont souvent considérés comme minimes et sous-estimés par les femmes elles-mêmes, comme Rébecca qui incombe à son caractère
des phases de dépression, elle qui a pris la pilule pendant dix ans.
Pourtant, Isabelle Yoldjian le souligne : Toutes les pilules peuvent engendrer des troubles de l’humeur ».
Elle admet que ces effets indésirables sont souvent considérés comme bénins ou plus difficiles à lier avec la prise de contraceptifs
par les professionnels de santé et les femmes elles-mêmes et souvent passés sous silence ».
Et de conclure : C’est difficile de dire si ces effets sont uniquement dus à la pilule.
« Je veux que mon copain prenne une contraception »
La pilule reste le premier moyen de contraception en France. Mais pour celles qui la refusent, quelle alternative ? Nous, c’est la première chose à laquelle on pense quand on commence à avoir une vie sexuelle
, souligne Rébecca. Comme si c’était naturel
que la charge mentale liée à la contraception incombe aux femmes. Même si la contraception masculine existe, un problème de confiance se pose dans les couples, les femmes ayant pendant longtemps porté la charge contraceptive mais aussi car, in fine, c’est bien la femme qui tombera enceinte s’il y a un problème.
Rébecca et Mélody sont passées par des périodes d’errance contraceptive
. Je ne veux pas continuer comme ça, je veux que mon copain prenne une contraception. J’aimerais qu’il porte des slips chauffants
, explique Rébecca. Mélody a maintenant un stérilet : Celui en cuivre, sans hormones, j’y tenais.
Elle rajoute : J’ai passé plusieurs mois sans contraception, même si je n’étais pas en couple entre-temps.
Mais maintenant elle souffre plus qu’avant lorsqu’elle a ses menstruations : Mes règles sont beaucoup plus abondantes qu’avant, quand je prenais la pilule. Et les douleurs sont plus fortes avant et pendant les règles. Je dois être plus attentive et surveiller quand me changer.
Reste, sinon, le préservatif, ou le retrait. En attendant la pilule masculine ?