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Questions/réponses avec Charlotte PLANCHON, neurospychologue

Questions/réponses avec

Charlotte PLANCHON, neuropsychologue 

au CHU de Bordeaux

Nous avons organisé le 16 septembre 2024, par ZOOM, une réunion avec des adhérentes de l’association, afin de répondre à un maximum de questions sur ce qu’est une neuropsycholoçgue et en quoi elle est utile dans le cadre des méningiomes.

Nous la remercions chaleureusement du temps qu’elle a consacré pour nous toutes.

Retranscription par Delphine, déléguée Hauts de France

 

QUESTIONS

 

Qu’est-ce qu’un(e) neuropsychologue ?

C’est un psychologue, et non un médecin. C’est un psychologue qui s’intéresse plus spécifiquement à la relation et aux relations entre les structures cérébrales et le fonctionnement d’un individu. C’est à dire le fonctionnement cognitif, avec tout ce qui va être attention, concentration, mémoire, langage et bien d’autres choses. Et le fonctionnement affectif aussi, puisque ça reste un psychologue.

Donc le neuropsychologue s’intéresse à l’humeur, au moral, etc. des individus et aussi au fonctionnement social parce que nous évoluons en société, que nous sommes des êtres sociaux. Donc dans les relations à l’autre qui peuvent être affectées à la fois par des troubles d’ordre psychologiques (anxiété, dépression, etc.), mais aussi par la cognition pure.  C’est-à-dire qu’il y a une partie de cognition sociale, sans rentrer dans les détails. Toutes ces fonctions sont gérées par le cerveau.

Quelle est la différence entre un psychologue dit classique et un neuropsychologue ?

Un psychologue classique ne va pas avoir les outils théoriques et pratiques pour évaluer la cognition, tout ce qui est attention, mémoire, fonctions exécutives, langage, etc. Le psychologue classique a des outils que le neuropsychologue n’a pas.

Quelle est le déroulé d’une séance d’évaluation avec un neuropsychologue ?

Le mot évaluation est important car ce n’est pas un mot que l’on entend beaucoup pour une consultation en psychologie. Lors d’un bilan en neuropsychologie (il faut savoir que les psychologues ne sont pas des paramédicaux, ils ne travaillent pas sur prescription), ils sont en accès libre et vous pouvez prendre rendez-vous avec un neuropsychologue de vous-même et le but va être de faire un état des lieux.

L’évaluation consiste d’abord en une partie d’entretiens : on va poser des questions pour mieux comprendre la personne, mieux comprendre son histoire de vie, ses plaintes, ce qui va bien, ce qui ne va pas bien etc. Ensuite, la partie évaluation consiste en des tests informatisés ou des tests papier /crayon.

Il n’y a absolument rien d’invasif : le but est d’évaluer de manière plus ou moins exhaustive, certaines fonctions cérébrales, pour évaluer les fonctions cognitives. Ça peut être par des tests de l’attention, des tests de mémoire. Il faut savoir qu’il y a plusieurs types de mémoire :

  • les mémoires à courts termes,
  • les mémoires longs termes
  • et d’autres fonctions comme les fonctions exécutives,

Les fonctions exécutives sont des fonctions de haut niveau, que l’on sollicite quand l’environnement change.

Quand on est en situation de routine, on est en mode « pilote automatique » donc on ne les sollicite pas. Et comme ce sont des fonctions de haut niveau, elles sont assez fragiles.

Quand il y a eu opération ou irradiation d’un méningiome, c’est souvent ça qui ressort.

Après l’évaluation, on fait une analyse de ce bilan, pour essayer de trouver l’origine des difficultés : est-ce que c’est en lien avec la lésion cérébrale ? Est-ce que c’est plutôt en lien avec des troubles thymiques ? Donc de l’anxiété, de la dépression etc.

Selon ce qui ressort de l’analyse, on oriente différemment. Si l’origine est vraiment strictement organique, on peut orienter vers une rééducation ou une médiation (ça porte différents termes) :  que ce soit avec un neuropsychologue ou avec un orthophoniste.

Si cependant l’origine est plutôt d’ordre psychologique, ce qui n’enlève rien au trouble, à ce moment là l’orientation est plus vers un psychologue pour prendre en charge ces troubles d’origine psychologiques.

Où trouver un neuropsychologue et pour quel coût ?

Les neuropsychologues peuvent travailler en libéral ou à l’hôpital. Ils peuvent être en accès libre à l’hôpital, pour des patients pris en charge dans le service. En libéral, il faut compter entre 200 et 400 euros, selon la région où vous cherchez le bilan et en fonction de la complétude du bilan. Plus le bilan va être complet et poussé, plus cela va coûter cher.

Ce n’est pas pris en charge par la sécurité sociale, quand c’est en libéral. Certaines mutuelles peuvent prendre en charge, soit un certain nombre de séances, soit le bilan complet. Mais la sécurité sociale ne prend pas en charge ces bilans-là, même si le bilan est prescrit par un neurochirurgien.

Il y a un nouveau protocole de psychologues libéraux, par la sécurité sociale, mais les bilans en sont exclus.

Comment se déroule un bilan neuropsychologique ?

Sur mon activité hospitalière, il faut compter environ 1 heure ½ de bilan, avec la phase d’entretien d’une trentaine de minutes à peu près et 1 h de tests. Cela peut être plus selon les besoins. Ensuite il y a une phase d’analyse de ce bilan et moi après, à l’hôpital (mais en libéral ils font différemment) je fais la restitution par courrier. Et si besoin, les patients m’appellent ou me contactent pour qu’on discute de ce bilan-là.

Je sais qu’en libéral la restitution peut faire aussi l’objet d’un rdv, qui est souvent inclus dans le prix du bilan, et le rendu se fait en présentiel.

J’insiste aussi sur les neuropsychologues hospitaliers : ils peuvent être adressés par des neuro chirurgiens ou le patient peut exprimer la plainte et être adressé à un neuropsychologue. Ça dépend un peu du fonctionnement de chaque service.

Les orthophonistes peuvent aussi prescrire des bilans, qui sont pris en charge par la sécurité sociale.

L’ALD peut-elle intervenir dans le règlement du bilan ?

Non il n‘y a aucune prise en charge, même si on le regrette.

 Quels types de soins peut proposer le neuropsychologue sur la base de ses tests ?

Il peut proposer une remédiation des difficultés, une rééducation des difficultés.

La rééducation, c’est soit un réentraînement des fonctions qui ont été « abîmées » par l’évènement médical ou ses traitements ; soit ça va être un contournement des difficultés. Donc un réentrainement mais par le contournement pour que la compensation soit moins couteuse.

Souvent les patients se mettent à compenser d’eux-mêmes, pour contourner leurs difficultés. Mais comme ils ne connaissent pas forcément très bien le fonctionnement de leur cerveau, la compensation n’est pas toujours très efficiente. Et parfois ça dépense plus d’énergie qu’il n’en faudrait. Parfois, c’est aussi la compensation par des aides externes : parce que ça paraît tout bête, mais l’utilisation d’un agenda, par exemple pour une personne qui a passé 40 ans de sa vie sans en utiliser, ça ne va pas de soi. Donc ça va être l’apprentissage à l’utilisation d’aide externe. Mais sinon, l’idée c’est vraiment de réentraîner les fonctions.

Je m’interroge beaucoup sur la fatigue résiduelle et le sentiment de solitude que génère le méningiome.

La question est courte mais la réponse ne l’est pas.

Il faut se poser la question : depuis combien de temps cette fatigue est là. Effectivement, il peut y avoir un avant/après et la fatigue peut s’améliorer mais ne jamais récupérer au niveau antérieur. C’est effectivement une possibilité.

Après, il faut voir avec le niveau de fatigue ce qui est vraiment empêchant ou pas. Parce que c’est vrai que le fait de ne pas être comme avant, il y a forcément un temps d’adaptation mais après c’est « qu’est-ce que je ne suis plus capable de faire ? ». C’est une vaste question.

Un ostéo-méningiome peut-il provoquer des troubles de la mémoire, brouillard cérébral et déficit d’attention ? L’opération peut-elle avoir des séquelles de ce type ?

Tout est possible. Alors un neurochirurgien pourrait vous en parler mieux que moi, mais un ostéo-méningiome, comme son nom l’indique, va plutôt aller s’attaquer à l’os. Mais son développement peut aussi comprimer le cerveau et tout est possible. Le brouillard cérébral, le brouillard cognitif, cela avait été décrit les premières fois surtout dans les traitements par chimiothérapie pour les cancers. Mais c’est vrai que c’est un terme qui est assez clair et qui parle à beaucoup de monde.

Donc c’est vrai que c’est en lien avec cette fatigue parce que – bon quand je parle de fatigue, je parle de fatigue liée à un méningiome et au traitement, pas de fatigue au sens commun – quand vous êtes fatiguée, tout votre cerveau n’est pas capable de fournir les ressources pour le bon déroulement des tâches. Donc c’est-à-dire que vous allez avoir une moins bonne mémoire à court terme et si vous arrivez à moins bien mémoriser à court terme, la résolution de problèmes sera beaucoup plus compliquée. La concentration en elle-même sera plus compliquée, vous allez être plus ralentie, vous allez avoir du mal à sélectionner les bonnes informations etc. Donc ce brouillard cognitif a un effet un peu diffus dans la vie quotidienne des patient(e)s et c’est vraiment en lien avec la fatigue et les troubles de la concentration.

Normalement le brouillard cognitif, quand il est en lien avec la chimiothérapie, s’améliore à l’arrêt de la chimiothérapie. Mais dans le cas des méningiomes – alors les études ne sont pas toutes consensuelles, mais il y a certaines études qui le montrent – qu’il peut y avoir des effets cognitifs à long terme. Sans forcément parler du pire mais il y a même des cas de démence suite à la radiothérapie. Des années et des années après. Donc c’est quand même qu’il y a un effet sur le fonctionnement cérébral.

Est-ce que la non-conscientisation de la perte des facultés cognitives est une conséquence connue du méningiome opéré ?

Alors oui c’est l’anosognosie. L’anosognosie, c’est ne pas avoir conscience de ses difficultés et c’est généralement en lien avec la localisation de la lésion cérébrale. C’est plutôt une lésion frontale qui ne permet pas ce recul de s’apercevoir que l’on est en difficulté. Et il y a le pendant aussi, c’est ce qu’on appelle anosodiaphorie : on a conscience de ses difficultés mais on s’en fiche. Et ça aussi c’est en lien avec une lésion plutôt frontale. Alors pour ça il peut y avoir un travail de prise de conscience, c’est notamment ce que l’on appelle la psycho éducation. C’est-à-dire faire prendre conscience de ses difficultés pour commencer à les travailler. Parce que quand on n’a pas conscience de ses difficultés, il n’y a aucune raison de les améliorer en fait. C’est souvent à la demande des proches pour le coup, ce n’est jamais à la demande des patients. Mais oui ce n’est pas du déni comme on entend, c’est-à-dire une réaction psychologique, c’est un problème physiologique.

Y a-t-il corrélation entre tumeur cérébrale et dépression ?

Oui dans les deux sens. Il n’y a pas d’étude sur le fait qu’une dépression amène une tumeur cérébrale. Mais par contre la lésion cérébrale peut amener des syndromes dépressifs. Et là c’est assez compliqué à prendre en charge parce que soit la chirurgie améliore et lève le syndrome dépressif parce qu’il n’y a plus la lésion cérébrale en question, soit non.  Ces dépressions sont plutôt résistantes aux traitements. Ce sont des dépressions que l’on appelle organiques, et qui sont liées à des lésions cérébrales. Mais il y a beaucoup de patientes qui viennent par le service de psychiatrie en fait et qui trouvent que la dépression est plutôt atypique et qui prescrivent des examens d’imagerie et qui trouvent une lésion cérébrale à l’origine de ça.

Il y a aussi au niveau indirect : le fait d’apprendre que l’on a une tumeur cérébrale, ça peut amener un syndrome dépressif sans forcément parler de caractère organique de la dépression. Dans les tumeurs cérébrales il y a plusieurs types. C’est assez fréquent, les dépressions, chez les personnes atteintes de méningiomes. Il y a des études qui montrent que suite à une chirurgie, malgré l’amélioration des symptômes physiques, cognitifs etc. il peut s’installer un syndrome dépressif. Il y a plusieurs facteurs qui contribuent à un syndrome dépressif, qui peut être le manque de soutien social perçu, comme l’isolement de la souffrance psychique et morale.

Parce que c’est une maladie, un problème de santé qui n’est pas très connu, qui amène plutôt un handicap invisible donc qui n’amène pas non plus à la compréhension des autres. Et comme, effectivement, on dit que c’est bénin, une fois que la chirurgie est passée, les proches pensent que « c’est bon, on passe à autre chose ». Donc il peut y avoir un manque de soutien social par la famille, l’employeur aussi parce que l’employeur n’est pas mieux informé par rapport aux problématiques des méningiomes.

Sur la dépression, il y a le soutien social qui est important dans ces dépressions là et il y a aussi à quelle étape de la vie cela survient. Les méningiomes touchent plus souvent les femmes, à des âges un peu charnières, tant au niveau professionnel que de vie personnelle. C’est peu ou prou de la ménopause etc. Donc des questionnements qui peuvent se produire chez ces femmes là à cette époque-là. Il peut y avoir aussi plusieurs évènements qui se passent dans la vie et le méningiome vient précipiter un peu tout ça. Et en est aussi à l’origine parce que probablement que sans cet évènement déclencheur là, il n’y aurait pas eu de syndrome dépressif. Ça vient catalyser et déclencher un syndrome dépressif et après il est difficile de s’en sortir seule sans accompagnement psychologique.

Les anxiolytiques et anti-dépresseurs sont-ils efficaces dans ce cadre ?

Je ne suis pas médecin et je ne saurai pas juger. Je sais qu’il y a plusieurs traitements anti dépresseurs. Certains peuvent être inefficaces, et ça nécessite d’être substitué pour d’autres. Pour toute dépression – là on ne parle pas des méningiomes spécifiquement – la meilleure stratégie thérapeutique pour un épisode dépressif, ça va être à la fois un accompagnement psychologique et un traitement anti dépresseur. Si certains veulent se passer du traitement anti dépresseur, je n’ai aucun problème avec ça. Mais dans le meilleur accompagnement, il y a quand même un soutien psychologique. Les traitements anxiolytiques et anti dépresseurs seuls ne vont pas suffire.

Que peut-on faire face à l’incompréhension des proches apeurés et en colère ? Et sur les conséquences qu’ils ne préfèrent pas savoir ?

Pour l’incompréhension des proches, encore faut-il pouvoir en discuter. Parce qu’on ne peut pas poser de questions sur ce qu’on ne comprend pas et sur ce qu’on ne sait pas. Donc c’est tout un travail de dialogue entre le patient et ses proches et c’est vrai que c’est compliqué parce que réexpliquer sans se sentir jugé, sans se victimiser non plus. C’est donc très compliqué.

De plus en plus il y a des plaquettes explicatives ou des soignants sont là pour expliquer l’impact d’un méningiome et des répercussions qu’ils peuvent avoir. Il faut en discuter parce que l’incompréhension des proches – encore une fois on parle de handicap invisible, de maladie rare – donc forcément les proches ne savent pas et ne comprennent pas si on ne leur explique pas.

C’est parfois difficile car, parfois, les proches ne préfèrent ne rien savoir… Parfois ça les arrange bien de ne rien savoir, parce qu’on ne change rien par rapport à leurs demandes. Parfois je vois des patientes qui sont en difficulté parce qu’elles doivent maintenir le même niveau : gérer les enfants, gérer leur travail et toutes les contraintes, comme elles le faisaient avant le méningiome. Et la famille, effectivement, ne comprend pas qu’elle souffre mais en même temps elle continue de le faire.

J’entends que c’est difficile d’expliquer, mais parfois il y a des modèles familiaux que certains préfèrent voir maintenir et ils ne posent pas les questions. Ça dépend des personnalités des proches aussi.

Emmanuelle : Est-ce que vous avez les mêmes réactions chez des hommes qui ont des méningiomes. Est-ce que vous avez l’impression que les problématiques des uns et des autres sont les mêmes ou pas en fonction du sexe ?

Mme PLANCHON : Alors je dirai pas du tout mais parce que les rôles dans la société ne sont pas les mêmes selon le genre. On sait bien que les femmes n’ont pas les mêmes responsabilités dans la maisonnée que les hommes mais ça c’est sociétal. Et c’est pareil, culturellement, les femmes sont plutôt maternantes et donc elles vont avoir tendance à prendre soin de leur mari malade etc. Ce rôle-là n’est pas courant dans notre société actuelle pour les hommes. Donc il y a aussi le paramètre culturel qui fait ça.

 

Et l’emploi dans tout ça ?

Emmanuelle : L’employeur qui nous considère comme non fiable, voire potentiellement dangereuse, qui vous poussent à démissionner et finissent par vous licencier. Et l’incapacité d’exercer son métier de 30 ans, la reconversion professionnelle difficile avec une RQTH où la seule proposition proposée est la pension d’invalidité. Donc là on n’est plus dans le côté personnel… La femme qui s’occupe des enfants, etc. mais dans le côté professionnel

Mme PLANCHON : Là ça manque effectivement d’accompagnement par rapport à la situation vécue par cette personne. Normalement au niveau régional il y a ce que l’on appelle des UEROS Unité d’Évaluation et de réentraînement pour les Orientations Socioprofessionnelles, ce sont des structures qui prennent en charge spécifiquement des personnes qui ont des lésions cérébrales, alors pas forcément d’origine tumorale, ça peut être suite à des accidents de voiture, des AVC etc. et qui font souvent l’interface entre la médecine du travail et le patient qui a des séquelles cognitives ou cliniques de sa lésion cérébrale et peut intervenir – alors non pas dans l’entreprise parce que ça ils  n’ont pas la légitimité pour le faire ; c’est plutôt la médecine du travail – mais si jamais l’adaptation à l’emploi n’est pas possible ça va être un dialogue avec la médecine du travail pour permettre le maintien dans l’emploi parce que c’est toujours plus facile de maintenir dans l’emploi quitte à changer ou réadapter le poste etc. que chercher un nouvel emploi quand on a des difficultés. Après si ça doit passer par la recherche d’un nouvel emploi, ils peuvent aider suite à une évaluation sous toutes les coutures, il existe des programmes de formation adaptés, pour chercher un emploi adapté.

Est-ce normal de toujours avoir des angoisses malgré le suivi psychologique et avoir vraiment beaucoup de mal à s’endormir ?

Non ce n’est pas normal. Arès il faut voir quel est le suivi, quel est le travail qui est fait avec le psychologue. D’autres techniques psychothérapeutiques peuvent peut-être aider. Je pense notamment à un syndrome de stress post traumatique qui peut survenir suite à une telle expérience. C’est une expression qui dont on parle de plus en plus dans le monde médical et paramédical. Pour autant un évènement médical n’est toujours pas reconnu comme étant un facteur de stress post traumatique. J’ai rencontré un patient homme atteint de méningiome – de grade 2 je crois- et qui a développé un important trouble de stress post traumatique suite à ça. Parce que le chirurgien – alors je pense qu’il voulait le réconforter – avait jugé bon de lui dire « vous avez eu chaud » … Enfin en gros, ça a failli être beaucoup plus grave, et en fait depuis cet évènement là il vit comme si demain était le dernier jour. Il ne supporte plus la futilité du quotidien et il n’est plus du tout adapté dans son environnement social. Il ne supporte plus sa famille, etc. parce que la vie quotidienne est aussi faite de futilités. Et du coup il est complètement déconnecté.

J’aimerais savoir quelles sont les pistes à explorer pour des troubles anxieux qui se manifestent depuis ma protonthérapie : forts tremblements des jambes, notamment dans des situations de prise de paroles en public, de conflit ou des situations stressantes que je gérai parfaitement avant. De ma propre initiative j’ai fait de l’hypnose sans parvenir à maîtriser le problème, ni à en comprendre véritablement l’origine.

Il peut y avoir un sentiment de vulnérabilité lié à la survenue d’un problème de santé et son traitement. Ce qui fait que, à un moment donné, on s’est peut-être senti en difficulté. Et puis le cerveau a enregistré que, telle situation entraîne telle difficulté. Du coup il y a une répétition des symptômes anxieux alors même que c’était bien géré avant. Pour ça, les thérapie cognitivo- comportementales sont plutôt efficaces. Les TCC, par la mise en situation progressive, par différentes techniques vont permettre de se remettre en situation tout en contrôlant cette anxiété-là. Donc plus que de l’hypnose, moi ce sont plutôt des thérapies cognitivo- comportementales. Dans ce cas de figure c’est typiquement ça qui pourrait être efficace.

 

 

DIALOGUE ENTRE DES ADHÉRENTES ET MME PLANCHON

Intervention d’une adhérente : Quand je suis allée voir ma neurochir cet été, elle m’a demandé comment ça allait et moi j’ai commencé par lui dire que j’étais fatiguée, que j’avais des vertiges etc. je lui ai expliqué que j’avais un avant et un après le méningiome et que j’avais dû faire le deuil de n l’énergie que j’avais… Alors certes je vais avoir 50 ans et l’âge peut aussi expliquer mais jusqu’à présente je tenais bien la route on peut dire. Et depuis 2 ans que j’ai le méningiome, avec les 30 séances de radiothérapie, je n’ai plus jamais été la même ! Et j’ai été mise en invalidité 1, je bosse à temps partiel. J’ai essayé de bosser à temps plein et ça a été une catastrophe. Ce n’est pas que je m’écoute trop mais c’est que je ne peux plus en fait. Je ne peux faire que 1 activité par jour et donc la neurochir a balayé en disant que ça n’avait rien à voir avec le méningiome. Et que sans doute il serait bien que j’aille voir quelqu’un parce que j’étais sans doute dépressive.

Mme PLANCHON : Alors ce n’est peut-être pas le méningiome mais c’est peut-être la radiothérapie. La fatigue est quand même un effet connu de la radiothérapie, y compris des mois après… je ne sais pas de quand date cette radiothérapie ?

Adhérente : janvier 2023, donc entre 1 an ½ et 2 ans

Mme PLANCHON : donc oui il est possible que ce soit la radiothérapie qui soit en lien avec cette fatigue. Alors sans exclure le méningiome mais c’est assez connu pour ça. Après, la récupération de votre niveau d’énergie d’avant – comme vous disiez, vous en avez fait le deuil – mais après « qu’est-ce que votre niveau de fatigue vous empêche de faire ? » Visiblement c’est plein de choses puisque vous ne pouvez faire plus qu’une seule activité par jour.

Adhérente :  Oui clairement ! Moi je me lève à 11h le matin, je fais une sieste l’AM et je me couche à 21 h le soir. Du coup quand j’étais à pleins temps je ne faisais plus qu’aller travailler et dormir. Donc à 50 ans je trouve ça étonnant d’avoir la vie d’une personne âgée. Même mes parents sont plus actifs… donc…

Mme PLANCHON : vous n’êtes pas suivie par votre radiothérapeute ?

Adhérente : non parce qu’elle ne suit que les cas cancéreux et comme le mien est bénin, comme ils disent…

Mme PLANCHON : Parce que, pour le coup, un bilan hormonal serait peut-être bien aussi parce que selon le site d’irradiation, il peut y avoir un impact sur les hormones et sur votre énergie.

Adhérente : c’est effectivement une piste parce que c’était à 2 mm de l’hypophyse à priori. Donc il y a un bilan endocrinien qui est demandé chaque année. Pour celui de l’année dernière, je n’ai pas été rappelée par le radiothérapeute donc j’imagine que ça s’est bien passé. Je n’ai jamais eu les résultats de mon bilan endocrinien par exemple

Mme PLANCHON : et tes endocrinologues ne disent rien en particulier ?

Adhérente : Je n’ai vu personne ; j’ai juste fait le bilan. Il n’y a pas beaucoup de suivi une fois que les soins sont passés. J’ai senti beaucoup d’incompréhension et de « Madame, c’est sans doute que vous êtes dépressive » et « il faut vous faire soigner ». Moi je n’ai rien contre le fait de me faire soigner psychologiquement, je suis assez ouverte à ça mais quand je suis sortie du rdv, j’ai écrit sur le site AMAVEA, sur la page Facebook pour partager cette expérience et il y a eu plus de 100 réactions. Beaucoup de femmes se sont retrouvées dans le témoignage que je faisais puisque, clairement, on leur avait dit aussi que cette fatigue n’avait pas lieu d’être, qu’elle n’avait rien à voir avec le méningiome et… Après j’ai fait beaucoup de rééducation orthoptique et vestibulaire et il m’a dit que ça c’était aussi un facteur de fatigue puisque le cerveau passait son temps à refaire des mises au point.

Mme PLANCHON : Et donc c’est ça le sentiment de solitude dont vous parlez. C’est plus une solitude face au corps médical

Adhérente : oui c’est face au corps médical qui a fait son taff et qui ne voit pas notre fatigue, qui pense que c’est nous qui nous écoutons un peu trop et qui nous mettons dans un rôle de victime… Alors que je suis quelqu’un d’assez dynamique. Si j’ai besoin de me remettre en question je peux le faire. Mais c’est ce sentiment de solitude de ne pas se sentir vraiment entendu. Quand on dit qu’on est fatiguées, pouvoir l’admettre et qu’elle soit un peu rassurante au lieu de me dire « mais enfin, regardez, vous avez de la chance, votre méningiome commence à réduire ». Bon c’est une bonne nouvelle mais…

Mme PLANCHON : Les filières sont organisées différemment selon les secteurs hospitaliers donc parfois ce n’est pas une filière bien spécifique et du coup le parcours n’est pas coordonné. Mais peut-être que votre médecin traitant pourrait faire le lien entre ces différents spécialistes… Et les endocrinologues, c’était en libéral ou à l’hôpital aussi ?

Adhérente : j’ai fait à l’hôpital mais je n’ai pas vu d’endocrino. En fait j’ai juste fait un examen sanguin au labo et on m’a dit qu’on me rappellerait. Et je n’ai pas eu de nouvelles. Donc j’ai imaginé que si on ne me rappelait pas c’est que tout était ok.

Mme PLANCHON : Voyez peut-être avec votre médecin traitant pour vous adresser en consultation avec un endocrinologue hospitalier. Pour au moins avoir son avis parce que si l’hypophyse n’était pas loin il y a quand même des risques.

Autre adhérente : je voulais ajouter que j’ai été opérée d’un méningiome en 2018 et que depuis, la fatigue est là. Avec le temps il y a des périodes où on est moins fatiguées et puis il y a des périodes où arrive une belle vague de fatigue comme on n’a jamais connu avant l’opération. Et je voulais dire aussi que le neurochir pense que non… mais si c’est un fait. Et cette fatigue elle parle de solitude et c’est une fatigue que les autres ne comprennent pas vraiment parce qu’ils ne la connaissent pas. Quand on est en période de fatigue, ils ne se rendent pas compte que on peut dormir toute la journée, le lendemain on sera autant crevées. Voilà, c’est tout ce que je voulais dire !

Mme PLANCHON : Oui mais la fatigue et les troubles cognitifs, etc. ça fait partie de ce que l’on appelle les handicaps invisibles. Si on vous coupe une jambe, on ne va pas aller vous demander de courir un marathon, alors qu’effectivement, la fatigue, personne ne la voit. Et puis c’est dans le langage courant parce que tout le monde peut être plus ou moins fatigué etc. mais comme vous dites ce n’est pas la même fatigue. Les autres n’ont pas expérimenté cette fatigue là donc ils comparent par rapport à leurs références, et c’est forcément biaisé.

Emmanuelle : En tant qu’être humain on ne peut comparer que par rapport à ce que l’on connaît, à ce que l’on a vécu soi. Vous avez raison. Je le vis aussi : la fatigue que l’on ressent après être opérée n’a rien à voir avec la fatigue qu’on avait avant. Moi je compare par exemple à avant ; quand j’avais des enfants jeunes, et que j’habitais Paris, que j’allais travailler alors que les enfants n’avaient pas dormi… j’étais fatiguée mais la fatigue après avoir été opérée ça n’a rien à voir. C’est encore autre chose… C’est un cran au-dessus

Mme PLANCHON : Oui tout à fait ! c’est une fatigue cérébrale et c’est vrai que même si le méningiome n’est plus là vous subissez quand même la fatigue du méningiome parce que ce n’est pas parce que le méningiome n’est plus là que le cerveau reprend instantanément ses capacités. Et la fatigue de la chirurgie elle-même. Normalement vous récupérez dans les semaines qui suivent de la chirurgie mais c’est aussi la décompression. Autant le méningiome peut mettre des années à croître, autant la chirurgie se fait en quelques heures. Donc le cerveau n’a pas forcément le temps de se réhabituer tranquillement et il peut aussi ne pas se réhabituer. C’est-à-dire que la pression exercée par le méningiome peut avoir entraîner des dommages irréversibles.

Adhérente : Moi j’ai été opérée en février 2024 et je suis à mi-temps thérapeutique, je reste assez fatigable avec des journées où j’ai l’impression d’avoir une grosse patate et puis d’autres où je suis complètement down. Et ce que je trouve difficile d’un point de vie psychologique par rapport à mes enfants, mon mari, ma famille, c’est effectivement d’être sortie de cette situation d’avoir été opérée… Tout le monde a été aux petits soins pour moi pendant la durée qu’il fallait et c’est comme si aujourd’hui je ne me sentais plus légitime pour faire part de cette fatigue. C’est comme si… je suis désolée cela m’émeut mais je trouve que ce n’est pas évident. Je suis enseignante et j’ai repris à mi-temps thérapeutique mais pour l’instant je ne m’occupe que de la formation des enseignants et des stagiaires parce que j’ai la chance d’avoir cette casquette de formatrice ; ce qui m’évite d’être en classe. J’appréhende vraiment le moment où je vais devoir y retourner parce que j’ai l’impression que le bruit, le brouhaha. Les stimulations contribuent à augmenter la fatigue

Mme PLANCHON : Oui c’est particulièrement vrai pour les enseignants où, effectivement les ressources attentionnelles ont besoin d’être riches. Là, comme vous dites, vous pouvez faire un mi-temps avec des adultes et du coup cela se passe visiblement bien. Après l’appréhension du retour en classe est légitime… Les enseignants vous avez des congés maladie un peu particuliers… Ce mi-temps thérapeutique peut durer pendant combien de temps ?

Adhérente : il est renouvelable pendant 1 an mais je dois aller voir un médecin agréé tous les 3 mois. Alors j’espère pouvoir le renouveler pour cette année scolaire mais je suis dépendante du médecin agréé.

Mme PLANCHON : oui et c’est tous les 3 mois en plus ? Vous n’êtes pas tranquille pour toute l’année. Et après il n’y a pas un système où vous pourriez essayer, à échéance de votre mi-temps thérapeutique mettons à la rentrée prochaine en septembre… donc essayer et si jamais ça se passe mal, est-ce qu’il y a une alternative ?

Adhérente : je me suis renseignée : on peut faire une demande de reconnaissance de handicap auprès de la MDPH pour avoir un aménagement de travail qui me permettrait éventuellement de reprendre à temps plein, mais avec une casquette de formatrice, si ça se décidait par l’institution.

Mme PLANCHON : donc il y a effectivement des pistes si jamais la reprise de la classe n’est pas possible ; soit de passer un temps plein en tant que formatrice ou encore après, il y a des invalidités partielles. Je ne rappelle plus qui en parlait tout à l’heure, qui permettent de garder un temps de travail inférieur à un temps plein. Je pense que dans l’Education Nationale ça doit être possible aussi. Mais c’est vrai du coup que vous mettre la pression tous les 3 mois – à savoir si ça va être renouvelé – c’est déjà difficile à gérer alors que si on vous laissait l’année scolaire pour récupérer -, parce qu’il faut le temps pour se réadapter au travail.

Adhérente : oui il y a ça, le côté psy et nous, dans nos mi-temps thérapeutiques qui sont renouvelables, on doit faire part du renouvellement 1 mois avant la reprise donc en fait ça ne laisse que 2 mois à chaque fois pour se questionner, savoir si on est capable ou pas.

Mme PLANCHON : Oui tout à fait et puis ça met la pression. Et l’aspect psychologique n’est pas anodin non plus. Parce que ça renforce la culpabilité. C’est ce que vous disiez tout à l’heure, que vous ne vous sentiez plus légitime pour solliciter de l’aide et de l’empathie de vos proches face à vos difficultés. Pour autant les difficultés sont toujours là, elles ne s’en vont pas du jour au lendemain. Ce sont des processus qui sont lents. Le cerveau c’est un organe qui est très lent. Par exemple, suite à une chirurgie il faut compter pas moins de 2 ans pour récupérer donc.

La plasticité cérébrale c’est un processus qui est long donc il faut prendre le temps… Et c’est vrai que si, pendant cette période de récupération, on ajoute des évènements comme des troubles anxieux, de la fatigue, etc. le cerveau ne peut pas récupérer au maximum. Donc ça peut, du coup, être plus lent.

Autre adhérente : en fait je pense que la fatigue est dû à une fatigue cognitive. A partir du moment où on n’a pas retrouvé son fonctionnement cognitif d’avant … Alors moi avant je ne sais plus de quand ça date car j’ai eu un gros méningiome qui a été détecté très tardivement donc cela faisait des années que j’étais fatiguée. On fait des efforts surhumains pour compenser, pour s’adapter, pour réussir à faire ce que l’on faisait facilement avant et du coup, c’est épuisant. C’est éprouvant. Donc c’était ma remarque. Et ma question c’est : du coup on me l’a évalué, on l’a constaté parce que je me disais « ce n’est pas possible, je ne fonctionne pas comme avant ». Je l’ai fait constater par un bilan neuropsy qui l’a confirmé et du coup on m’a prescrit des séances d’orthophonie que je n’ai pas encore commencé. Ça fait 3 ans que j’ai été opérée et des années sans doute que je me traînais avec ce méningiome. Est-ce que la plasticité cérébrale, après 3 ans à plus de 60 ans – j’ai 62 ans, ça se retrouve ? Y a-t-il de l’espoir ? Les séances d’orthophonie sont-elles efficaces ?

Mme PLANCHON : La plasticité cérébrale ne s’arrête que lorsqu’on est mort. Le cerveau est plastique, parce que le processus d’apprentissage, c’est de la plasticité cérébrale. Donc tant que vous continuez à apprendre des choses, c’est que votre cerveau est plastique. C’est sûr que la marge de récupération de l’évènement médical – plus on s’éloigne de l’épisode, plus c’est mince – mais ça ne veut pas dire que c’est nul. C’est-à-dire que « oui » les séances d’orthophonie vont peut-être permettre, comme vous disiez tout à l’heure, de vous concentrer et d’être moins fatiguée pour faire les mêmes tâches. Parce que comme je le disais tout à l’heure, parfois les patients, comme ils ne connaissent pas le fonctionnement du cerveau – ce qui est normal- essaient de compenser mais ce n’est pas une compensation très efficiente ce qui fait qu’elle est très couteuse sur le plan énergétique. Donc ça peut être déjà par rapport à ça, rendre les tâches moins couteuses en vous apprenant à mieux compenser. Donc ça c’est déjà de la plasticité cérébrale parce que dès lors que vous changez vos comportements, c’est que votre cerveau intègre et apprend ça. Mais après oui vous pouvez tout à fait retravailler avec notamment – je pense à la mémoire du travail parce que vous la citez – oui vous pouvez récupérer. Cela ne veut pas dire que vous allez récupérer le niveau d’avant mais l’idée est de récupérer à un niveau qui soit acceptable pour vous.

Autre adhérente : ça s’est fait mais au prix d’une concentration qui est elle-même épuisante

Mme PLANCHON : oui c’est ça ! Donc le travail va être de réduire le coût de ces tâches-là.

Autre adhérente : Et donc pour rebondir sur la fatigue, je pense qu’une partie de notre fatigue est liée à ça. On a souvent des processus cognitifs qui sont un peu altérés. Notamment dans les fonctions de communication comme parler, pour celles qui reprennent le travail, et que du coup on est épuisées.

Mme PLANCHON : Oui tout à fait. Et après, parfois, c’est une même tâche va vous demander plus d’effort donc, en fait, vous allez vider vos batteries plus vite qu’avant ou par rapport aux autres ou alors vous avez un ralentissement – vous réfléchissez moins vite etc., et du coup pour accomplir la même tâche, au lieu d’y passer 30 mn pour aller y passer ¾ d’heure. Donc vous allez être forcément fatiguée. Et si vous comparez par rapport à la tâche, vous allez être plus fatiguée pour faire les mêmes choses. Mais fatigue, fatigue cognitive etc. moi en tout cas je les mets un peu dans la même définition. C’est de toute façon le cerveau qui sous tend tout cela. Mais oui n vous pouvez aller voir une orthophoniste. C’est fatiguant parce que c’est contraignant et que ça demande de l’énergie mais je pense que vous pouvez gagner sur certains aspects

Emmanuelle : et pour les orthophonistes c’est peut-être bien de dire qu’il faut qu’ils soient spécialisés en neuro parce qu’ils ne le sont pas tous.

Mme PLANCHON : oui tout à fait. Alors il y a toute une frange d’orthophonistes qui ne s’adressent qu’aux enfants donc ça, elles vous le disent d’emblée. Après c’est délicat parce que soit elles savent faire et elles prennent les patients, soit elles ne savent pas faire et elles le disent d’emblée. Mais c’est vrai qu’il faut préciser lors de la prise de rdv, lors de la recherche d’orthophoniste que vous souhaitez avoir une rééducation dite neuro

Emmanuelle : oui moi je le précise parce que c’était compliqué. Je devais apprendre à reparler de façon totale. Mais la première orthophoniste m’avait prise alors qu’en neuro elle n’y connaissait rien et ça m’a fait perdre du temps.

Mme PLANCHON : c’est qu’elle n’aurait pas dû accepter. Et là je vois un message dans le tchat : « je me suis sentie infantiliser ». Alors oui c’est parfois un peu le biais des orthophonistes. Elles ont l’habitude de travailler avec les enfants et c’est vrai que de faire ce travail de rééducation mais avec du matériel d’adulte et en ayant un comportement face à un adulte, elles ne sont toutes pas capables de faire ça. Et souvent ce sont des exercices qui peuvent vite paraître scolaires donc il faut que le praticien soit très vigilant sur cet aspect d’infantilisation. Parce que vous ne retournez pas à l’école. L’idée c’est de travailler des fonctions qui ont été altérées à cause d’une lésion, d’un traitement ou de quoi que ce soit mais vous ne retournez pas à l’école

 

LE TSUNAMI ET L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS

 

Comment faire face psychologiquement face à un tel tsunami dans sa vie et à cette épée de Damoclès ? Même mon médecin généraliste, de façon tout à fait involontaire peut avoir des paroles très perturbantes qui me démolissent pendant 10 jours. Par exemple « on ne peut pas enlever l’anti épileptique parce qu’il reste de la tumeur », élément que mon neurochirurgien ne l’a jamais confirmé. Essayer de se rattraper quand il a vu mon visage décomposé : « mais il en reste de toute façon » ou alors « je n’ai jamais vu une tumeur si importante ». Pour ma part je me fais aider par une psychothérapeute, c’est une psychologue spécialisée TCC pour m’aider à faire face. Je fais aussi du sport car j’ai la chance de pouvoir en faire malgré une déficience du champs visuel et l’épilepsie bien contrôlée à ce stade.

Pour la gestion du traitement anti épileptique il faut voir un neurologue. S’il y a un souhait d’arrêt, s’il y a une question pour arrêter le traitement anti épileptique il n’y a qu’un neurologue qui peut prendre cette décision là ; ou un neuro chirurgien mais ce n’est certainement pas le médecin généraliste. Il peut être de nature plus précautionneuse et dire que non, tant qu’il en reste… Après son raisonnement se comprend. Ça se comprend tout à fait et je ne critique pas du tout mais il faut voir le spécialiste en question. S’il y a des questions par rapport à l’arrêt du traitement anti épileptique, il faut voir un neurologue. Qui procédera à un encéphalogramme (EEG), qui verra s’il y a besoin de poursuivre ou pas. Ou directement aussi avec le neurochirurgien. Donc moi pour le traitement anti épileptique, je serai plutôt d’avis de voir avec le spécialiste.

Concernant l’épée de Damoclès : avec le risque de récidive, et donc de nouvelles interventions, cette expression est souvent employée par les patients. Les méningiomes sont généralement à croissance lente – après, certains échappent à cette règle là mais c’est généralement de croissance lente – et une fois qu’il a été découvert et traité, il est surveillé de plus ou moins près.

Vivre avec ce risque de récidive là et avec cette surveillance-là, peut-être même à vie, ça s’apprend. Et effectivement cela ne s’apprend pas seul. Je pense que c’est très bien de voir un psychologue pour justement apprendre à gérer cette surveillance là et ce risque de récidive qui finalement après – c’est pareil, le risque de récidive n’est pas le même selon l’agressivité du méningiome, selon le volume du résidu, selon tout un tas de facteurs – mais d’en discuter déjà avec le neurochirurgien et de bénéficier d’un soutien psychologique pour apprendre à gérer ça, ça me paraît tout à fait adapté.

C’est un processus qui est long. Mais oui c’est un évènement qui bouleverse, d’où le terme de « tsunami » qui est tout à fait bien trouvé. Il y avait une journaliste américaine je crois – en Californie ils ont toujours peur du Big One, le tremblement de terre qu’ils attendent tous avec la faille – et en fait elle avait comparé le diagnostic, l’opération etc. de son méningiome au Big One justement parce que sa vie n’a plus du tout été la même après

Emmanuelle : oui c’est très intéressant ça. Ça nous change des mots « bénin » « pas grave » utilisés en France… Les « on s’en sort très bien » … Tous ces mots que l’on entend toujours.

Après c’est toujours pareil, il y a des gens qui, de l’extérieur, sont très contents de leur travail, parce que, eux, d’un point de vie objectif, ont bien travaillé : il ne reste pas grand-chose, le patient présente peu de séquelles visibles etc. Donc ils ont un objet de satisfaction.

Mais, en tant que soignants, nous ne sommes pas dans la tête des patients qui subissent la fatigue, qui subissent parfois le moral dans les chaussettes et ça, effectivement, il n’y a que le patient lui-même qui peut le vivre et le subir. Je ne dis pas qu’il faut s’en contenter mais ça explique ce décalage entre l’extérieur et le vécu du patient.