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Fin du témoignage de Corinne : “Savourer l’instant présent”

Les semaines qui ont suivi ma séance de radiochirurgie, j’ai eu des maux de tête, plus intenses, avec cette sensation que ma tête était comprimée et qu’elle allait imploser. Je ressens aussi toujours cette douleur à l’œil comme un pieux qui tourne dans mon crâne.

La fatigue aussi, est encore présente deux semaines après.

Mes proches s’inquiètent de savoir comment je vais.  Je me contente de leur répondre sur le plan physique… Je garde pour moi cette profonde solitude qui s’accroche à moi depuis tous ces mois. Souvent je la comble en écoutant de la musique, et en faisant des activités d’ancrage comme du coloriage, des mandalas, du dessin. Parfois cette solitude me fait mal… autant que mes céphalées. Il y a dix mois, ma vie a basculé, rien ne sera plus comme avant.  Malgré tout, ma petite famille semble arriver à traverser tout cela et c’est tant mieux. Mes fils réussissent leurs examens avec brio et mon aîné enchaîne avec le permis de conduire.

La résilience…

Il me faut du temps pour trouver l’équilibre, et profiter des jours avec et accepter les jours sans. Plutôt que de fatigue je préfère parler de fatigabilité : il me coûte de me concentrer et je n’y arrive que sur des temps courts.

Plusieurs choses vont m’aider à reprendre les rênes de ma vie : la sophrologie en groupe, mes séances chez la psychologue et le yoga. La sophrologie va m’aider à gérer les douleurs et me permettre de me réapproprier ma tête devenue terrain de jeux du corps médical… me laver les cheveux était devenu un moment désagréable, au point où il m’a fallu plus de deux mois avant de pouvoir retourner chez le coiffeur. 

Me promener avec mon chien m’a fait du bien et m’a réappris à savoir prendre le temps. Apprendre à s’écouter et savoir remettre à plus tard en cas de crise migraineuse.

Mon odorat disparaît quasi totalement. Il me reste un éventuel sursaut sensoriel quand je passe à côté d’un tas de lisier… ce n’est malheureusement pas l’odeur que je préfère !

L’odorat est plus présent dans la vie que nous ne pourrions l’imaginer… je vais parfois laisser brûler les plats car je ne sens pas…. Il ne me reste que le visuel (mais pas évident de rester plantée devant sa cuisinière) et l’ouïe pour entendre crépiter….

Moi qui aime les fleurs et surtout leur parfum je n’éprouve pas le plaisir du bouquet de muguet ou de pivoine dans la maison. Je ne peux m’empêcher de mettre littéralement mon nez dans mon lilas quand je passe à côté comme pour me faire un shoot olfactif…

L’odorat c’est aussi savoir quand vous sentez la sueur et socialement ne plus gérer cela m’angoisse….

Petit à petit je reprends une vie “agréable “.

Des jours avec et des jours sans…. Mais, même les jours “avec”, il y a toujours quelqu’un ou quelque chose qui me rappelle la présence de ce Khéops. Par exemple quand je vais à la parfumerie et que la vendeuse me propose d’essayer le dernier parfum sorti de ma marque préférée….

 

Vivre avec Khéops c’est aussi vivre avec la migraine, que les deux soient liés ou pas, il me faut les apprivoiser, et faire avec leurs conséquences comme la fatigabilité, la photosensibilité ou la misophonie. Je choisis le moment où je fais mes courses et c’est souvent avec des bouchons d’oreille ou des écouteurs qui diffusent ma playlist spéciale “maux de tête”. Je préfère aussi parfois refuser une invitation où alors je réduis le temps pour n’en garder que le plaisir de l’instant.

Je n’arrive pas à faire le deuil de mon odorat, la radiochirurgie devait permettre de le préserver… le traitement ne fait peut-être pas encore effet et le méningiome a encore grossi envahissant mon autre gouttière olfactive.  Le neurochirurgien m’avait expliqué à l’époque que la radiothérapie agissait dans le temps et qu’il était possible que la tumeur évolue encore quelques mois avant que les rayons ne la stabilisent, puis espérons, la fasse diminuer. Du coup je garde l’espoir que mon odorat reviendra.

 

Un an après me revoilà dans ce tunnel d’IRM… Le stress… Je pense que cet examen ne cessera jamais de m’angoisser autant, il est lié à l’annonce du méningiome et au tsunami qui s’ensuit. Mais cette fois-ci je gère mieux grâce à la sophrologie.

Et là… bonne nouvelle, mieux qu’espéré, le méningiome a diminué de volume. Difficile pour moi de réaliser.  C’est la réaction de mes fils et de mon mari qui vont me faire prendre conscience de cette réalité. Je comprends alors que même si pour eux la vie avait repris comme si de rien n’était (et tant mieux) …ils n’avaient pas pour autant effacé cela….

Au travail, par contre cela semble “effacé” de la mémoire des collègues… Je suis face à mes limites et je reste la seule réellement qui puisse faire en sorte de me préserver autant que possible, et cela implique de savoir dire “non” malgré la pression du travail. C’est pour moi alors, un retour dans ces moments de profonde solitude, solitude qui vous déchire de l’intérieur…

Quelques semaines après mon contrôle d’IRM, je revois le neurochirurgien qui m’explique que, oui nous pouvons être satisfait du résultat et que l’œdème réactionnel n’est pas aussi important qu’il pouvait le craindre et qu’apparemment mon cerveau le tolère bien, et il semble que l’épée de Damoclès “épilepsie” reste à bonne distance. La radiologue avait laissé le doute sur la raison de ma perte d’odorat : à cause du méningiome ou de la radiothérapie ? Avec la présence de cet œdème cérébral, il m’est alors possible de continuer d’espérer que mon odorat puisse revenir.

 Et c’est effectivement le cas au printemps suivant : un an et demi après la radiochirurgie, je peux sentir le parfum des fleurs, pas comme avant, mais en “shoot”. Mon odorat revient doucement, même si je ne sens pas encore l’odeur de mon parfum. Mon odorat me déstabilise parfois avec des odeurs inexistantes ou en décalé dans le temps… mais il revient !

Je ne regrette pas le choix de la radiochirurgie même si je pouvais éviter d’avoir à revivre cela. Il faut du temps pour constater les effets de ce traitement. Cela implique un travail sur soi pour accepter de “garder ce truc” dans le crâne et d’en faire une partie de soi comme n’importe quelle autre cicatrice même si celle-là ne se voit pas de l’extérieur.

Je ne vois plus les choses de la même manière et ce que j’ai dû faire pour sortir la tête hors de l’eau comme la pratique de la sophrologie et du yoga me sont utiles aujourd’hui pour mieux appréhender les difficultés du quotidien et ne pas me laisser envahir par l’angoisse au travail par exemple ou par la survenue d’une énième crise migraineuse.

Savourer l’instant présent c’est comme cela que je peux trouver le bonheur, ces instants où j’oublie que ma tête est une pyramide qui abrite une momie…. Mais quelle pyramide : Khéops est la première des sept merveilles du monde de l’antiquité, et vu comment ma tête a su surmonter tout cela, elle mérite bien cette comparaison !

Lire les épisodes précédents :

1er témoignage :  https://amavea.org/lannonce-un-tsunami/

2ème témoignage : https://amavea.org/apres-le-tsunami-de-lannonce-langoisse-de-lattente/

3ème témoignage : https://amavea.org/il-faut-le-traiter/