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Véronique, un méningiome de la faux du cerveau, opérée avec ischémie frontale (un AVC) en phase de réveil

Quand on m’a annoncé en novembre 2020 que j’avais un méningiome de 4,5 cm dans la faux du cerveau, j’étais loin d’imaginer que moins d’un an plus tard je me réveillerais en salle de réanimation, totalement paralysée.

Au moment de l’annonce, je l’ai pris plutôt cool, peut-être étais-je dans le déni… Il faut dire que j’avais fait cet examen (un petscan) pour une autre raison : suite à un cancer du sein en 2018, on voulait en savoir plus sur une lésion suspecte repérée sur une vertèbre. Aux vertèbres c’était bénin, donc j’étais soulagée. Alors le reste… Pourtant la figure grave du médecin qui me l’annonçait aurait dû m’alerter.

Mes proches étaient plus inquiets que moi. J’ai rencontré une neurologue, fait des IRM, c’est là qu’on a vu qu’un œdème péri-lésionnel grossissait dangereusement. Rdv en urgence avec un neurochirurgien qui décide d’intervenir le mois suivant. Tout cela nous mène à l’été 2021.

En fait je n’avais aucun symptôme physique. C’est avec le recul que j’ai compris que toutes mes difficultés à me concentrer (qui étaient devenues sources d’erreur dans mes tâches professionnelles et m’angoissaient terriblement) étaient imputables au méningiome.

Je travaillais comme hôtesse dans un club de loisirs. Tous les soirs on faisait les comptes de la journée, et c’était devenu mon cauchemar. Le temps que j’ai passé à recompter, à aligner des chiffres, à vérifier les espèces, il y avait toujours une erreur, je devenais folle. C’est comme si une partie inconnue de moi-même me jouait des tours. Je me trouvais nulle, je culpabilisais, je savais que j’étais observée et critiquée probablement par des collègues.

J’ai été opérée fin août 2021. Le chirurgien m’avait avertie qu’on me garderait 24 heures en surveillance intensive avant de m’envoyer dans ma chambre pour une semaine tout au plus. Mais j’ai fait une ischémie frontale (un AVC) en phase de réveil, des suites de l’acte chirurgical. Le méningiome et l’œdème étaient sur une grosse veine. C’était un risque mais à aucun moment le chirurgien ne m’avait parlé des conséquences potentielles de l’intervention.

Je me réveille donc tétraplégique. Impossible de bouger, je suis enfermée dans mon corps, seules mes mains peuvent mollement serrer d’autres doigts. Je pense maintenant que j’ai occulté le moment où j’ai découvert mon état, car impossible de m’en souvenir. Mon inconscient a mis en place une stratégie de protection. Une amnésie post-traumatique.

Les premières nuits, je ne dors pas. La salle de réa ressemble à un bocal, tout est vitré, le personnel peut intervenir à tout moment si besoin. J’observais la vie de l’équipe de nuit. J’y suis restée 8 jours. J’ai une sonde, une perfusion, un cathéter dans le cou. Puis on me monte dans ma chambre. On va me chercher un matelas anti-escarres.

Être paralysée c’est toute une vie qui bascule. On devient dépendant pour tout : on me nourrit ; des aides-soignants hommes en réa me manipulent pour faire ma toilette, lavent et essuient mes parties intimes. J’ai honte, c’est un choc.

 

Peu à peu mon corps se remobilise, mais je reste des semaines sans pouvoir me lever.

Une nuit je bascule de mon lit en essayant de m’arranger un coussin. Je crie une heure sur le sol incapable de bouger, avant que les infirmières viennent à mon secours.

Après un mois d’’hôpital, je pars un mois dans un établissement de récupération. Je retrouve peu à peu mon autonomie, mais je me déplace en déambulateur. Un kiné me fait travailler tous les jours. Je n’ai pas retrouvé mes fonctions urinaires, j’ai toujours peur de me faire pipi dessus.

Puis c’est le retour chez moi, mon compagnon m’y attend, j’arrive en ambulance. Il a acheté une chaise de douche, et loué un déambulateur pour me soulager au cas où, car ma marche reste incertaine.

Je fais encore un mois en hôpital de jour, où je me rends tous les après-midis en taxi pour faire de l’ergothérapie et de la kiné. Je suis aussi suivie par un neuro-psy, qui m’aide à identifier les séquelles laissées dans mes fonctions cognitives (mémoire immédiate, grande fatigue à la concentration, attention diminuée, difficulté à argumenter et développer un discours).

Puis on arrive à Noël.

Pendant toute cette épreuve j’ai eu la chance d’être magnifiquement entourée par ma famille et mes amis. Mon compagnon a été très présent et dévoué.

Plus d’un an plus tard, à l’heure où j’écris ce témoignage, je n’ai pas récupéré la totalité de mes capacités motrices (comme courir, sauter, m’asseoir par terre, écrire, conduire…) et de mes fonctions cognitives (fatigue à la concentration, mémoire récente défaillante, argumentation difficile…) Je n’ai pas repris la conduite. J’ai des problèmes d’équilibre. Mon bassin n’a pas retrouvé sa souplesse. La longue immobilisation a entraîné une fonte musculaire importante, engendrant des douleurs cervicales et dorsales, j’ai une taille épaissie par la graisse abdominale. J’ai perdu en dextérité des doigts. Mes sphincters ne sont pas revenus à la normale. Des menues misères invisibles au regard des autres, mais qui me rendent certains gestes du quotidien pénibles.

J’ai été reconnue inapte au travail en août 2022 et licenciée. Mon reclassement n’a pas été possible. Je touche une pension d’invalidité.

J’ai fait une cure de 3 semaines à Lamalou Les Bains en septembre 2022. Il faut attendre deux à trois mois pour voir les effets. J’y retourne l’année prochaine.

J’adorais danser autrefois. Mais mes jambes et mes pieds n’ont plus le ressort suffisant. J’ai décidé de m’inscrire à un cours de danses de salon malgré tout, je vais essayer de remobiliser mon corps.

Ma vie a totalement changé depuis l’opération. Je ne travaille plus, je n’ai plus de vie sociale, mes loisirs sont très limités, je suis devenue dépendante. Quelque chose s’est cassé en moi. Je n’éprouve plus de joie.

 

J’ai appris incidemment pendant la cure en discutant avec une femme, les effets indésirables des médicaments tels que le Lutényl, dont les méningiomes. J’ai eu un choc. Il y avait donc une explication à mon méningiome ! Quand on me l’a découvert, les médecins m’avaient dit qu’on ne pouvait pas le dater, que je vivais avec lui peut-être depuis des années.

Je me suis souvenue que j’avais pris du Lutényl en préménopause pendant deux ans environs, pour réguler mes cycles. Entre 49 et 51 ans. J’en ai 59. 57 quand le méningiome a été découvert.

Pourquoi les neurologues et neurochirurgiens ne m’ont rien dit, ne m’ont pas questionnée sur mes traitements passés ? Ce sujet n’a pas été évoqué. Ils l’ignoraient ? Comment est-ce possible que des médecins spécialisés dans le cerveau ne soient pas informés du lien entre méningiome et certains médicaments hormonaux ?!! Et les gynécologues ?

J’attends que cette affaire sanitaire soit connue du grand public. Que nos témoignages à toutes servent à retirer ces médicaments du marché.

Il faut réaliser le coût humain et financier des conséquences de ce médicament pour la société. Les congés maladie ALD, les opérations et hospitalisations, les séances de rééducation, les taxis VSL, ce sont des frais colossaux pour la sécurité sociale. Sans compter les pertes infligées à l’entreprise qui nous emploie si on est salariée. Et si on est à son propre compte, c’est une catastrophe.

Les dégâts humains et psychologiques eux, ne sont pas quantifiables.

Pour moi il y aura toujours un avant août 2021.

Véronique

octobre 2022