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SOCIETE FRANCAISE DE RADIOLOGIE ET D’IMAGERIE MEDICALE : Méningiome et progestatifs

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Introduit en 2018 pour l’acétate de cyprotérone (Androcur®) puis en 2020 pour l’acétate de chlormadinone (Lutéran®) et pour l’acétate de nomégestrol (Lutényl®), le dépistage de méningiome par IRM cérébrale chez les patients exposés aux progestatifs fait partie des demandes d’imagerie auxquelles les radiologues sont confrontés au quotidien. Nous reviendrons ici sur la littérature à l’origine de ce dépistage, ses modalités pratiques, le type de tumeurs découvertes et leur prise en charge.

Les traitements progestatifs ont une activité antiandrogénique et progestative avec des indications encadrées (hirsutisme sévère, endométriose, syndrome des ovaires polykystiques…). Deux études épidémiologiques françaises1,2 ont été menées à partir du Système National des Données de Santé en identifiant les utilisateurs de progestatifs et les patients opérés d’un méningiome intracrânien. Ces études rapportaient un risque accru de survenue de méningiomes lié : 1/ au progestatif reçu (plus important chez les utilisateurs d’Androcur® que de Lutényl®/Lutéran®), 2/ à la dose et à la durée d’exposition au traitement et 3/ à l’âge des patients. Ces observations sont à l’origine du dépistage systématique de méningiome mis en place par l’Agence Nationale de Santé et du Médicament.

En dehors des patients symptomatiques chez lesquels une imagerie cérébrale devra toujours être réalisée quelle que soit l’exposition hormonale, le dépistage des patients asymptomatiques est organisé comme suit:

  • Pour l’Androcur®, une IRM cérébrale est systématiquement requise avant l’initiation du traitement (la présence d’un méningiome contrindiquant ce dernier). Puis, si le traitement est poursuivi, la surveillance comprendra une IRM cérébrale à 5 ans puis tous les 2 ans si l’IRM à 5 ans est normale. Les traitements « microdosés » en acétate de cyprotérone – comme Diane35® – ne présentent pas de surrisque de méningiome et sont par conséquents exclus du dépistage.
  • Pour le Lutényl®/Lutéran®, une IRM cérébrale ne sera réalisée avant le début du traitement qu’en cas de facteurs de risque spécifique (radiothérapie cérébrale dans l’enfance ou neurofibromatose de type 2). Par la suite, si le traitement est poursuivi et ce quel que soit les facteurs de risque du patient, la surveillance comprendra une IRM à 1 an, puis à 5 ans puis tous les 2 ans si l’IRM à 5 ans est normale.

Chez les patients ayant arrêté le traitement progestatif – quel qu’il soit – et ne présentant pas de symptômes, il n’est pas recommandé de réaliser une imagerie cérébrale.

Concernant les modalités du dépistage, l’imagerie privilégiée est l’IRM cérébrale avec injection de gadolinium compte tenu de l’absence de rayonnement ionisant et de l’analyse plus fine des structures extra-axiales qu’elle permet. Fort de l’expérience de notre centre, nous proposons un protocole d’exploration rapide consistant en une injection d’agent de contraste gadoliné en cabine, puis la réalisation d’une séquence T2 FLAIR et 3D T13. Compte tenu de la petite taille des méningiomes découverts dans le cadre du dépistage systématique, nous conseillons de privilégier les séquences en écho de spin avec saturation du signal de la graisse plutôt que l’écho de gradient. Ainsi, vous sensibiliserez votre examen en particulier à proximité des structures veineuses. D’autres séquences compléteront le protocole, selon les symptômes rapportés par les patients.

Les méningiomes associés aux progestatifs diffèrent peu des méningiomes découverts en population générale. Il s’agit de tumeurs extra-axiales à base d’implantation dure-mérienne fortement rehaussées par le contraste, parfois associée à une hyperostose en regard. Toutefois, les tumeurs asymptomatiques dépistés en cas d’exposition aux progestatifs sont souvent multiples et de petites taille3. Une attention particulière devra être portée à la base du crâne où de petites tumeurs peuvent devenir rapidement symptomatiques, en particulier à proximité des foramens nerveux. Lorsqu’un méningiome est découvert chez un patient exposé aux progestatifs, il convient d’adresser le patient en neurochirurgie pour un avis spécialisé. Ces tumeurs étant pour la plupart hormono-dépendantes, la suspension du progestatif induit dans la majorité des cas une stabilité ou une décroissance volumique spontanée (cf. image), ce qui permet de sursoir à un traitement invasif3,4. Le rythme de surveillance de cette décroissance n’est pas consensuel et sera adapté au cas par cas.

Références

1.  Weill, A. et al. Use of high dose cyproterone acetate and risk of intracranial meningioma in women: cohort study. BMJ 37, 1–13 (2021).

2.  Hoisnard, L. et al. Risk of intracranial meningioma with three potent progestogens: A population‐based case–control study. Euro J of Neurology ene.15423 (2022) doi:10.1111/ene.15423.

3.  Samoyeau, T. et al. Meningioma in patients exposed to progestin drugs: results from a real-life screening program. J Neurooncol 160, 127–136 (2022).

4.  Malaize, H. et al. Evolution of the neurosurgical management of progestin‐associated meningiomas: a 23-year single‐center experience. J Neurooncol 152, 279–288 (2021).

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Décroissance spontanée d’un méningiome après interruption de l’exposition à l’acétate de cyprotérone chez une patiente de 28 ans, asymptomatique, exposée pendant 5 ans à l’Androcur®. Séquences 3D T1 avec injection de gadolinium.

 

Dr. Thomas Samoyeau, Université Paris Cité
Pr. Johan Pallud, Service de Neurochirurgie, GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences
Dr. Corentin Provost, Service d’imagerie Diagnostique et Thérapeutique, GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences
Pr. Catherine Oppenheim, Service d’imagerie Diagnostique et Thérapeutique, GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences
Dr. Joseph Benzakoun, Service d’imagerie Diagnostique et Thérapeutique, GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences