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Marguerite – 36 ans- 2 méningiomes – 10 ans d’Androcur et Lutéran

Androcur

Marguerite – 36 ans- 2 méningiomes- 10 ans d’Androcur et Lutéran

“J’ai promis à Emmanuelle depuis février dernier de raconter mon parcours, mais c’est si difficile de revenir sur tous ces évènements qui se sont enchainés, sans pleurer ou être déprimée.
Je dois bien ça à Emmanuelle, qui a toujours été là, et c’est vrai que mon histoire est à la fois pas banale, et à la fois représentative de ce que beaucoup ont vécu, et si je peux aider, alors allons-y. Mais Emmanuelle, c’est vraiment pour vous, parce que nous n’avons pas que la tumeur en commun (c’est vous qui le dites !) mais aussi notre amour de notre pays, la Normandie, et un raccourcissement de nos prénoms dans l’enfance (elle Manou, et moi Margot).

J’ai pris ces foutus traitements pour de l’endométriose, Androcur, et Lutéran  à coup sûr, et d’autres peut-être aussi, je ne sais pas.  Je n’ai pas d’enfants, et comme je vivais avec une femme, je n’avais pas besoin de méthode contraceptive. Mais je ne le disais pas aux médecins, et quand les gynécologues me disaient «ca vous sert aussi de contraception », je ne répondais rien.  Ma compagne a voulu partir au Japon, pour son travail, en 2014, et je l’ai suivie. Elle connaissait la langue, pas moi, et ça n’a pas été simple.  On croit parfois que l’amour peut tout faire accepter, passons. Je continuais à prendre mes traitements là-bas Je n’avais plus mes règles, et donc beaucoup moins de douleurs. Ca a duré 10 ans ces traitements à peu prés

J’ai commencé à devenir irritable, avec souvent mal à la tête, je mettais ça sur le fait que je m’intégrais assez mal, et que mon amie trouvait que je ne faisais pas assez d’efforts pour parler correctement le japonais. J’essayais, mais je n’y arrivais pas. En fait, j’ai sombré sans m’en rendre compte vraiment, je trouvais toujours une explication rationnelle à ce qui se passait. Et puis j’ai fait tomber des objets, et là ma compagne s’est arrangée pour que je passe une imagerie du cerveau. C’est tombé juste avant que je rentre en France retrouver mes parents, comme souvent l’été.

J’ai repassé une IRM en France, j’avais bien 2 méningiomes, j’ai cherché « méningiomes » sur Facebook et suis tombée sur l’association. Ma mère avait déjà trouvé un neurochirurgien pour moi, et tout s’est enchainé vite, trop vite. J’avais bien eu l’information par l’association que les méningiomes pouvaient arrêter de grossir avec l’arrêt du traitement, mais le neurochirurgien vu n’y croyait pas, et ma mère avait peur et voulait que je sois opérée vite avant d’avoir plus de problèmes. Comme j’aurais beaucoup de choses méchantes à dire sur ce neurochirurgien, je ne dirai pas son nom ni l’hôpital. Je n’ai pas eu la chance d’Emmanuelle, c’est sûr.

Et moi voilà partie dans un engrenage infernal : opération, et tout ce qui va avec.
Sans compter que j’ai HORREUR des hôpitaux !  Sportive, non fumeuse, 36 ans, ne buvant jamais d’alcool, je faisais tout pour retarder un problème de santé possible, et pourtant j’ai été mise par terre. J’ai cru que j’allais mourir. C’est terrifiant. Être mis face à ce qu’on croit être sa fin, ça change la perception de tout. Je n’arrêtais pas de prier alors que je ne suis pas croyante, quelle ironie. On en fait pas que des choses logiques dans la vie.

C’est le chaos et l’incertitude complète. C’est flippant tous ces trucs dans la tête. J’étais un zombie, j’avais 90 ans, et des personnes de 90 ans sont plus en forme que moi ! J’ai continué à lâcher des objets, à avoir de tremblements et des fourmis partout, à ne plus pouvoir me concentrer pendant des mois. Ah oui, et puis m’arrêter au milieu des phrases en en sachant plus ce que j’allais dire. Et ces suées la nuit. Et fatiguée tout le temps, tellement fatiguée. Commencer à avoir un cerveau moins embrumé à midi, quand on s’est levée à 9h. Faire une sieste, pour ne pas s’effondrer le soir à 20h. Et je me réveille toujours au moins 2 fois par nuit.

J’ai été dans un corps que je ne connaissais pas, qu’il fallait que j’apprenne à connaitre. Un cerveau qui ne fonctionne pas, c’est le pire qui puisse arriver. Donc on mange, on se lave, on dort, c ‘est tout. En fait, on meurt et il faut revivre avec la nouvelle personne qu’on est devenue. Mais oui, moi je suis morte, et personne ne s’en rend compte ! Ah si, ma compagne s’en rend compte, et je sais qu’entre nous, c’est fini. Que serais-je sans mes parents, ma mère surtout.

Je regrette les choix faits avant, mais je ne peux plus les changer. Je regrette que les gynécologues ne se posent pas plus de questions quand ils initient un traitement de ce genre. Il y a eu des moments où j’aurais préféré mourir que de vivre ça.

Ce que je lis dans les témoignages, c’est que ces traitements que nous avons pris font prendre beaucoup de poids, et perdre beaucoup d’estime de soi. Ils font un travail de sape, détruisent sournoisement, en silence, pendant des mois, des années, nos années les plus belles.

Je remercie Emmanuelle de m’avoir soutenue, en plus de ma mère bien sûr. On ne peut pas se sortir seule de ça. Les tumeurs au cerveau sont mal connues, tabou, mais il faut en parler. Pour nous, il est trop tard, pour les autres femmes, il y encore de l’espoir que les méningiomes ne passent pas par elles. Ces tumeurs peuvent rendre folles.

Pour le moment, je ne vois pas beaucoup de positif à tout ça, et c’est pour ça aussi que je ne voulais pas témoigner. Emmanuelle m’a dit que ça allait revenir, moi ça ne fait qu’un an que j’ai été opéré, et en plus je dois vivre avec le fait que j’ai peut-être été opérée à tort, comme le deuxième méningiome, certes plus petit, diminue depuis l’arrêt du traitement. En plus de n’avoir pas eu l’information des méningiomes possibles avec ces traitements, le neurochirurgien n’a pas non plus donné cette information. je n’ai pas eu de chance.

Le seul positif, c’est que ne je pensais pas être capable de supporter tout ça, de m’en sortir.
Les autorités de santé ne nous protègent pas vraiment, alors il faut compter sur tout le monde de combattif pour alerter vos filles, vos cousines vos amies, vos petite amies, vos grandes amies, celle que vous ne connaissez pas mais qui pourrait être votre meilleure amie.

J’ai dit à Emmanuelle de mettre en image de ce témoignage le tableau que lui a fait l’artiste normand VanLuc, car je ne veux qu’on voit mon visage actuel. Comme j’ai des cheveux de la longueur des siens, ça peut marcher!

Je suis contente qu’Emmanuelle ne soit pas dans la revanche ou dans le fait de recevoir uniquement un dédommagement financier, comme c’est le cas d’autres associations de victimes, que je ne nommerai pas non plus, pas plus que le neurochirurgien.

Merci à elle, et merci à toutes celles qui font vivre cette association, en donnant du temps ou en adhérant. Adhérez surtout, qu’on soit un poids important!”

 

 

D’autres témoignages ici : https://amavea.org/tag/temoignage/

Le site de l’artiste Van Luc : http://vanluc.fr/

Marguerite – 36 ans- 2 méningiomes- 10 ans d’Androcur et Lutéran