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Les méningiomes : mise au point sur les connaissances actuelles

ANDROCUR

Mise au point sur les méningiomes pour la revue de Médecine Interne, par Julien Boetto, Michel Kalamarides, Matthieu Peyre, Marc Sanson, .
Focus en particulier sur le lien avec les progestatifs, et les dernières recommandations de l’ANSM.

Article ici : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0248866321005506?dgcid=author

Extrait de l’article :

4. Méningiomes et hormones

4.1. Méningiomes et hormones sexuelles

Les arguments qui suggèrent l’association entre les hormones sexuelles et le développement de méningiomes sont nombreux. Les méningiomes sont plus fréquents chez les femmes avec un sex-ratio tout âge confondu de 2,3/1 dont le maximum (3,15/1) est atteint chez les femmes en âge de procréer [1]. Ils ont tendance à augmenter en volume durant la phase lutéale du cycle menstruel, durant les protocoles de fécondation in vitro, ou durant la grossesse, et à régresser spontanément en période de post-partum [31], [32]. Ils expriment des récepteurs hormonaux à la progestérone, aux œstrogènes et aux androgènes dans 80 %, 40 % et 40 % des cas respectivement [33]. Une association modérée a été retrouvée entre le développement de cancer du sein et de méningiomes [34].

De nombreuses études ont étudié l’impact de la prise médicamenteuse d’hormones sexuelles comme la contraception orale ou le traitement hormonal substitutif sur le développement des méningiomes. À l’heure actuelle, aucune preuve formelle ne permet d’affirmer que l’utilisation d’une contraception orale est associée à un sur-risque de développer un méningiome [35]. En effet, aucune association n’a été retrouvée entre l’utilisation présente ou passée de contraceptifs oraux et le risque de méningiomes.

En revanche, la prise d’un traitement hormonal substitutif est associée à un risque relatif de développer un méningiome de 1,35 (IC95 % : 1,21–1,49), la prise de progestérone étant un facteur de risque indépendant de développer des méningiomes dans ce cadre-là [36], [37]. L’impact prédominant de la progestérone a été confirmé par la mise en évidence d’un sur-risque significatif de développer des méningiomes lors de la prise de progestatifs de synthèse à haute dose comme l’acétate de cyprotérone (ACP), l’acétate de chlormadinone (ACC) ou d’acétate de nomegestrol (ACN) [4].

4.2. Méningiomes et progestatifs de synthèse

L’acétate de cyprotérone est un progestatif de synthèse possédant un puissant effet anti-androgénique, ayant l’AMM en France dans le traitement des cancers de la prostate non opérables ou des paraphilies chez l’homme, et dans le traitement de l’hirsutisme et de l’hyper androgénie sévère avec un retentissement majeur sur la vie sociale chez la femme, en particulier chez des patientes présentant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) (à une dose de 50 mg/jour). Il a également été utilisé hors AMM pour le traitement hormonal des personnes transgenres féminins, de l’acné en lien avec des signes d’hyperandrogénie, du traitement hormonal substitutif ou comme contraceptif oral [4]. Les trois mécanismes d’action principaux de l’ACP sont l’inhibition compétitive des récepteurs de la testostérone, l’inhibition de la production de la testostérone, et une activité progestérone-like [38].

Depuis 2007, de nombreuses séries ont rapporté l’augmentation du risque de développer des méningiomes lors d’un usage prolongé (5 à 30 ans) de hautes doses d’acétate de progestérone (25 mg–100 mg journaliers) [39], [40]. Une étude épidémiologique de large ampleur a permis de mettre en évidence une augmentation très significative du risque de survenue d’un méningiome chez les femmes traitées par ACP (ANDROCUR) pendant de longues périodes à forte dose. Le risque est multiplié par 7 pour l’ensemble des patientes au-delà de 6 mois d’utilisation à une dose de 25 mg/jour ou plus, et par 20 au-delà d’une exposition cumulée de 60 g d’ACP) [4], [41].

Toutes les études concordent pour montrer que le risque de méningiome est proportionnel à la dose cumulée (dépendant de la durée de traitement et du dosage quotidien).

Les méningiomes développés sous ACP (ANDROCUR) présentent des particularités cliniques et radiologiques.

Ils se développent chez des patientes en moyenne plus jeunes (48 ans), sont dans 50 % des cas multiples, et sont développés au niveau des étages antérieur et moyen de la base du crâne (risque spécifique multiplié par 47) [4], [39], [42]. L’analyse histologique des méningiomes développés sous ACP montre qu’il s’agit de méningiomes de grade I, exprimant dans 98 % des cas les récepteurs à la progestérone. D’autre part, leur analyse moléculaire a montré une très nette surreprésentation des mutations de PIK3CA (35 % versus 7 % dans les séries sans ACP), et de TRAF7, et l’absence de méningiome muté NF2 [42]. Cette modification du profil mutationnel suggère un modèle biologique spécifique de développement des méningiomes hormono-dépendants. Elle reflète les mécanismes en jeu dans d’autres cancers hormono-dépendants, puisque des mutations de PIK3CA sont rencontrées dans les adénocarcinomes endométriaux ou mammaires présentant des récepteurs aux hormones sexuelles [43].

Après arrêt du traitement par ACP, environ 70 à 80 % des méningiomes se stabilisent ou régressent. Des cas de régression spectaculaire ont été rapportés, sans doute en lien avec une diminution très significative de la vascularisation (Fig. 1) [44]. Par ailleurs, le risque de développer un méningiome diminue significativement un an après l’arrêt de l’ACP, puisqu’il est estimé à 1,8 dans le groupe de patientes exposées au long cours [4].

Fig. 1. Exemple de régression d’un méningiome de l’aile sphénoïdale gauche après arrêt de l’acétate de cyprotérone (ACP). Les différents examens d’IRM montrent une décroissance volumétrique de 300 % en un an, associée à une diminution de l’œdème péri-lésionnel sur les séquences FLAIR. La patiente a présenté par ailleurs une amélioration significative de la symptomatologie.

Récemment, des cas de méningiomes ont été rapportés chez des patientes sous traitement par acétate de chlormadinone (Lutéran) ou acétate de nomegestrol (Lutényl) dans le cadre du traitement de pathologies gynécologiques comme l’endométriose ou les troubles du cycle menstruel [45], [46]. Un rapport récent de l’ANSM conclut sur la base des déclarations de pharmacovigilance à un risque multiplié par 3,4 et 3,3 respectivement pour les femmes exposées plus de 6 mois, avec une forte relation dose-effet. Il est estimé que le nombre de femmes opérées de méningiomes attribuables à ces molécules est de 100 cas par an [47].

Ces études ont abouti à des recommandations spécifiques concernant la prescription de ces molécules, d’autant plus que la plupart des patientes bénéficiaient de ces traitements hors-AMM comme le traitement de l’acné ou la contraception orale [41]. Elles associent des restrictions d’AMM, l’obligation de faire figurer sur la notice le risque de méningiomes, et une surveillance particulière chez patientes sous traitement (cf. chapitre traitement).

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