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Le Monde – Un traitement hormonal augmente le risque de méningiome – Androcur

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Une étude montre qu’un médicament hormonal, l’Androcur, multiplie par 7 le risque de développer des tumeurs cérébrales, le plus souvent bénignes. Mais le phénomène pourrait en fait être dopé par toute une classe de molécules hormonales.

Par Publié le 18 septembre 2018

Le risque était connu, mais pas son ­ampleur. Une vaste étude réalisée par la Caisse nationale de l’Assurance-maladie (CNAM) montre que le risque de méningiome, une tumeur au cerveau le plus souvent bénigne, augmente fortement avec la prise d’un dérivé de la progestérone.

Il est « multiplié par 7 pour les femmes traitées par de fortes doses d’acétate de cyprotérone, commercialisé sous le nom d’“Androcur” (Bayer) et des génériques, sur une longue période (plus de six mois) et par 20 après cinq années de traitement à une dose d’un comprimé de 50 mg par jour ».

Androcur est prescrit, selon l’indication officielle, pour combattre une pilosité excessive (hirsutisme) chez la femme et certaines formes du cancer de la prostate chez l’homme. Mais il est largement utilisé hors de son autorisation de mise sur le marché (AMM), dans le traitement de l’endométriose, de certaines formes d’acné, etc. Il peut aussi être prescrit à des personnes transgenres pour ses propriétés antiandrogéniques. En France en 2017, 90 000 femmes prenaient de l’acétate de cyprotérone (25 % de l’Androcur), ce qui représente 60 % du marché européen.

Rendue publique le 27 août par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) – elle sera publiée dans les mois à venir –, « cette étude, menée avec le service de neurochirurgie de ­l’hôpital Lariboisière, à Paris, a été réalisée sur 400 000 femmes qui ont consommé de l’acétate de cyprotérone (comprimés dosés à 50 mg) entre 2006 et 2015, une population très importante », précise le docteur Alain Weill, directeur adjoint du département des études en santé publique de la CNAM, qui a piloté ces travaux.

« Un risque relativement faible »

Au total, plus de 500 cas de méningiomes opérés ont été recensés. Le plus souvent, ces tumeurs bénignes ont été opérées car la patiente présentait des symptômes (aphasie, troubles de l’élocution…). Tumeur la plus fréquente du système nerveux central après 35 ans (environ 30 %), le méningiome est bénin dans les deux tiers des cas. Il se développe à partir des membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière (les méninges), avec une incidence de 9 à 10 cas pour 100 000 habitants. Il touche deux à trois ­femmes pour un homme. Le traitement de référence est la chirurgie.

Revenons à l’étude : « Plus la dose cumulée est importante, plus le risque de méningiome est ­important », explique Alain Weill. La plupart du temps, les méningiomes se stabilisent ou ­régressent à l’arrêt du traitement, ce qui renforce le lien de causalité.« Le risque absolu de méningiome pour les femmes qui ont des doses importantes était de 0,4 % par an. Un risque qui reste relativement faible, même pour des femmes prenant des doses importantes », tempère-t-il. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a d’ailleurs rassuré. Jeudi 13 septembre, elle a indiqué au quotidien Cnews : « Ce n’est pas un cancer. Ce n’est pas un scandale sanitaire. »

Cette annonce a toutefois suscité l’inquiétude chez les patientes. Cinq femmes traitées par ce médicament et opérées d’un méningiome, avec pour certaines des séquelles importantes, ont en outre décidé d’engager une plainte contre le laboratoire Bayer et l’ANSM, a indiqué à l’AFP leur avocat, Charles-Joseph Oudin, vendredi 14 septembre.

Le lien entre traitements œstro-progestatifs et méningiomes n’est pas nouveau. Un premier cas mentionnant l’Androcur a été décrit en 2007 dans le NEJM par une équipe italienne, celui d’un jeune homme transsexuel qui prenait de l’Androcur à très haute dose (100 mg/jour) avec d’autres traitements. Il a présenté des troubles du comportement, ce qui a été mis sur le compte de sa nouvelle condition, puis a eu très mal à la tête et a eu des troubles du champ visuel. L’IRM a révélé un énorme méningiome. Les auteurs avaient alors attribué la croissance rapide de la tumeur aux traitements hormonaux à haute dose, sans citer spécifiquement l’Androcur.

Méningiome (en vert) visible grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) chez une femme de 38 ans.

En France, c’est Sébastien Froelich, alors jeune neurochirurgien à Strasbourg, qui est d’abord ­intrigué par l’une de ses patientes, qu’il doit opérer en raison de nombreux méningiomes et qui risquait de perdre la vue. Elle prenait de l’Androcur. Comme deux autres patientes venues en ­consultation en 2007. « L’une ne pouvait pas être opérée mais a vu sa tumeur régresser à l’arrêt du traitement », se souvient le professeur Froelich. Son équipe a poursuivi ses investigations. C’est devenu son cheval de bataille. Les autorités sanitaires françaises ont alerté sur ce risque dès 2009, puis les instances européennes ont fait modifier en 2011 la notice du médicament, ajoutant le ­méningiome dans les effets secondaires.

Point frappant, une étude, publiée en 2011 et ­financée par Bayer, n’avait pas montré d’association. Elle portait sur des femmes anglaises, exposées à de faibles doses. Une conclusion qui avait semé la confusion. En 2016, le professeur Sébastien Froelich, devenu chef du service de neurochirurgie à l’hôpital Lariboisière (AP-HP), ­contacte la CNAM avec une de ses patientes devenue médecin. « Je ne m’attendais pas à des chiffres aussi élevés », estime-t-il, tout en les jugeant « très probablement sous-estimés », car cette étude ne prend en compte que les méningiomes opérés. « Par son importance, l’étude de cohorte de la CNAM établit désormais de façon indéniable ce lien fort entre l’exposition à ce médicament et ­l’apparition de méningiomes », commente le professeur Jacques Young, endocrinologue à l’hôpital de Bicêtre (AP-HP).

Pour autant, « il n’est pas nécessaire de retirer le produit », indique-t-on à l’ANSM, qui réunira le 1er octobre un groupe d’experts pour revoir les recommandations. De nombreux prescripteurs pensent que ses indications doivent être restreintes. Pour autant, « l’acétate de cyprotérone a un intérêt certain. Il n’existe pas d’équivalent pour traiter des acnés qui peuvent être très invalidantes, des cas de lupus…, avertit de son côté la professeure Anne Gompel, gynécologue. Outre ses indications, elle a l’intérêt de ne pas comporter de risque vasculaire. » Un risque qui survient lors de la prise de certains contraceptifs. Quant à Diane 35, ce médicament anti-acné prescrit comme contraception, suspecté d’être à l’origine de thrombose, il contient de l’acétate de ­cyprotérone mais en doses bien plus faibles que l’Androcur. Suspendu un temps, ce médicament a été remis sur le marché.

Profil génétique des tumeurs

La relation entre méningiomes et hormones sexuelles est en tout cas évidente. On trouve des récepteurs à la progestérone dans la plupart des méningiomes. « Une question centrale est de ­savoir si l’acétate de cyprotérone est responsable de la progression de méningiomes déjà existants, ou responsable de l’apparition de ces tumeurs », pointe Michel Kalamarides, neurochirurgien à la Pitié-Salpêtrière. Le profil génétique d’une part des tumeurs liées au médicament est différent. « Il y a une surreprésentation de certains ­gènes, et notamment du PIK-3CA, muté dans 2 % des méningiomes “tout venant”, mais dans 35 % des tumeurs sous Androcur », selon une étude publiée dans Annals of Oncology, qui porte sur 40 cas, note Michel Kalamarides. « Nous en avons analysé 40 autres qui montrent aussi cette tendance ; l’étude est en cours », poursuit-il. Or, ce gène est le plus fréquemment muté dans les cancers du sein, de l’endomètre, et du col de l’utérus. En outre, les méningiomes apparaissant sous Androcur ont des localisations différentes et sont plus nombreux.

Autre sujet de préoccupation pour les autorités sanitaires : d’autres traitements hormonaux de la ménopause, déjà suspectés d’augmenter le risque de maladies thrombo-emboliques, de cancer du sein, pourraient aussi favoriser les méningiomes… Des cas ont été détectés avec ces molécules, notamment le Lutenyl et le Lutéran. Une étude va être lancée sur ce sujet par l’ANSM et la CNAM. « Ces progestatifs augmentent très probablement le risque de méningiome, on va les étudier de la même façon que l’Androcur », souligne Alain Weill. « D’autant plus que certaines femmes pourraient arrêter l’acétate de cyprotérone et prendre un autre progestatif avec des effets similaires », poursuit-il. Reste à quantifier le risque lié à des molécules qui sont prescrites à un nombre élevé de femmes (15 % à 20 % des femmes entre 50 et 52 ans) – même si ces chiffres de 2011 doivent être réactualisés.

Article ici

Note de l’association su 19 septembre 2020 : les représentant.e.s de patient.e.s conviés par l’ANSM au CST Androcur d’octobre 2018 à juin 2019, n’ont fait qu’entériner des décisions qui étaient déjà prises en septembre 2018. Il était déjà question du Lutéran et du Lutényl et des études qui suivront.
Les associations ne servent-elles que de caution aux décisions de l’ANSM, qui ainsi peut communiquer qu’elle travaille avec les patientes ? Et les patientes  pensent-elles avoir un pouvoir, qui est en fait nul?  On peut légitiment se poser la question.

Il est d’ailleurs à noter que ce qu’a décidé le CST a si peu d’incidence que le journal Le Monde s’en a pas fait état en 2019… voir ici