Je ne pensais pas que la quarantaine était si difficile… je suis fatiguée , très fatiguée, j ai quelques pertes d’équilibre .Et puis, ça devient compliqué quand je descends de voiture ma tête tourne. Je ne réussis plus à faire des manèges avec les enfants, j’ai le vertige . Je dois être fatiguée, ma tension doit être basse. Mon rythme de vie doit me fatiguer , maman de deux ados , maîtresse d’école , sportive …
Ma tête tourne de plus en plus, je me décide à aller consulter en avril. Ma doc me fait la prescription de l’IRM mais m’envoie consulter un ostéopathe spécialiste des troubles vestibulaires . Je réussis à avoir un rdv rapide où l’on décide de mettre en place une rééducation après le bilan et d’attendre pour l’iRM. 3 mois de rééducation , une fois par semaine et je sors de chaque séance fatiguée, en pleurs … et puis en juillet, il me dit que j’ai le profil de quelqu’un qui a été accidentée et qu’on va faire une pause .
Mon état ne s’arrange franchement pas, dernière photo accroupie avec mes collègues et je tombe sur l’une d’elles , on en rigole. Je fais bonne figure et je crois que je ne veux pas admettre l’évidence . J’attends …. Octobre IRM , une jeune infirmière me dit qu’il n’est pas nécessaire de faire une injection, 20 min s’écoulent et quand je sors du tunnel, cette jeune infirmière me dit qu’on va faire une injection . « Il y a un problème? » … je la sens complètement perdue , sans mot… et je retourne dans le tunnel.
Je sais , j’ai compris . Je ressors et c’est le médecin radiologue qui m attend , me dit qu’il m’emmène au scanner . Je lui demande s’il y a quelque chose , « oui madame , une tumeur , je suis désolé mais je vous emmène au scanner et vous allez rester un peu aux urgences »
Je n’ai pas les mots , je suis seule, je passe le scanner rapidement et puis les mêmes mots sortent en boucle « ce n’est pas possible, j’ai des enfants! »
Dans mon box aux urgences, on me dit que le centre hospitalier a envoyé les clichés au chu pour un avis et qu’il faut attendre environ 2h . J’appelle mon mari , j’appelle ma sœur qui est en larmes , je ne pleure pas, je ne sais pas pleurer . Un ami ambulancier passe dans le couloir , je l’interpelle et je lui balance « bah, j’ai une tumeur » , le pauvre a pris ça de plein fouet .
Mon mari est autorisé à venir malgré le Covid toujours présent , je sens les infirmières fuyantes , certaines au bord des larmes et je répète toujours que « c’est pas possible j’ai des enfants » …
Mon mari arrive et on ne sait même pas quoi se dire, c’est la sidération . Au bout de 2h , l’urgentiste arrive, me prend la main et me dit que j’ai un méningiome , c’est la « moins pire des tumeurs » mais elle est sur l’os et il y a un énorme œdème autour . Je lui demande si je vais mourir … elle me dit que non, qu’on va me soigner mais que le parcours serait difficile. Je dois voir le neurochirurgien du CHU un mois plus tard et en attendant je dois prendre une très grosse dose de cortisone pour réduire l œdème et faire un bilan Ophtalmo le plus rapidement possible . Mais je rentre chez moi! Quel soulagement ….
Et puis là , comme un déni de grossesse , un « déni de méningiome » et maintenant que je sais qu’il est là et avec la forte dose de cortisone, j’enchaîne les crises d’épilepsie sans savoir de quoi il s’agit. Je vois le neurochirurgien qui propose de se réunir avec radiothérapeute et oncologue mais il pense à une opération ( qui me sera confimée)et il met un nom sur mes malaises, l’épilepsie donc ajoute un traitement. Je ne sors plus beaucoup et je ne conduis plus, notre vie est bouleversée mais mes enfants sont courageux , on parle beaucoup, on dédramatise comme on peut . Mon état se dégrade mais je veux passer les fêtes de Noël en famille et les anniversaires de mes enfants . Mon opération est fixée au 11 mars .
Je suis partie seule au CHU en transport médical, j’ai été opérée l’après-midi même , 7 h d’opération , 50 agrafes et 36 h en réanimation . Je me suis réveillée heureuse car je parlais, j’entendais et je pouvais bouger . 6 j au CHU seule car je ne voulais de personne dans ce combat , c’était le mien et je ne voulais faire vivre ça à personne d’autre. Mon visage tuméfié ,très rond avec la cortisone , c’était mon histoire . Je ne souffrais pas , juste du paracétamol et l’équipe était au top. La kiné est passée , on a fait le point et mon côté gauche était un peu faible mais j’ai réussi le test de l’escalier , je pouvais donc rentrer chez moi.
Retour très fatiguée , heureuse et avec cette volonté de vite récupérer. Au bout d’un mois , je débute un suivi kiné 3 fois par semaine juste derrière chez moi , comme ça je peux m’y rendre à pied. On travaille le côté gauche , l’équilibre , la concentration . 19mois après j’ai toujours ce même suivi . Puis je dois aller chez l’orthoptiste pour travailler la mémoire visuelle très déficitaire dans mon bilan neuropsy. Ce bilan révèle aussi des difficultés à retrouver certains mots , à m’organiser et me concentrer .Je suis suivie aussi par une psychologue ,LA psychologue qui m’a permis de dépasser le choc de l’annonce , de pouvoir retourner passer des IRM sans m’effondrer à l’intérieur , de vivre même en sachant que tout n’a pas été enlevé . On a tenté de me sevrer de l’antiépileptique avec des EEG réguliers , on était arrivé au bout mais j’ai refait une crise au volant donc machine arrière.
Enseignante, j’ai repris le chemin de l’école 18 mois après , sur un poste adapté . J’aide mes collègues , les élèves par petits groupes uniquement le matin. Je suis très heureuse de cette reprise. Je reprends ma vie tranquillement en faisant ce que je me sens capable de faire et quand je m’en sens capable . Parfois certaines situations sont difficiles ( bruit, foule..) je fais bonne figure et je m’adapte autant que je peux .
Aujourd’hui, j’ai adapté ma vie , mon handicap est invisible , je suis fragile de mon côté gauche, je fatigue vite et les situations où on doit rester concentrée un long moment sans bouger peuvent être très compliquées et à l’origine de maux de tête .
J’ai réussi, un an après, à écrire à l’ostéopathe qui me suivait en lui demandant de ne pas hésiter à envoyer ses patientes passer l’IRM en cas de doute , sans reproche. Il m’a répondu, bouleversé .
J’ai réussi à déclarer toutes les pilules ingurgitées lutéran quelques mois, implanon , optimizette , desogestrel pendant …20 ans!
L’agence régionale de santé admet que mon méningiome est sans doute lié . Mon gynécologue aussi finalement, mais le neurochirurgien n’est pas aussi catégorique . Je vais changer de neurochirurgien , le mien n’opérera plus et va vers une clinique. Il m’a conseillé de voir un autre collègue « si jamais on doit y retourner »…
Sans Amavea , mon neurochirurgien ,ma psy, ma kiné et ma famille compréhensive , il est certain que je n’en serai pas là . Je ne redeviendrai pas la même mais je m’en approcherai en croisant les doigts pour que ce minuscule morceau resté sur l’os reste aussi mini qu’à ce jour .
Bon courage à toutes les battantes et merci du fond du cœur à l’association .
Sophie





