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Emilie, 37 ans, 4 ans d’Androcur (prescrit comme contraceptif), 1 méningiome opéré

androcur

Je m’appelle Émilie, j’ai 37 ans et j’ai été opérée d’un méningiome temporo-frontal gauche ( découvert sous Androcur ) au CHU de Rouen le 07/09/2020.

Aujourd’hui, je vous raconte mon expérience en espérant pouvoir aider certaines personnes qui seraient ou pourraient se trouver dans la même situation que moi.

Tout a débuté à la suite d’un rendez vous avec une endocrinologue qui, après m’avoir prescrit une prise de sang, a décelé un dérèglement hormonal. Elle m’a donc proposé un traitement pour y remédier : Androcur 50mg + provanes. Ce traitement jouait également le rôle d’une contraception, je me suis donc fait retirer le stérilet que j’avais à ce moment là. J’ai commencé le traitement en décembre 2015, cela a permis d’obtenir de meilleurs résultats sanguins, mais en 2019, j’ai constaté en lisant quelques articles que l ‘androcur pouvait peut être s’avérer dangereux pour certaines patientes et leur poser quelques soucis.

Au rendez vous suivant avec mon endocrinologue, j’en ai parlé avec elle et lui ai posé quelques questions à ce sujet, elle a vite écarté mes craintes, j’étais rassurée. Par la suite, il a été décidé de faire passer une IRM obligatoire à toutes les patientes prenant de l’Androcur. Encore une fois, lors de la remise de l’ordonnance pour cet examen, elle a balayé les doutes que je pouvais avoir. C’est donc sereine et détendue que je me suis présentée pour passer cette IRM le 02/03/2020. J’attends le résultat lorsque le radiologue m’appelle, il me fait entrer dans un bureau et m’annonce qu’il a découvert un méningiome. Toutefois, je ne comprends pas, je vois bien cette grosse masse sur l’écran mais lui dis que ce n’est pas la bonne image,pas la bonne personne et lui demande si c’est une blague… Puis je le regarde et je sais que malheureusement cette image est bien celle de ma tête. Je suis perdue, lui demande ce que je dois faire pour la suite. Il m’explique que je dois voir rapidement mon médecin traitant qui me dirigera vers un neurologue et surtout stopper mon traitement immédiatement.

Je sors du laboratoire en mode automatique et je ne sais pas quoi faire, je reste un long moment à attendre dans ma voiture… Je dois le dire à quelqu’un, mon mari bien sûr mais je suis en larmes et reste figée comme ça. J’essaie de reprendre mes esprits et je lui envoie un SMS « j’ai un méningiome », rien de plus. Quand j’y repense et essaie de me mettre à sa place, j’aurais dû trouver une autre manière de lui annoncer mais sur le moment, je suis tellement abasourdie que je ne peux mieux faire. Je rentre chez moi, je suis seule, mes filles sont à l’école et là, tout s’écroule, je craque complètement. Je cherche sur internet ( grave erreur de ma part ) pour essayer de comprendre ce qu’est un méningiome, comment cela se soigne… J’appelle enfin mon mari, il quitte son travail et me rejoint à la maison. Il me fait sortir pour boire un café, on en discute mais on essaie de rester positif et d’en parler en plaisantant. Nous décidons de ne pas en parler à nos filles pour le moment.

Mon médecin traitant me reçoit le jour même, il me prend un rendez vous avec un neurologue la semaine suivante, il m ‘explique que vu la taille du méningiome, une opération sera sûrement nécessaire mais qu’elle ne se pratique pas ici ( j’habite Le Havre ) mais au CHU de Rouen ( 2ème mauvaise nouvelle ! ).

Je revois mon endocrinologue la même semaine pour l’informer, elle est très étonnée, je suis sa seule patiente traitée sous Androcur à qui on a découvert un méningiome ( pas de chance pour moi ).

Lors de mon rendez vous avec le neurologue, il m’informe qu’effectivement je vais devoir me faire retirer ce méningiome et contacte le CHU de Rouen afin d’obtenir un rendez vous avec un neurochirurgien. Il me prescrit un traitement anti épileptique ( au cas où me dit il ), me demande si j’ai des symptômes quelconques, me parle des risques et conséquences possibles de l’opération. Hormis des migraines régulières, je suis en parfaite santé. Ma première inquiétude est de savoir si cela peut être héréditaire pour mes filles ( à ce moment, la corrélation androcur/méningiome n’est pas encore établie ). Ses réponses me rassurent pour mes filles mais m’effrayent complètement pour ce qui est de l’opération. Il me dit que c’est le CHU qui va me recontacter par la suite pour convenir d’un rendez vous.

L’attente de ce contact me paraît interminable, ils m ‘appellent enfin et me propose un rendez vous le 31/03/2020.

Mais je dois également régler un autre problème, je n’ai plus de contraception et décide de voir une sage femme pour me faire poser un stérilet, elle me reçoit rapidement et me voilà rassurée de ce côté là ( cela peut paraître anecdotique mais ça ne l’est pas vraiment… ).

Le rendez vous étant pris à Rouen, mon mari et moi décidons de mettre nos filles au courant mais de manière légère, hors de question de les inquiéter et leur faire peur, nous en parlons sereinement et j’essaie de répondre à leurs questions.

Maintenant, je ne sais pas comment mais il va falloir que je prévienne ma famille, j’essaie de trouver le bon moment mais n’y arrive pas. Le confinement est alors annoncé, j’ai n’ai plus le choix, je le ferai par téléphone même si ce n’est pas la meilleure façon qui soit.

A partir de ce moment, je décide que je n’en parle plus et ne veux plus en entendre parler.

A cause du confinement, mon premier rendez vous avec le neurochirurgien se déroule en téléconsultation. Vu le contexte sanitaire et avec l’arrêt du traitement, il décide d’attendre et de me faire repasser une IRM au mois de juin pour vérifier si la taille de la tumeur diminue, il me dit également de stopper le traitement anti épileptique qui n’a aucun intérêt pour moi étant donné que je n’ai jamais fait de crise d ‘épilepsie.

La nouvelle IRM montre que le méningiome n’a pas évolué et je revois le neurochirurgien ( physiquement cette fois ci ) le 23/06/2020. Lors de ce rendez vous, il décide d’une opération le 07/09/2020 ( avec un arrêt de travail de 6 semaines ), il m’explique également les risques et conséquences possibles d’une telle opération, je l’écoute mais ne prends pas conscience à cet instant de ce qu’il peut se passer, mon esprit est ailleurs. Par la suite, je vois l’anesthésiste qui réitère les explications concernant l’opération, encore une fois je ne mesure pas vraiment la gravité de l’opération.

Malgré tout, nous partons en vacances et profitons au maximum !!!

4 jours avant mon opération, je dois voir la sage femme afin qu’elle vérifie la présence et la bonne mise en place de mon stérilet. Elle ne le trouve pas et me dirige vers les urgences gynécologiques pour effectuer une échographie… Et là, on m’annonce que le stérilet a traversé la paroi utérine et est allé se loger près de mon intestin et que seule une intervention chirurgicale pourra l’en extraire…Ca continue, je n’en peux plus !

Me voilà en train d’expliquer ma situation à la gynécologue qui me dit que l’intervention peut attendre, que le stérilet ne bougera plus et que je dois d’abord m’occuper du méningiome, qui est plus urgent.

Le 06/09/2020, c’est le jour J, je dois me rendre au CHU de Rouen, je suis accompagnée par mon mari et mes filles. Formalités administratives, prise de sang, examen médical, test covid… Je peux encore passer un peu de temps avec ma famille avant qu’elle ne reprenne la route, j’en profite jusqu’au dernier moment.

Ils sont partis, je commence seulement à réaliser ce qui m’arrive, j’appréhende la séparation, j’ai peur pour l’opération, le personnel de l’hôpital me rassure mais c’est trop dur, je commence déjà à craquer. Jusque là, je faisais comme si de rien n’était, j’étais forte et d’un seul coup, j’étais incapable de me contrôler.

Le lendemain après une nuit très courte et une énième douche à la bétadine, c’est l’heure, on m’emmène vers la salle d’opération, je pleure, je panique complètement, je ne pense qu’à mon mari et mes filles. Mon réveil est très compliqué en soins intensifs, je pleure encore ( l’anesthésiste m ‘avait prévenue, si on s’endort en pleurant, on se réveille dans le même état ), j’ai la tête lourde, j’ai mal, un pansement énorme m’entoure la tête, on dirait un œuf de pâques. Le neurochirurgien passe me voir et me dit que tout s’est très bien passé.

Les nuits passent et se ressemblent, je dors peu, ma famille me manque terriblement, c’est vraiment le plus dur pour moi, être loin de mon mari et mes filles, mon moral est au plus bas , je veux sortir le plus vite possible de cet hôpital, rentrer chez moi. Mon mari vient me voir tous les jours mais à chacun de ses départs c’est toujours plus dur de le voir repartir sans moi. Le mardi ( lendemain de l’opération ), on me retire la sonde que l’on m’avait posée et je peux enfin me lever.

J’ai mal à la tête, je suis fatiguée, je ne peux presque pas ouvrir la bouche ( on m’a sectionné un muscle dans la mâchoire ), j’ai la langue engourdie… Mon temps de téléphone je le garde pour mon mari et mes filles le soir car c’est très compliqué pour moi, le simple fait d’être au téléphone m’épuise terriblement, je n’arrive même pas à lire… Le mercredi, l’infirmier me retire mon pansement et me dit que je peux me laver les cheveux ( à la bétadine bien sûr ! ) mais c’est impossible, je n’y arrive pas, je ne peux toucher cette cicatrice qui traverse ma tête. Un hématome se forme sous mon œil gauche, on me dit que c’est normal.

Le mercredi, lorsque mes filles et mon mari viennent me voir, je les rejoints ( mes filles étant trop jeunes pour rentrer dans le service ) , je peux sortir prendre l’air avec eux, ça me fait du bien mais leur départ est de nouveau douloureux pour moi.

Les médecins passent me voir et me disent que la fatigue, la douleur… Tout cela va passer ( c’est une phrase que je ne supporte plus tellement je l’ai entendue et continue encore de l’entendre aujourd’hui ).

Le vendredi, on m’emmène passer un scanner, tout est bon et je peux enfin rentrer chez moi ( avec un arrêt de travail de 3 mois ).

Mon mari vient me chercher et le retour en voiture est un calvaire : douleurs, nausées, vertiges, acouphènes… mais je suis heureuse de pouvoir enfin retrouver les miens.

Mon retour à la maison ne s’est pas aussi bien passé que je ne l’imaginais, je suis chez moi mais comme si j’étais dans le corps d’une autre, c’est très particulier comme sensation, moi qui pensais retrouver ma vie « d’avant », j’en suis très loin. Je suis partie en pleine forme physique et morale et je reviens, cinq jours plus tard, complètement épuisée et à n’être capable de rien, je me sens inutile.

Mon mari est en congés pour m’aider mais en réalité, il ne m’aide pas car je ne peux rien faire et je deviens vite ingérable et irritable pour tout et rien… Je ne sais pas l’expliquer mais je suis très voire trop émotive, j’essaie de me contrôler en présence de mes filles et mon mari mais n’y arrive pas toujours, c’est très compliqué pour moi, je me sens diminuer. Je déteste que les gens fassent les choses pour moi, à ma place, c’est insupportable pour moi de ne pas être libre de mes gestes même si je sais que c’est pour mon bien, je n’arrive pas à l’accepter. Le jeudi suivant mon retour, on me retire les agrafes qui ferment la cicatrice, 40 en tout, c’est très douloureux. Aujourd’hui encore, j’ai du mal à la toucher, à la regarder, ça me dégoûte…

Je poursuis ma convalescence mais n’observe aucune amélioration, la cicatrice me fait mal, j’ai très mal à la tête, je supporte très mal le bruit, les acouphènes sont permanents et je continue à être très fatiguée.

Arrive le moment où mon mari doit reprendre le travail, j’appréhende, j’ai très peur de ne pas y arriver… Contre toute attente, je m’en sors mais au prix d’une fatigue extrême, je dors énormément pour récupérer et être à peu près en forme pour mes filles et mon mari. Par contre, moralement, c’est la chute libre, je m’enfonce chaque jour un peu plus, c’est très dur à gérer.

Le week end suivant mon retour, j’ai voulu conduire, accompagnée par mon mari et mes filles, et là, l’horreur, nouvelle déconvenue : nausée, vertige, acouphène, j’ai fait 10 kms et suis aussi fatiguée que si j’avais traversé la France. Je me dis que c’est normal, que je réessaierai plus tard…

Malheureusement, aujourd’hui, je ne peux toujours que très peu conduire car les symptômes persistent. J’ai vu un ORL, une neurologue, fait de la kiné vestibulaire mais cela reste toujours très compliqué pour moi de conduire.

Sur les conseils de mon médecin, je suis suivi par un psychiatre, cela m’aide un peu mais je n’arrive toujours pas à « digérer » cette opération. Avant j’allais bien et aujourd’hui, 10 mois après, je suis toujours en convalescence et ne suis toujours pas à 100 % de mes capacités.

Début octobre, j’ai revu la gynécologue pour mon stérilet et lui ai demandé si c’était possible de subir une ligature des trompesAndrocur (qui me servait de contraception) puis la pose de mon stérilet qui a échoué, je ne voulais plus de contraception « artificielle ». J’ai dû attendre pour l’opération car la ligature des trompes nécessite 4 mois de réflexion obligatoire, la décision a été dure mais j’ai déjà deux filles et ne veux plus d’autres enfants donc…

Mon médecin traitant était d’accord pour que je reprenne le travail mais à mi temps thérapeutique en mars mais je me suis fait opérer donc ma reprise a été décalée. L’opération s ‘est très bien passée mais le simple fait de retourner à l’hôpital a été très compliqué pour moi, trop de mauvais souvenirs qui ne s’atténuent pas !

Aujourd’hui, j’ai repris mon travail (depuis début mai) à temps partiel thérapeutique (jusqu’au mois d’octobre au moins) et avec un aménagement de poste… C’est également très compliqué à gérer pour moi, je suis normalement agent des douanes sur le terrain mais pour le moment, je ne peux être armée car mes difficultés de conduite et la fatigue pourraient me mettre en danger ( et mes collègues aussi ), je suis donc actuellement sur un poste de secrétariat…

Tout ça pour vous dire que j’étais une personne en pleine forme, qui aujourd’hui se retrouve à faire un travail qui ne lui convient pas, à être toujours en convalescence et à vivre avec une fatigue énorme, des maux qui ne s’atténuent pas… tout ça pour avoir fait confiance à un médicament qui était censé me soigner et qui malgré tout m’a enlevé une partie de ma vie. Je suis consciente que ça aurait pu plus mal se passer et doit me réjouir aujourd’hui de n’avoir aucune séquelle physique grave même si moralement, j’ai du mal à faire avec et que physiquement je ne suis pas encore remise.

Ce que je viens de faire en vous livrant mon histoire, j’aurais peut être dû le faire avant car je me rends compte que ça m’a fait du bien de mettre des mots sur tout ça même si j’ai eu quelques difficultés à évoquer certains passages…

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