Une endocrinologue m’a prescrit, suite à des tests hormonaux, de l’Androcur (associé à Progynova) pour la première fois en 1989, alors que j’avais 17 ans. Je souffrais d’acné sévère depuis l’âge de 11 ans environ. Aucun traitement dermatologique ne venait à bout de cette acné qui me complexait. A 17 ans, mes cheveux s’étaient de plus mis à tomber par poignées entières.
Le traitement a bien fonctionné. Au fil des ans, il s’est composé d’ 1 comprimé d’Androcur 20 jours par mois, associé à 1 comprimé de Provames, puis arrêt 8 jours, arrêt au cours duquel j’avais très rarement mes règles. Ce qui ne me contrariait pas, vu que mes cycles étaient avant ce traitement très irréguliers, et mes règles douloureuses.
Un peu d’acné persistait quand même, et alors que j’étais jeune adulte, j’ai même eu une prescription de Diane 35 associée à un peu d’Androcur, puis une posologie augmentée d’Androcur (jusqu’à un comprimé et demi par jour)…. !!!
Cette endocrinologue m’a suivi quelques années, puis au cours de ma vie d’étudiante et au fil des déménagements qui ont parcouru ma vie d’adulte, l’Androcur a continué de m’être prescrit et renouvelé (donc de 1989 à 2018 !) par d’autres endocrinologues, dermatologues, généralistes, gynécologues…. On me demandait parfois pourquoi ce médicament m’avait été prescrit à l’origine, mais personne ne m’a jamais alertée contre un potentiel danger (de méningiome ou autre). Durant toutes ces années, une seule endocrinologue s’est montrée réticente à un moment donné : je m’en servais aussi comme contraceptif, et Androcur n’avait pas eu d’autorisation de mise sur le marché pour la contraception, elle émettait donc des réserves à ce sujet (en avait-il obtenu une pour l’acné …?!!).
Après ma grossesse, à 33 ans, j’ai souhaité une pilule plus « classique », pour essayer de stopper l’Androcur. Après tout, mes hormones étaient censées être plus stables. Mais je n’ai supporté aucune des différentes pilules testées alors. Toutes avaient sur moi de lourds effets secondaires.
Mes fidèles boutons étant revenus, et en désespoir de cause, je me résous à reprendre le fameux Androcur. J’ai toutefois la conscience qu’il s’agit d’un traitement lourd, et je m’interroge beaucoup à son sujet. A noter que j’étais devenue migraineuse, vers l’âge de 30 ans.
En 2013, mon médecin généraliste me prescrit un scanner face à des migraines devenues continues. « Examen normal ».
En 2016, une dépression latente s’était installée en moi, certes favorisée par plusieurs événements de vie difficiles, mais je me demande si elle n’est pas entretenue par ce médicament. Je m’en ouvre à mon gynécologue, qui m’assure que la dépression n’a aucun lien avec l’Androcur, qu’il n’y a pas de dangerosité pour ce médicament. Je sais maintenant qu’une alerte avait été lancée dès 2008 pour non pas un risque accru de dépression certes, mais un risque multiplié de développer un méningiome. On aurait déjà dû m’informer !
Malgré la pseudo assurance du gynécologue, je reste dubitative et assez inquiète sur le médicament. Je regarde régulièrement sur internet, m’interroge… Jusqu’à ce jour de septembre 2018, où je lis sur internet que l’Androcur multiplierait le risque de méningiome par 7 en cas de risque prolongée ! et le cas et témoignage de plusieurs patientes ! Cela fait alors pas loin de trente ans que je le prends !! J’imagine bien alors que je ne peux pas être épargnée, et que mes maux de tête s’expliquent ainsi. Je me rends alors chez mon médecin généraliste (qui elle aussi m’avait renouvellé l’Androcur et le Provames à de multiples reprises). Elle n’est pas encore au courant de cette information de méningiome ( !), mais elle accepte de me prescrire un scanner pour me rassurer, affirmant qu’elle ne croit pas du tout que j’ai des méningiomes, qu’il y aurait eu d’autres signes selon elle…
Pas tranquille pour autant, commence alors l’attente pour le rendez-vous au centre de radiologie, on n’obtient pas bien sûr un rdv du jour au lendemain, et j’ai le temps d’imaginer le pire, m’imaginant déjà en arrêt de travail prolongé, dépendante, voire pire…. Je vis seule avec mon fils, je m’angoisse en imaginant une opération à venir et ses suites…
Le jour J, en octobre 2018, je passe l’examen du scanner, attends fébrilement mes résultats en salle d’attente, quand la secrétaire m’appelle pour le règlement et me remet l’enveloppe contenant mes clichés. Merci et au revoir. Je me dis « chouette, si on me remet les résultats ainsi, sans que le docteur ne me fasse de compte rendu oral, c’est que l’examen est bon ».
Je sors quand même la feuille du compte rendu écrit, pour la lire devant la porte du centre de radiologie. C’est alors que je lis « …masse frontale localisée de la ligne médiane, évocatrice dans le contexte d’un méningiome… »
Pourquoi « évocatrice », est-ce un méningiome, oui ou non ???
J’ai alors l’impression de voir 36 chandelles, bouffées de chaleur… Je retourne auprès de la secrétaire, et demande à voir le docteur pour l’interprétation de mes résultats. Elle me répond que ce docteur n’a pas l’habitude de recevoir les patients après la radio.
Celui-ci passe me voir quelques instants plus tard, en rechignant. «Evocatrice, cela veut bien dire que j’ai un méningiome ? ». Effectivement, il confirme « oui » ! Aucune empathie, je lui fais juste perdre son temps. Il retourne rapidement à ses clichés, sans prendre le temps de me rassurer. Je sors du centre seule, avec le ciel qui m’est tombé sur la tête.
Il faudra juste que je me rassure avec le fait que ce méningiome semble assez petit, et qu’il y ait écrit sur ce fameux rapport de scanner « pas de complication associée »…
Commence alors une nouvelle période de stress, avec x consultations, retour chez la généraliste qui tombe des nues, recommandation à un neurochirurgien en CHU, attente des rdv, aussi chez l’endocrino et la dermato pour essayer de trouver des solutions alternatives pour l’acné, car ARRET OBLIGATOIRE DE L’ANDROCUR.
Le neurochirurgien rencontré fin octobre 2018 confirme, ouf, qu’il n’est pas utile de prévoir une intervention. Dans mon malheur, le méningiome est petit et « bien situé ». Sur son compte-rendu, il confirme qu’il y a bien un lien de causalité entre la croissance des méningiomes à cet endroit et la prise d’Androcur, et donc que l’arrêt de ce traitement peut entraîner soit une stabilisation, soit même parfois une régression du volume de ce méningiome (NB : lors d’une future consultation un an et demi après, il me dira pourtant que ce méningiome peut aussi grossir lentement alors que le traitement est arrêté).
Sans m’étendre dessus, je précise qu’après cette annonce déjà difficile et suite à une batterie de dosages hormonaux sanguins, dont certains anormaux, j’ai eu ensuite une suspicion de tumeur à l’hypophyse, et de nouvelles longues semaines d’angoisse entre différents tests et cette fois un IRM (la tumeur à l’hypophyse n’étant pas détectable au scanner)… Finalement cette suspicion ne s’est pas confirmée, et le mystère de l’envolée de mon taux d’IGF1 est resté entier à ce jour.
Bon, arrêt de l’Androcur = plus du tout de contraception. Je vais donc revoir le gynéco, celui qui un an plus tôt affirmait haut et fort que l’Androcur n’engendrait aucun risque, ni dépressif, ni autre. Je lui fais part de mon vécu ces derniers mois.
- Il n’est pas au courant de l’actualité concernant l’Androcur (décidément, cela fait deux fois que je joue le rôle d’informateur auprès du corps médical !!)
- Il me dit que de toute façon il ne prescrit pas ce médicament (c’est quand même lui qui me l’a renouvelé les fois précédentes en m’assurant qu’il n’y avait pas de danger !!).
- Il m’indique le nom de deux pilules qui pourraient éventuellement m’être prescrites, à faire valider auprès de mon neurochirurgien
60 €, merci et au revoir. Ou plutôt adieu. J’ai trouvé un autre gynécologue, humain et à l’écoute, qui m’a bien sûr confirmé, comme je le supposais déjà, qu’il me valait mieux oublier définitivement toute pilule ainsi que tout médicament comportant des hormones. Il ne valide pas du tout le nom des deux pilules évoquées par son confrère.
J’ai bien sûr appris qu’une « alerte » avait été lancée dès 2008 par M. Froelich. Rien n’a été fait pendant toutes ces années. Un vrai scandale sanitaire, même s’il est étouffé par les autorités et les labos. Une fois encore, l’appât du gain a prévalu sur la santé de milliers de femmes.
Certes en colère, je m’estime vraiment « chanceuse » car vu le nombre d’années pendant lesquelles j’ai ingurgité cette molécule, je m’en sors bien par rapport à toutes les femmes qui ont développé des tumeurs, souvent multiples et beaucoup plus grosses, et subi des opérations, suite à des prises du médicament pourtant moins prolongées que la mienne.
A ce jour, je suis sous surveillance annuelle (IRM). Pour l’instant, le méningiome n’a pas évolué. C’est mon acné qui est revenue fortement. Même si la cinquantaine approche, rien à faire, elle est toujours là… Je la cache sous du maquillage et mes cheveux longs…
Suite à l’arrêt d’Androcur, les migraines qui me pourrissaient la vie ont disparu… Cela m’a permis d’arrêter aussi les triptans…
Merci de m’avoir lue. Je suis consciente de la chance que j’ai d’être aussi peu touchée, malgré près de 30 ans de prise de ce « médicament ». Je pense tous les jours aux femmes qui ont eu moins de chance que moi. Merci à votre association.
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