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Après le tsunami de l’annonce, l’angoisse de l’attente….

Après le choc de l’annonce, il me faut attendre….

Le lendemain de mon IRM, mon médecin traitant me reçoit et me réconforte à sa manière…”ce n’est pas de chance d’avoir une tumeur cérébrale mais dans votre malchance vous avez la chance d’avoir la moins pire de toutes”.

OK cela ne va pas me tuer oui mais bénin ne veut pas dire anodin.

Je ressors du cabinet médical avec un courrier pour prendre un rendez-vous avec un neurochirurgien.

RDV dans deux mois, il me faut attendre avec  toutes ces questions qui m’assaillent.

C’est bénin, mais pas anodin, sûr… ce n’est pas un kyste synovial! Il est où d’ailleurs ce squatteur? sur le toit de l’ethmoïde c’est-à-dire plus au niveau de la base du crâne que sur le dessus… Ce n’est pas l’endroit le plus facile pour opérer cela!  Opérer?  justement c’est une des possibilités que je n’avais pas encore imaginé. Mais la réaction de mon fils quand je lui ai annoncé la présence de ce squatteur : “ah oui… pour l’enlever on va te raser les cheveux et t’ouvrir le crâne… c’est chaud quand même!”  ah ben je n’avais pas encore cette vision de moi, mais là c’est fait!

Je stresse, j’angoisse, j’ai peur, mais je me contiens comme je peux; je n’ose pas montrer ma souffrance à mon mari ou à mes enfants… S’ils craquent, je serais incapable de les réconforter et j’ai le sentiment que cela m’achèverait. Je suis entourée de mes proches, mes parents, ma sœur, mon amie.  Et pourtant je ressens une profonde solitude… Je suis seule,  extrêmement seule avec ce squatteur dans ma tête là en plein milieu derrière les yeux.

Pendant cette attente la vie reprend tout simplement son cours, pour l’entourage en tout cas.  Mais pas pour moi… après quelques jours d’arrêt j’ai repris le travail; mes maux de tête sont toujours là avec des vertiges, des nausées parfois. J’ai des difficultés à me concentrer dans mon travail ou à la maison.

J’ai mal à la tête tous les jours…  Je ne supporte pas la lumière, la lumière des phares auto ou les néons des supermarchés, la lumière de mon bureau: je porte souvent des lunettes de soleil.  Je ne supporte pas non plus le bruit: je mets des bouchons d’oreille pour faire mes courses.

Ma tête n’est que douleur…

Le rdv arrive.  Je suis reçue par un interne qui m’explique que mon squatteur n’est pas loin des voies optiques. S’il grossit,  il faudra le traiter avant qu’il ne me prive de la vue. Quant à mes maux de tête, mes vertiges et mes paresthésies, il paraît qu’ils ne sont pas liés à mon squatteur: il me faut voir un neurologue pour ça. Je repars donc avec mon squatteur et mes maux de tête ainsi qu’ une ordonnance pour l’IRM de contrôle de cet été.

 

L’attente…. Toujours l’attente… Il me faut être patiente, je comprends bien la nécessité de se donner du temps pour mesurer l’évolution de mon squatteur, mais quelle angoisse! Et toujours cette profonde solitude… mes proches sont là, ma copine prend de mes nouvelles, ma famille est présente, mais au final je suis quand même seule avec cette pathologie. Je réalise que le méningiome,  oui, c’est une pathologie chronique: je vais devoir faire avec, opéré ou non.  D’autres questions, d’autres peurs occupent mon esprit, autres que celles liées à ma santé, mais plus liées à mon devenir: c’est les conséquences de la présence de ce squatteur: pourrai-je encore obtenir un prêt? Aurai-je encore le droit de conduire? Pourrai-je encore travailler?

La douleur, mes maux de tête ne me quittent pas mais ça c’est un autre problème, je vais faire avec encore pendant trois mois le temps de voir un neurologue qui va me proposer un traitement qui fonctionne. Depuis plus de 6 mois que j’ai mal au point d’avoir envie de me mettre une balle dans la tête (plus de douleur, plus de squatteur…), enfin un médecin qui prend en compte réellement mes maux de tête. 

6 mois après l’annonce arrive le jour de l’IRM de contrôle. Mon squatteur prend son aise, et grossit.

Après l’attente, c’est comme un soulagement de savoir vers où aller… “s’il grossit, il faudra le traiter”.

 

Les 2 mois qui vont s’écouler avant le 2e rdv avec le neurochirurgien vont être un autre temps d’attente. Il est fort probable que je me vois proposer une opération ou une radiochirurgie peut-être?

Dans tous les cas j’ai l’impression d’avoir une épée de damoclès sur la tête, prête à me prendre la vue: si le squatteur écrase le nerf optique? Si le chirurgien sectionne le nerf optique? Si je fais un AVC ou une hémorragie pendant l’intervention? Si l’anesthésie se passe mal? J’entends ce squatteur là dedans ricaner, pointant l’épée de damoclès sur ma vie. Entre des moments de peur et d’angoisse, il y a des moments intenses.  Intense en émotion, en sensation. C’est comme si je découvrais les choses, la beauté de la nature, des paysages de montagne, des couchers de soleil… comme si je voulais emplir ma mémoire de toutes ces belles choses, au cas où…. Paradoxalement la solitude m’accompagne toujours, mais elle est plus mon alliée que mon ennemie. J’ai besoin de me retrouver seule pour savourer, savourer la beauté de la vie. Mais il n’y a pas que le sens de ma vue qui est menacé. Mon odorat n’est pas au taquet… mais à ce moment-là je pensais que cela pouvait être les conséquences du covid… les médecins parlaient de méningiome du toit de l’ethmoïde, pas de méningiome olfactif.

Corinne